Génération Menthe – Génération 1 – Chapitre 48

Rosae

Le temps file et j’essaie de partager mes loisirs du mieux que je peux entre mes amis et Sven, même si, je dois l’avouer, j’ai une fâcheuse tendance à privilégier les moments que je passe avec mon correspondant qui n’est plus seulement ça, à présent. Je profite de chaque instant, pendant qu’il est encore là. Je joue sans doute un jeu dangereux, mon coeur ne sortira certainement pas indemne dans cette histoire, lorsqu’il partira, mais je refuse d’avoir des regrets.
Et puis, ma vie ne s’arrête pas à Sven. Nous sommes d’accord là-dessus, notre relation est ouverte, nous en avons reparlé par la suite. Il fait ce qu’il veut de son côté et moi aussi.
Aujourd’hui, c’est le Jour de l’Amour. Nous avons décidé de se voir avec Sven, mais il n’est pas disponible avant la fin d’après-midi.
Du coup, quand Pierre m’a supplié de sortir avec lui dans un bar, parce qu’il ne veut pas passer cette journée tout seul, je n’ai pas pu lui dire non. Cela fait un moment que je ne l’ai pas vu, lui aussi à pas mal d’occupation de son côté. Si bien que je suis surprise qu’il m’ait appelé, moi, aujourd’hui.

-Salut Rosie ! Me salut-il aussitôt lorsque je le rejoins à Windenburg. Comment tu vas aujourd’hui ?
-Ca va et toi ? Lui réponds-je avec le sourire. Alors comme ça, on a perdu de passer sa journée de l’amour tout seul ? Me moqué-je ensuite avec un sourire taquin.
-M’en parle pas ! Et surtout, j’avais aucune envie de rester à la maison avec ma mère qui fait la tronche parce que mon père est sorti je ne sais où et mon frère qui boude sans arrêt dans sa chambre sans raison !

Je ne peux que compatir. Maintenant que je connais le passé commun entre ma mère et son père, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il est parti voir ailleurs. Ce qui expliquerait l’humeur catastrophique de sa mère. L’ambiance ne doit pas être toute rose à la maison.
Par contre, je suis plus surprise pour Paul. Il a toujours été quelqu’un de réservé, mais je ne l’ai jamais vu déprimé. Passerai-je tellement de temps avec Sven que je n’aurais pas remarqué que mon ami ne va pas bien ?

-Que lui arrive-t-il, à Paul ? M’inquiété-je alors.
-Aucune idée. Il a peut-être eu le cœur brisé par une meuf, que veux-tu que je te dise. Il n’est pas très doué avec les filles alors ça serait pas étonnant. Hausse-t-il les épaules avec nonchalance. Visiblement, l’attitude de son frère ne le préoccupe pas plus que ça.
-Ouais, contrairement à toi j’imagine… Je suis d’ailleurs étonnée que tu n’es pas réussi à te trouver une fille pour passer cette journée en bonne compagnie. Le taquiné-je, ensuite.
Car enchaîner les conquêtes semblent être de famille. Pierre est le genre de gars qui aime les filles et qui ne veut pas se retrouver enchaîner à l’une d’elle. Alors, il s’amuse à draguer à droite à gauche et de profiter de ce qu’elles veulent lui offrir.
Un vrai bourreau des cœurs, en somme.
Personnellement, je me fiche bien de ce qu’il fait. Il veut s’amuser, c’est tout. Même si, parfois, je tique sur son manque d’honnêteté vis-à-vis de ces filles, mais cela ne me regarde pas, après tout.

-Qui te dit que je ne passe pas la journée en charmante compagnie ? S’en amuse-t-il alors, tout en se rapprochant de moi, arborant un sourire charmeur.
-Parce que tu es avec moi.
-Et alors ?
-Et alors, je ne ferai pas partie de ton tableau de chasse. D’autant plus que je ne pourrai pas rester. Lui signalé-je, plus amusée qu’autre chose. Pierre est un charmeur qui ne peut s’empêcher de séduire tout ce qui porte une jupe. Ce n’est pas la première fois et nous avons pris le parti d’en rire.
-Ah oui, tu dois rejoindre ton beau suédois ! Mais je croyais que vous n’étiez pas exclusif ?
-C’est le cas mais cela ne veut pas dire que je souhaite faire partie de tes nombreuses conquêtes. Bon, si on entrait ? Ca serait bête de venir dans un bar pour rester dehors comme des andouilles !
-Après toi ma belle ! Je te suis, j’aurais un meilleur angle de vue !
-Idiot ! Ne puis-je m’empêcher de rire de sa bêtise tout en lui donnant une tape sur l’épaule.

Nous entrons donc dans le bar où nous commandons des sodas. Nous sommes encore mineurs et, même si Pierre fait un peu la tête, nous sommes encore trop jeunes pour avoir accès à des jus de fruit plus corsés. Personnellement, je m’en fiche, je ne suis pas là pour finir complètement jusdefruitée.
Nous parlons beaucoup, avec Pierre. Parfois sur le ton de la blague, parfois plus sérieusement. Il n’a pas l’air comme ça, mais il s’inquiète un peu de ma relation avec Sven. Il a peur que j’y laisse des plumes. Je lui avoue que son départ ne sera pas facile, mais que je m’en remettrai.
C’est justement le but de la non-exclusivité. De garder une distance, entre nous, en restant ouvert à d’autres opportunités.
Puis, Pierre me fait rire, ce qui permet de détendre l’atmosphère et de me faire penser à autre chose. Jusqu’à ce qu’il soit l’heure pour moi de partir. On se lève donc pour aller vers la sortie, quand Pierre m’arrête tout à coup.

-Pour te remercier d’avoir passé du temps avec moi. Me souffle-t-il avant de m’embrasser.
Je suis un peu surprise par son geste soudain, mais je me laisse faire. Je me surprends même à répondre à son baiser. Ce n’est pas désagréable et cela m’amuse plus qu’autre chose.

-Je te l’avais dit que je passais la journée en charmante compagnie ! S’exclame-t-il ensuite avec un sourire victorieux. Il en fait des caisses pour un simple baiser sans importance, mais il me fait rire.
-Je te trouve bien sûr de toi pour un simple bisou !
-Un simple bisou ? Je suis outré ! Un baiser d’un Lothario, c’est du grand cru très chère ! Cela ne se résume jamais à un « simple bisou » ! Dire cela revient à donner de la pâtée au cochon ! Fait-il mine d’être choqué, comme si j’avais dit une énormité. J’éclate de rire face à sa bêtise.
-Que t’es bête !
-Mais c’est pour ça qu’on m’aime, très chère ! Se vante-t-il une nouvelle fois, sur le ton de la plaisanterie. Bon je te laisse ! A plus dans l’bus !

Il s’en va du bar en me saluant de la main. Je ne m’en fais pas pour lui, je doute qu’il rentre gentiment chez lui dans l’immédiat. Il ira ailleurs, et il trouvera certainement une nouvelle fille à séduire pour passer le temps et tester ses techniques de séduction.
Il prend tout cela pour un jeu et il s’en accommode très bien.
En cet instant, je l’envie. Car, bien malgré moi, je ne peux m’empêcher de m’en vouloir pour ce b.aiser. Je n’ai rien fait de mal, je le sais. Ce n’était qu’un b.aiser qui ne voulait rien dire, c’était juste pour s’amuser. Mais je culpabilise vis-à-vis de Sven, c’est plus fort que moi. J’ai voulu cette relation ouverte et je ne regrette pas mon choix. Mais c’était comme si j’étais programmée pour culpabiliser d’en avoir embrassé un autre.
Comme si, une petite voix dans ma tête me disait « tu ne devrais pas faire ça, tu ne devrais qu’être avec un seul homme ».
Je ne veux pas écouter cette voix. C’est une rabat-joie. Mais elle insiste, et je fais tout pour l’envoyer promener.
Je suis jeune, notre relation n’a aucun avenir. J’ai le droit de m’amuser, moi aussi.

Avant de me prendre davantage la tête, je quitte le bar pour rejoindre Sven. Avant d’aller aux Falaises, je fais un léger détour et je m’empresse de prendre le ferry pour rejoindre l’île de Windenburg. C’est un endroit magnifique et quelque part, bien caché se trouve des falaises avec des ruines anciennes. Je n’y suis jamais allée, mais j’en ai beaucoup entendu parler.
Alors j’arrive sur l’île, je me faufile dans la nature, je grimpe et j’accède dans les hauteurs. Je finis par arriver à destination et je vois Sven qui est déjà là.
Aussitôt, en le voyant, mes soucis s’envolent.
-Hey Sven ! Tu as réussi à trouver ! M’exclamé-je avec un sourire, tachant d’ignorer la pluie qui commence à tomber.
-Oui c’était pas bien compliqué ! J’ai déposé quelques affaires là-bas et je t’ai attendu ici. Me répond-t-il en me souriant tendrement. Son sourire me fait fondre.
-Ca fait longtemps que tu attends ?
-Une vingtaine de minutes je dirai… Mais c’est pas grave, j’étais en avance. Me rassure-t-il aussitôt alors que mon visage se décompose. Je m’en veux un peu qu’il est autant attendu… Mais en y réfléchissant, il a juste un ferry d’avance par rapport à moi.

-Désolée que tu ais du attendre, mais j’ai fait un petit détour en chemin. Lui avoué-je, un peu honteuse malgré les considérations techniques. De derrière mon dos, je sors alors une rose rouge que je lui tends aussitôt. Joyeux Jour de l’Amour Sven!
-Oh, merci Rosie ! Semble-t-il touché, alors que ses joues s’empourprent toute suite après découvert la fleur. Je… Je m’y attendais pas… Je suis désolé, j’ai rien pour toi, je savais pas…
-Te prends pas la tête Sven. Lui dis-je, amusée. C’est une tradition locale ici. On offre des fleurs le Jour de l’Amour, tu ne pouvais pas savoir.
-C’est une bonne tradition.

Suite à ses paroles, Sven s’approche de moi pour me prendre dans ses bras. Il s’empare de mes lèvres et je me sens légère. Je chasse Pierre et son baiser de mon esprit et je laisse toute la place à Sven. Je n’ai rien fait de mal et même si nous sommes dans une société qui ne tolère pas les relations ouvertes, je n’ai pas à m’en vouloir. Surtout que c’était juste une plaisanterie entre potes.
Et la vie est trop courte pour se prendre la tête et je suis tellement bien avec Sven que j’en oublie même la pluie qui tombe.

Après notre baiser, nous nous découvrons un peu plus les hauteurs des falaises. Le paysage est à couper de souffle et je comprends mieux pourquoi beaucoup de jeunes se cachent ici pour faire la fête. Il n’y a absolument personnes à déranger et la vue est splendide.
D’aussi haut, on a l’impression d’être invincible et les maîtres du monde.
C’est certainement ce qu’on du ressentir les gens qui vivaient ici, autrefois. Il ne reste plus rien que des ruines, et un plan d’eau qui n’a absolument rien de naturel. Peut être un ancien bain qui n’est alimenter que par l’eau de pluie aujourd’hui.
J’observe Sven avec une lueur taquine dans le regard. Je prends mon sac et je fonce me cacher derrière un buisson. Il ne me suit pas et se contente d’attendre. Je me change en vitesse et je m’attache les cheveux, pour ensuite le rejoindre. Il hausse un sourcil incrédule, se demandant sans doute ce que je fabrique en maillot de bain.
Avec un sourire amusée par son étonnement, je m’empresse de courir vers l’eau, sauter et plonger !
-Aaah elle est froide !!! M’écrié-je en sortant la tête de l’eau.
-C’est ça quand on plonge sans réfléchir ! Ne peut s’empêcher d’éclater de rire Sven. Au printemps alors qu’il pleut en plus !
-Et si tu venais me rejoindre au lieu de rigoler ? Le défié-je alors. Elle est bonne une fois qu’on est dedans !
J’avoue, je ne suis pas tout à fait honnête. Disons que la température de l’eau est… revigorante.
Bien qu’il ne soit pas dupe, Sven se déshabille quand même. Bien plus prévoyant que moi, il avait déjà son maillot de bain sur le dos… ou plutôt sur les fesses. Hmm… Une fois dévêtu, je me surprends l’admirer et je sens mes joues rosir. Un peu gênée, je cache le bas du visage sous l’eau, attendant patiemment qu’il veuille bien me rejoindre.
Ce qu’il fait sans attendre et je le vois grimacer.
-Il caille la vache !

-Fallait pas me faire confiance ! M’en amusé-je avant de l’éclabousser pour le mouiller davantage.
-Vilaine ! C’est moche de faire souffrir les autres ! Plaisante-t-il à son tour.
-Pauvre chou ! Tu vas pas en mourir ! Ne puis-je m’empêcher de rire, fière de ma blague. Il faut dire que je donne de ma personne pour tenter de le transformer en glaçon !
-Qu’en sais-tu ? Aaah !! Je meurs ! Fait-il mine d’avoir une crise cardiaque, en se tenant la poitrine avant se laisser couler sous l’eau.
-Andouille !! M’exclamé-je en continuant de rire avant de nager vers lui pour l’attraper par le bras et l’obliger à remonter à la surface. Je prends son visage entre mes mains pour ensuite l’embrasser.
-Miracle ! Je suis ressuscité ! Me sourit-il tendrement avant de m’embrasser à son tour, avec passion et en me serrant contre lui. Je m’accroche à son cou comme si ma vie en dépendait, refusant de me séparer de lui.
Sven recule un peu, sans pour autant me lâcher, pour prendre appui sur un rocher. Je passe mes jambes autour de sa taille et nous restons ainsi pendant un long moment. Nous nous embrassons, nous nous câlinons et c’est comme si le temps n’existait plus. Je ne me rends même plus compte que je suis frigorifiée, malgré la chaleur que m’inspire Sven.
-On devrait sortir de l’eau. Me souffle-t-il avec tendresse. Tu trembles comme une feuille.
-Mais non, je suis bien, ça va aller. Lui assuré-je, ignorant que je claque des dents.
-Arrête, t’as les lèvres limite bleues. Je ne voudrai pas que tu tombes malade. Me dit-il en me caressant doucement la joue.

Résignée, je finis par m’éloigner de lui pour ensuite nager jusqu’au bord de l’eau. Je sors et je sautille sur place pour me réchauffer. C’est vrai que j’ai froid mais j’étais tellement bien dans ses bras que je n’avais aucune envie de briser le charme du moment. Je prends une serviette de bain pour me sécher et tenter de calmer les frissons qui me parcourent le corps.
Sven sort de l’eau à son tour et entreprend également de se sécher. Contrairement à moi qui tarde un peu, il se dépêche de se rhabiller. Il m’embrasse la joue, puis part à la recherche de mes affaires que j’ai laissé derrière mon buisson.
En revenant, il n’a pas seulement mes vêtements dans les bras.

-Regarde ce que j’ai trouvé en cherchant tes affaires. Est-il tout content de me dire, tout en me tendant une rose rouge.
-Sven ! Tu n’étais pas obligé ! Lui dis-je, surprise mais touchée par son geste.
-Je tiens à respecter les traditions locales. M’assure-t-il avec un clin d’œil, me tendant ensuite mes vêtements. Tiens, rhabille toi, tu es gelée.
-Merci Sven, tu es vraiment adorable!

En bonne demoiselle sage, j’obéis et je m’exécute. Je me dépêche de me rhabiller et je me sens mieux avec mes vêtements sur le dos. Néanmoins, pendant tout le temps où je renfilais mes affaires, j’ai remarqué le regard que posait Sven sur moi. Je n’ai pas vraiment d’expérience dans le domaine mais je peux, je pense, dire sans me tromper que la vue de mon corps ne le laisse pas indifférent.
Malgré que je sois de nouveau vêtue, je continue de trembler, ce qui inquiète Sven. Il me prend dans ses bras et tente de me réchauffer.

-J’ai repéré de vieilles palettes qui traînent par là. Avec du bois en plus, peut-être qu’on pourrait faire un feu, ça te réchauffera. Suggère-t-il alors, soucieux de prendre soin de moi.
Je n’ose pas lui dire que ses paroles suffisent à réchauffer mon cœur. Il s’éloigne de moi, et s’active aussitôt à tout rassembler. Avec une dextérité étonnante, il parvient à allumer un feu.

-Comment tu sais faire ça ?
-J’ai fait les scouts. M’explique-t-il en haussant les épaules, comme si c’était normal pour lui. Maintenant que le feu est allumée, il revient vers moi pour me serrer contre lui.
Grâce au feu et à sa présence, la chaleur prend petit à petit la place du froid dans tout mon être.

Je passe une journée extraordinaire. Je suis tellement bien que j’ai perdu la notion du temps. J’ignore depuis combien de temps je suis ici, avec Sven, ni quelle heure il est. Tout cela n’a plus d’importance… Tout ce qui m’intéresse, c’est de profiter de l’instant présent, avec Sven.
Et d’un autre côté, cela me fait peur. Que se passera-t-il lorsqu’il repartira pour la Suède ? Il a pris une place tellement importante dans ma vie que j’ai du mal à l’imaginer sans lui. Nous vivons tellement de choses incroyables, mes sentiments sont si forts… j’ai l’impression que la perspective de son départ amplifie tout, absolument tout. Comme si nous devions vivre plus, profiter plus, ressentir plus… Avant que la géographie rendre tout cela impossible.
-Tout va bien Rosie ? Tu as l’air ailleurs.
-C’est rien, je suis juste un peu fatiguée.
-Tu veux rentrer ?
-Non, je veux rester ici, avec toi.

Comme pour le rassurer, je me tourne alors vers lui pour l’embrasser sur la joue. Il se laisse faire, le sourire aux lèvres. Doucement, je pose ensuite ma tête sur son épaule, cachant mon visage dans le creux de son cou. Par moment, je déteste ma vie, même si je n’échangerai pour rien au monde ces moments éphémères.
Pourquoi faut-il qu’il vive aussi loin ?
-J’ai emmené une tente si tu veux. Au cas où qu’on veuille se reposer en étant à l’abris… Tu veux que je l’installe ? Me propose Sven et sans attendre ma réponse, il entreprend déjà de monter la tente.
-Mais Sven… Comment ça se fait que tu sois aussi gentil ?! M’écrié-je alors, ce qui le fait aussitôt rire.

-Et voilà Mademoiselle ! Votre palais est prêt ! S’exclame-t-il, fier de lui, une fois la tente montée.
Je ne peux m’empêcher de rire avec lui, devant sa tente tout ce qu’il y a de plus classique. Je m’approche donc de l’entrée et je me penche pour aller à l’intérieur. Mais à mi-chemin, je m’arrête pour le regarder.

-Tu viens avec moi ?
-Si tu veux. Me sourit-il en réponse.
Nous entrons donc à l’intérieur de la tente et nous nous allongeons. Installé sur le dos, Sven m’ouvre ses bras pour que je vienne m’installer contre lui. Ce que je fais sans attendre. Lovée ainsi dans ses bras, je me sens si bien. Tout mon corps se détend alors, bercé par le rythme de sa respiration. Mais je n’ai aucune envie de dormir. Je relève donc mon visage vers le sien et je l’embrasse doucement. Sven répond à mon baiser sans attendre et nous restons ainsi, dans les bras de l’autre, à nous embrasser. D’abord tendrement, puis de plus en plus passionnément, sans interruption.

-Rosie, je crois qu’il vaudrait mieux arrêter. Me murmure subitement Sven, le souffle court, alors qu’il est déjà à moitié sur moi.
-Pourquoi ? Lui demandé-je sans comprendre n’ayant qu’une seule envie : continuer.
-Parce que là, j’ai envie d’une chose et je ne suis pas certain que c’est ce que tu veux. M’avoue-t-il, embarrassé. Il n’a pas besoin d’en dire plus pour que je comprenne.
-Continue, Sven. Lui soufflé-je, sûre de moi, sans y réfléchir davantage. Je n’ai aucune envie de réfléchir, d’ailleurs.
-Tu es sûre ? Semble-t-il étonné, tout en me caressant les cheveux.
-Oui, Sven. C’est peut-être fou mais… J’ai envie que ma première fois, ce soit avec toi. Lui avoué-je, me sentant rougir à ces mots.
Il me sourit alors, avec tendresse. Il approche donc son visage du mien pour reprendre ses baisers enflammés. La suite se passe de commentaire, tout se déroulant tout naturellement…

Nous sommes restés un moment dans la tente, dans les bras de l’autre. Le soleil commence doucement à se coucher, lorsque nous en sommes sortis. Nous nous allongeons sur le sol afin de profiter de ce spectacle. Pendant que j’observe le paysage, je laisse mon esprit vagabonder au delà des nuages.
Mes choix ne sont sans doute pas des plus raisonnables, mais je n’ai aucun regret. Je sais que la chute sera rude mais je profiter de l’instant présent sans penser à demain. Je n’ai aucune envie que plus tard, lorsque je repenserai à cette époque de ma vie, je me dise que j’aurais du agir autrement.
En cet instant, je n’ai jamais été aussi heureuse. Autant rester dans l’insouciance le plus longtemps possible.

Génération Menthe – Génération 1 – Chapitre 47

Le restaurant-cinéma est une création de @lalia181211

Rosae

Le temps a passé depuis l’anniversaire de Papa. Ca me fait bizarre de le voir avec les cheveux blancs, on dirait un papy. Je lui ai suggéré de faire une teinture mais il n’a pas voulu. Il assume ses cheveux blancs et ne veut pas dépenser de l’argent pour ça. Soi disant que ma teinture et celle de ma mère coûte déjà suffisamment chères comme ça ! La fausse bonne excuse !
En attendant, hors de question qu’il vienne me chercher au lycée. Déjà que c’est la honte d’avoir ses parents qui attendent à la sortie, si en plus, ils ressemblent à des vieux….
Je l’aime mon père, mais à la maison.
Mais en vrai, je passe peu de temps à la maison. J’aime bien sortir avec mes amis, même si je passe plus de temps avec Sven. Mes amis comprennent et je les vois toujours autant au lycée. Je profite de lui tant qu’il est là, avant qu’il ne reparte en Suède.
Et puis, j’aime passer du temps avec lui. Il n’est pas prise de tête, il ne me juge pas… J’ai l’impression que le temps passe trop vite quand je suis avec lui. Lorsqu’on est tous les deux, c’est comme si le monde autour de nous n’existait plus. C’est cliché à dire, mais quand je suis avec lui, j’ai l’impression d’être dans une bulle.
Aujourd’hui, j’ai fini les cours plus tôt et j’ai donc proposé à Sven d’aller se faire un ciné. Malheureusement, on est arrivé en avance et la séance ne commence pas avant une bonne heure.

-C’est sympa le coin. Commente Sven en observant les alentours alors que nous sommes devant le bâtiment à ne pas savoir quoi faire.
-Oui, c’est jolie Magnolia Promenade, mais c’est riquiqui et il n’y a pas grand chose d’intéressant. Lui dis-je dans un haussement d’épaules. Ca te dit un goûter ? Y’a un resto à côté du cinéma, et ça n’a pas l’air mauvais.
-Ca nous fera passer le temps. Accepte Sven en me souriant.

Programme validé, nous entrons donc à l’intérieur du restaurant. Nous nous installons sur une table à côté de l’entrée de la terrasse. Nous regardons la carte et nous choisissons deux gâteaux au nom étrange. Nous n’avons pas la moindre idée de ce que nous allons mangé mais cela nous amuse. On rit également des serveurs qui n’ont pas l’air très adroits. Une serveuse a même fait tomber tous les plats qu’elle avait en main. La pauvre est mortifiée mais c’est plus fort que nous.
-L’attente est longue quand même. Finis-je par marmonner en surveillant l’heure. Manquerait plus que l’on manque la séance.
-Cela ne fait rien, on a le temps. Me rassure Sven avec gentillesse. Au fait, nos tuteurs nous ont enfin donné la date de notre retour en Suède. M’avoue-t-il avec une moue embarrassée.
-Ah ? Fais-je mine de m’intéresser. Non pas que je m’en fiche, mais je n’ai pas envie d’y penser. Je me suis vite habituée à sa présence ici, avec moi, que je n’ai pas envie d’envisager son départ. Il embellit mon quotidien, et je ne veux imaginer ma vie sans lui. Pas maintenant.
-Oui… Si je ne me trompe pas, ce sera juste après ton anniversaire. Bredouille-t-il, gêné, n’osant pas me regarder dans les yeux.
-Oh… Soufflé-je, ne sachant que répondre. C’est … bien. Ca laisse un peu de temps.

-Mh, oui… J’ai conscience que mon départ n’est pas un chouette cadeau pour toi mais… Au moins, je pourrai être là pour le fêter avec toi. Ajoute-t-il avec un sourire qui fait bondir mon cœur.
J’ose enfin lever mon regard vers lui. Son regard bienveillant me met du baume au cœur. Le fait qu’il parte le lendemain de mon anniversaire ne me réjouit pas, mais il est vrai qu’il aurait pu partir avant. Ce qui aurait été pire, car je n’aurais pas pu compter sur sa présence rayonnante. Au moins, je sais que je pourrai encore profiter de lui lors de mes 18 ans. Cela me permet de relativiser son départ prochain.
Même si, au fond de moi, je préférerai qu’il reste ici pour toujours.

La serveuse arrive enfin, interrompant notre conversation. Elle dépose nos assiettes, nous souhaite un bon repas et s’éclipse à grande vitesse, pressée de servir les autres clients du restaurant. Je soupire intérieurement. L’arrivée de la serveuse a permis de détourner l’attention de Sven et il ne posera pas davantage de questions sur mon trouble.
Et cela me permet de penser à autre chose, aussi.
Surtout quand j’observe l’aspect étrange de nos gâteaux.
-Alors… Autant mon dessert semble ressembler à quelque chose, autant le tien, je me demande ce qu’a bien pu fumer le cuisinier. Commenté-je, dubitative.
-Tu m’étonnes ! Ne peut s’empêcher d’en rire Sven, également sceptique face à son gâteau. Mais tant que c’est bon !
-Ouais, tu me diras c’est le principal. Mais je comprends mieux pourquoi ils coûtent une blinde leurs plats !
-Ne t’inquiète pas de ça, c’est moi qui t’invite. Précise Sven en me souriant.
-Des clous ! Ce n’est pas parce que tu es un mec et que je suis une fille que tu dois payer pour moi ! Refusé-je aussitôt. Ce n’est pas la première fois qu’il essaie de m’inviter mais j’ai toujours refusé. J’ai l’impression d’être une assistée alors que je suis parfaitement capable de m’offrir ce qu’il me plait. J’ai l’ambition d’être une femme indépendante, non mais !
-C’est juste pour te faire plaisir, tu sais.
-Tu n’as pas besoin de ça pour me faire plaisir. Passer du temps avec toi me suffit !

Après le repas, nous payons nos desserts respectifs pour aller ensuite dans le cinéma. Sven tente encore une fois de m’inviter, mais je refuse. Cela fait bien marrer le caissier mais je m’en fiche. Je suis têtue quand je le veux. C’est en lançant un regard fier que je m’avance vers la salle à l’étage, suivie de prêt par mon ami. Eh oui, j’ai encore gagné !
Nous avons de la chance. Lorsque le film commence, nous avons la salle pour nous tous seuls. Pas de mangeurs de pop-corn bruyants, pas de gamins qui tapent dans les sièges, un vrai bonheur !
Je reste cependant songeuse devant le film… C’est Sven qui a choisi et j’ignorais qu’il s’agissait d’une comédie romantique. Ce n’est pas spécialement ma tasse de thé car je trouve les situations tellement irréalistes… Sérieusement, quel mec ferait des kilomètres en courant pour poursuivre une fille dans un aéroport ? Et surtout … Sans être arrêté par les agents de sécurité ? Et puis, les histoires d’amour sont trop belles pour être réalistes…
Plus ça va, plus je me rends compte que ces histoires d’amour classiques me semblent surfaites, surcotées, faisant plus de mal que de bien. Probablement quelque chose qui ne soit pas pour moi, qui ne me fait pas rêver comme les autres filles de mon âge.
Peut-être parce que je suis attirée par un garçon auquel je ne devrais pas m’intéresser… Un garçon qui va partir et que je ne reverrai probablement jamais, ou trop peu souvent. Comment construire quelque chose dans ces conditions ? Devrais-je, pour autant, renoncer et ne rien faire, quitte à le regretter par la suite ?

Je n’ai pas beaucoup suivi le film. J’ai la tête ailleurs, et je suis surprise lorsque les lumières se rallument. Sven me fait un grand sourire, visiblement il a apprécié le film. Mon cœur bondit, je ne peux m’empêcher de répondre à son sourire. J’ai l’impression d’être débile, mais c’est plus fort que moi. Je suis réaliste, je sais ce que cela veut dire. C’est complètement insensé car il doit repartir en Suède bientôt … Mais est-ce une raison de ne pas tenter et de profiter tant qu’il est là ? De vivre l’instant présent, sans penser à demain ?
-Il était cool le film ! Et plutôt original pour une comédie romantique ! J’aurais jamais cru que la fille aurait fini avec l’autre gars plutôt que le premier qu’on nous a présenté ! S’enthousiasme Sven alors que je ne sais absolument pas de quoi il parle. Et toi, tu en as pensé quoi ?
-Euh ouais, pareil. Dis-je distraitement. Comment avouer que je n’ai absolument rien vu du film ? Comment l’expliquer par la suite ?
-Ca va Rosie ? S’inquiète tout d’un coup Sven. Il fronce les sourcils, cela le rend craquant.
Idiote. Arrête de penser comme ça !

-Euh oui, ça va. Bredouillé-je, un peu hésitante, rougissante. Je n’ose pas le regarder dans les yeux. Je me sens maladroite, mal à l’aise. Pourtant, je me sens si bien, avec lui. Dis-moi…
-Oui ?
-Que… Penses-tu de moi ? Demandé-je timidement, comme pour tâter le terrain. Un signe qui me pousserait à prendre une décision. Prudence ou non ? Vivre l’instant présent ou rester raisonnable ?
-Hein ? Ne semble-t-il pas comprendre. Sur son visage, je vois l’incompréhension. Il doit se demander quelle mouche m’a piqué. Il ne saisit pas du tout où je veux en venir et c’est assez drôle à voir, en vrai. Bah… Euh… Je… t’aime bien… Mais euh, pourquoi ?
….
Crotte la raison. On a qu’une vie.
-Parce que tu me plais.

Et là, sans réfléchir davantage, je m’approche de lui pour l’embrasser. Sur la bouche. Pas un simple bisou sur la joue. Un vrai b.aiser qui ne laisse pas place au doute sur mes intentions.
Mon cœur s’envole durant ce cours instant. Sven ne me repousse pas. J’ai l’impression que le temps s’arrête, que ces quelques secondes durent plusieurs minutes.
J’ai décidé de foncer. Certes, ce n’est pas raisonnable. Je vais finir par avoir le cœur brisé et je vais être triste lorsqu’il s’envolera pour la Suède. Mais je sais également que si je n’avais pas tenté, que si je l’avais laissé partir sans avoir rien vécu avec lui, je l’aurais regretté toute ma vie.

Lorsque je m’écarte de lui après ce baiser furtif du bout des lèvres, je scrute son visage avec nervosité. Je me détends aussitôt quand il me sourit avec tendresse. Il prend ma main dans la sienne et me la caresse avec son pouce. Mon cœur bat la chamade devant tant de douceur.
Faut dire que je n’en ai pas forcément l’habitude.
-Tu me plais aussi, Rosie. M’avoue-t-il doucement, en me regardant amoureusement. J’ai chaud. Mais…
-Mais ?

-Mais je vais repartir en Suède. Soupire-t-il tristement, et son visage transmet son désarrois.
-Je sais…
-Je ne sais pas si c’est raisonnable que l’on tente quelque chose, tous les deux… M’avoue-t-il en soupirant. Sachant que notre histoire aurait forcément une date de péremption.
-Je le sais tout ça. J’ai pas arrêté d’y penser. Lui dis-je en réponse. Mais on est jeune, si on ne vit pas les choses maintenant, on ne les vivra jamais… J’ai envie de profiter et ne pas avoir de regret.
-Justement. J’ai pas envie que tu t’engages avec moi et que t’empêcher de vivre autre chose, de faire des rencontres alors que nous deux, cela ne durera pas. Tu pourrais passer à côté de quelque chose juste parce que tu es avec moi…
-Rien ne nous oblige d’être exclusif … Proposé-je, timidement, tentée par cette solution sans oser l’avouer. J’ai été tellement déçue par ma propre famille que je ne me vois pas forcément engagée pour le moment, tu sais…
-Tu… Tu n’exigerais pas la fidélité ? S’en étonne-t-il, surpris.
-Bah… Non. M’en fiche en fait. Haussé-je les épaules. Comme je te l’ai dit, j’ai envie de profiter de la vie. Cela fait un moment que j’y réfléchis en fait. J’ai envie de profiter de l’instant présent et de tenter quand j’ai envie de tenter. Sans engagement. Enfin… Si cela te tente.
-C’est sans doute la solution la plus adaptée pour nous. Admet Sven en me souriant. Surtout que… Moi aussi, je n’ai pas envie de passer de louper quelque chose avec toi.

Je me sens brusquement soulagée par sa réponse. J’avais peur qu’il me rejette pour mon idée, qu’il me juge pour mes envies pour le moins inhabituelles. Selon les conventions, je devrais vouloir une belle histoire d’amour menant jusqu’aux enfants et au mariage. Un amour solide et fidèle. Un seul pour toujours.
Mais les conventions me gonflent. Je n’ai pas envie de m’engager avec quelqu’un. Je ne rêve pas d’un beau mariage et d’avoir des enfants. Lorsque j’ai réalisé que je voulais vivre une histoire avec Sven, en sachant que cela ne durerait pas le temps, j’ai compris que le couple classique n’était pas pour moi. Que je préférerai vivre des expériences selon mes envies plutôt que de me contraindre parce que j’y suis obligée.
Sans attendre, Sven m’attire à lui pour m’embrasser. Un baiser fougueux, passionné, qui me fait perdre la tête.
A cet instant, je sais que je ne regretterai pas ma décision.

Génération Menthe – Génération 1 – Chapitre 46

Maetha

Ce soir, nous fêtons l’anniversaire de Nick. Le pauvre va se prendre des cheveux blancs et même s’il ne dit rien, je sens qu’il ne le vit pas forcément très bien. Je pense que cela lui fait quelque chose d’entrer dans le 3e âge et d’avoir davantage l’âge de se faire appeler Papy que Papa. Même si nous n’avons pas encore de petits-enfants.
J’ai passé une rude journée au travail. Nous avons eu beaucoup de boulot et par moment, je me suis rappelée l’époque où je travaillais avec Charlotte. J’avais qu’une hâte : rentrer à la maison retrouver ma famille, préparer la fête et voir mes enfants.

-Bonsoir ma chérie… Tu sais, tu pouvais prendre le temps de te changer avant de faire le gâteau. M’assure Nick, avec le sourire.
-B’soir… Oui mais comme ça, je suis sûre que c’est prêt quand les enfants vont arriver.
-Ca ne va pas ? Devine alors Nick, un peu inquiet, pour ensuite s’approcher de moi pour me prendre dans ses bras.
-J’ai passé une rude journée, c’est tout.
-Prends un peu de temps pour te détendre. Et bientôt tu verras tes enfants, ça ira mieux. Me chuchote-t-il avec tendresse avant de me déposer un baiser sur la joue.

Pendant que le gâteau est au four, je vais dans la chambre pour enlever ma tenue de travail et enfiler une tenue pour adapter à une fête d’anniversaire. Ma petite robe noire, celle que je portais lorsque nous avons officialisé notre relation avec Nick. Cela faisait longtemps que je ne pouvais plus entrer dedans… Le sport fait décidément des miracles!
J’ai à peine le temps de finir de me préparer que quelqu’un sonne à la porte. Je me dépêche donc de descendre et je découvre mon fils dans le salon. Ravie de voir mon petit bonhomme, je m’empresse de le prendre dans mes bras.
-Bonsoir mon grand ! Je suis tellement contente de te voir ! Le salué-je, enjouée. Mais tu sais, tu es chez toi ici. Tu n’as pas besoin de sonner !
-Coucou Maman. On sait jamais ! Je préfère ne pas savoir ce que vous fêtes maintenant qu’on n’est plus là ! Me taquine-t-il avec un grand sourire moqueur.
-Mauvaise langue, je te rappelle que ta sœur vit encore ici ! Juliette n’est pas là ?
-Non, elle est malade la pauvre. Elle a passé la journée au lit.
-La pauvre. On lui mettra une part de gâteau dans un tupperware dans ce cas.
-Ca lui fera certainement plaisir.

Le four se fait entendre. Je m’empresse donc de sortir le gâteau au chocolat, l’idéal pour combler la gourmandise de toute la famille. Pendant que j’installe le gâteau sur la table, puis les bougies, Roxane arrive à la maison. Contrairement à son frère, elle rentre directement à la maison. Mon cœur se réchauffe dans ma poitrine, ravie de revoir ma fille aînée.
-Coucou ma grande ! Tu vas bien ?
-Un peu fatiguée, la route est longue jusqu’à Del Sol Valley. Bâille-t-elle en scrutant le gâteau. Il a l’air super bon ton gâteau Maman !
-Merci !

Nick arrive également dans le salon. Son visage s’illumine en découvrant la présence des jumeaux. Il ne le montre pas, mais je sais que les jumeaux lui manquent à lui aussi. Pendant que je discute avec Roxane, il va donc voir notre fils pour le serrer dans ses bras.
-Tout se passe bien dans l’orchestre ? Demandé-je donc à ma fille, profitant de sa présence pour avoir des nouvelles. Il est vrai qu’elle n’appelle pas souvent et qu’elle est souvent pressée lorsque je préviens à la joindre au téléphone.
-Très bien, on répète beaucoup pour être prêts pour la prochaine représentation. Me répond-t-elle avec un sourire, son visage s’illuminant à l’évocation de son travail. Désolée d’ailleurs de ne pas avoir beaucoup de temps pour donner des nouvelles, mais j’ai beaucoup de boulot…
-Je comprends ma puce. Et il n’y a pas un beau jeune homme dans le lot ? La taquiné-je un peu, ce qui la fait lever les yeux au ciel.
-J’ai pas le temps pour ça, Maman.
-Bon, et si je soufflais mes bougies moi ? Interviens subitement Nick, maintenant que tout le monde est là. Rosae est rentrée en fin d’après-midi et attend patiemment sur le canapé. Elle a dit bonjour de loin aux jumeaux et j’essaie de ne pas y prêter attention.

Nick se dirige donc vers son gâteau, prêt à souffler ses bougies. Il semble plus serein qu’il ne l’était lorsqu’il a passé ses 40 ans. Peut-être est-ce l’effet d’avoir toute la famille autour de lui. Il est tellement content qu’il oublie qu’il vieillit. Tant mieux pour lui, je suis ravie.
Même si cela ne se voit pas.
J’essaie d’éviter de penser que cela bientôt mon tour, mais c’est plus fort que moi. Bientôt, moi aussi je soufflerai les bougies et moi aussi j’aurais des cheveux blancs. J’ai tellement pas envie de devenir une petite vieille…
Sur mes pensées sur l’avenir, Nick souffle ses bougies…

Et voilà. C’est fait. Nick vieillit et devient un senior. Les cheveux blancs ont pris place, et le pauvre se fait mal au dos en voulant faire le fou. Il grimace sur le coup, mais il retrouve très rapidement le sourire.

Pendant que les enfants s’intéressent déjà au gâteau -bande de morfales-, Nick s’approche de moi pour me prendre dans ses bras. Je lui souris. Il est toujours aussi beau, mon homme !
-Ca va ? La vieillesse ne m’a pas trop enlaidi ? Je te plais toujours ? Me souffle-t-il avec une lueur taquine dans les yeux.
-Tu es toujours aussi beau mon amour. Lui assuré-je avant de l’embrasser.
-Tout va bien ? Me murmure-t-il au creux de l’oreille.
-Bientôt, ce sera mon tour…
-Tu seras toujours la même mon amour. L’âge, c’est dans la tête.

Après cette interlude en amoureux, nous rejoignons les enfants à table. Le gâteau est délicieux mais je ne me laisse pas distraire. Les filles sont assises l’une à côté de l’autre, et je préfère garder un œil sur elles.
-Alors ta vie ? Toujours aussi nulle ? Demande Roxane à sa sœur avec un air narquois. Ca y est, elle recommence.
-Mêle toi de tes fesses. Réplique aussitôt Rosae en lui lançant un regard noir. Tu t’es pas étouffée avec la chaleur de Del Sol Valley ?
-Oh bah donc, le microbe parvient à lancer des piques maintenant ? C’est qu’elle mordrait presque !
-Les filles, ça suffit maintenant ! Soupiré-je, blasée par leur attitude. Par moment, je me demande si elles ne le font pas exprès pour me rendre chèvre.
En tout cas, s’il y a bien une chose qui ne m’a pas manqué, ce sont leurs disputes.

Génération Menthe – Génération 1 – Chapitre 45

Maetha

Après le mariage et le décès de Charlotte, j’ai décidé de ne pas me laisser abattre. Je n’ai pas envie de garder un mauvais souvenir de mon mariage et je sais que Charlotte ne voudrait pas que sa mort soit le seul souvenir que je conserve de cette journée. J’ai pleuré mon amie, beaucoup.
Mais… Il faut que j’avance. Elle n’est plus parmi nous, mais elle voudrait que nous continuons de vivre.
Alors, pour me changer les idées, je continue le sport. J’ai retourné mon poids de forme, mais il est hors de question de me laisser aller une nouvelle fois. Alors, je suis les programmes sportifs à la télévision et je me défoule dans mon salon. En plus d’entretenir ma silhouette, ça me permet également d’évacuer le chagrin. Ainsi, dès que je pense à Charlotte, je lance la télévision et je fais du sport.
Cela me fait du bien, vraiment.

Un jour, après ma séance de sport du jour, Roxane m’annonce qu’elle souhaite nous parler, à Nick et moi. Je suis intriguée, curieuse, j’essaie de l’interroger mais elle insiste pour attendre son père. Je patiente donc, mais une boule se forme dans mon estomac. Son annonce ne m’inspire rien de bon.
Et mon instinct ne se trompe pas.
-Nick, Maman… Je… j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer… Commence-t-elle par dire, timidement, hésitante.
-Nous t’écoutons ma chérie. Lui assuré-je avec un sourire rassurant, alors que le stress s’empare de moi.
-J’ai trouvé une place dans un orchestre, en tant que violoniste. Le chef d’orchestre a été impressionné lors de mon audition alors il a insisté pour que j’obtienne une place permanente.
-C’est formidable ma puce ! Je suis fière de toi ! J’ai toujours su que tu ferais carrière dans le violon ! M’enthousiasmé-je, bien que je sens que cette bonne nouvelle cache autre chose. Ce que Nick perçoit également.
-Il y a autre chose Roxie ?
-Oui… Le poste n’est pas par ici, mais à Del Sol Valley. Du coup, je dois déménager et assez rapidement car je commence bientôt. Et j’ai déjà trouvé une maison plutôt cool.
-Oh, donc… Tu… Tu vas bientôt partir ? Soufflé-je, surprise, me forçant à sourire, tandis que Nick s’empare de ma main pour me soutenir.
-C’est super, Roxie. Nous aurons l’occasion de venir te voir et de venir visiter j’espère ? Ajoute Nick sur un ton enjoué, ravi de la nouvelle.
-Bien sûr, quand vous voulez !
Cela me fait tout drôle de savoir que ma fille aînée va quitter la maison. Honnêtement, je pensais que Ryan serait le premier à partir d’ici… Oh non. Il est déjà prévu qu’il s’en aille. D’ici peu, la maison va se vider et mes bébés vont s’envoler du nid. J’ai du mal à réaliser qu’ils sont adultes maintenant mais, comme me dit Nick, c’est dans l’ordre des choses…

Et cela ne manque pas. Quelques jours plus tard, c’est Ryan qui souhaite nous parler. Nous savons qu’il a un travail mais ça y est, il va vraiment quitter la maison. Il va s’installer avec sa petite amie, Juliette, dans une maison à Brindleton Bay. Je suis heureuse pour lui, mais cela me fait quelque chose de le voir partir, d’autant plus pour vivre avec sa petite amie.
Le temps passe si vite.. A ce rythme, je vais me retrouver grand-mère avant d’avoir le temps de dire ouf.

Faites qu’ils prennent leur temps.

-C’est une super nouvelle ça ! Est ravi Nick alors que Ryan vient de lui annoncer la bonne nouvelle. Je suis content pour toi. Ca va faire drôle à la maison, avec toi et ta sœur qui quittent la maison.
-Je dois t’avouer que cela me rassure que Roxane quitte aussi la maison et qu’elle ait un travail passionnant pour elle. J’avais peur qu’elle déprime, vu qu’on a toujours été proche…
-Ne t’en fais pas pour ta sœur, elle a plus de ressources qu’elle en a l’air !

Les jours suivants, nous sommes bien occupés. Nous préparons les déménagements des jumeaux et nous les aidons à s’installer. Roxane a râlé, car elle voulait se débrouiller toute seule comme une grande, mais il m’est impossible de ne pas aider ma fille.
Et voilà, les enfants sont partis. La maison est toute calme maintenant que nous ne sommes plus que trois et sans les disputes entre Roxane et Rosae. J’ai eu du mal à trouver le sommeil, mais il faut que je prenne l’habitude. Les enfants quittent la maison pour vivre leur vie c’est normal. Cela ne veut pas dire que j’ai perdu mes bébés à tout jamais.
Et puis une lumière familière fait son apparition dans le jardin. Cette fois-ci, j’oblige Nick à rester tranquille et je vais aller voir par moi-même.
Sans surprise, les aliens viennent nous rendre une petite visite et ils ne tardent pas à m’inviter dans leur vaisseau. Je me sens nerveuse jusqu’à ce que l’un d’eux viennent me parler. Ils veulent savoir où est enterrée Charlotte. Et là, j’ai compris.
Cette fois-ci, ils ne viennent pas pour moi ni pour mon travail. Mais pour Charlotte. Car pour être honnête, Charlotte n’était pas originaire de notre planète mais de Sixam. Elle me l’a avoué il y a quelques années. Elle était tombée amoureuse de notre monde dans sa jeunesse et a voulu s’installer ici. Maintenant qu’elle est morte, sa famille sur Sixam veut récupérer sa tombe, pour qu’elle repose là-bas.
Je ne peux pas leur en vouloir…

Rosae

Roxane et Ryan ont déménagé de la maison. Ils sont tous les deux partis, et ils ne vivent même plus à Willow Creek.
Je mentirais si je disais que je m’en fiche et que cela me fait ni chaud ni froid. En vrai, cela me fait bizarre. Je ne suis plus réveillée par le violon de Roxane, je n’entends plus Ryan jouer au basket … Et surtout, j’ai enfin la paix. Je ne supporte plus l’ignorance de mon frère, ni les piques acerbes de ma sœur. D’un côté cela me fait des vacances. De l’autre, ils me manquent, un peu.
Mais plutôt mourir que de l’avouer.

Et puis, ce n’est pas compliqué de penser à autre chose. Les correspondants suédois de ma classe sont arrivés et j’ai enfin pu faire la connaissance de Sven. Ils vont rester un moment ici, avant de repartir pour la Suède. Mais pour le moment, je n’ai pas envie d’y penser.
Cela est un véritable plaisir de le rencontrer en vrai. Enfin je peux le voir et lui parler, et ne plus attendre qu’il répond à mon dernier mail. Nous nous voyons principalement au lycée, mais je lui propose de temps en temps de lui faire visiter le coin.
Cette après-midi, je lui ai proposé d’aller au parc de Willow Creek, et il a accepté. C’est rafraîchissant de le voir, cela me change de mes fréquentations habituelles.

Le courant est toute suite passé lorsque nous nous sommes rencontrés. J’ai retrouvé la complicité que nous avions par écrit et cela me fait du bien. Comme par mail, je peux lui parler sans le moindre problème, lui dire tout ce que j’ai sur le cœur. Je sais qu’il le gardera pour lui et puis, un jour, il repartira en Suède avec tous mes secrets et là-bas, ma petite vie n’intéressera personne.
Bref, il est le confident parfait.

-T’as vu il est sympa ce parc ! J’ai passé un temps fou ici quand j’étais petite ! M’exclamé-je alors que nous nous sommes relevés du sol où nous nous étions posés tranquillement. Puis c’est calme.
-Ouais j’avoue c’est sympa. Admet-il avec son accent suédois. Ce n’est pas toujours évident de le comprendre mais je m’y habitue à force. Et sinon, ça va toi ? Tu es bizarre aujourd’hui.
-Comment ça bizarre ?
-Oui enfin, je veux dire… Que… Je veux dire que tu n’es pas comme d’habitude. Se corrige-t-il, mal à l’aise, comme s’il était gêné d’avoir dit quelque chose qu’il ne fallait pas.
-Oui ! Tout va bien ! On fait un selfie ?

Je sais, j’ai essayé de changer de sujet et de dévier son attention. Sven est très observateur mais je ne suis pas certaine de vouloir lui partager mes pensées aujourd’hui. J’ai passé des mois à me plaindre de ma sœur et de mon frère, je me sentirais trop stupide de dire qu’aujourd’hui, leur présence me manque à la maison.
Et puis, ce détournement d’attention n’est pas non plus sans intérêt. Au moins, je pourrai garder une photo souvenir de notre rencontre.

-Tu m’enverras la photo ? Me demande-t-il ensuite avec un sourire, avant de reprendre avec plus de sérieux. Et si tu me dis ce qui ne va pas ? Si tu crois que j’ai pas vu que tu essayais de détourner mon attention …
-Je ne vois pas de quoi tu parles très cher ! Tout va parfaitement bien ! Lui assuré-je en faisant mon possible pour ne pas montrer mon trouble. Et pas de soucis pour la photo, je te l’envoie demain !
-C’est l’anniversaire de ton père qui te perturbe ? Tu sais, ça me gêne pas que tu doives partir tôt, je comprends. Alors, tu n’as pas à te sentir gênée… Tente-t-il, têtu comme une mule. Mais une mule adorable qui s’inquiète pour moi et qui essaie de m’aider.
-Mais non, ça n’a rien à voir avec mon père.
-Donc il y a bien quelque chose.

Je soupire en réponse. Je me suis faite avoir et je ne vais plus avoir d’autres choix que de dire la vérité. Je vais avoir l’air débile devant mon ami et il ne me prendra plus jamais au sérieux. Je serai encore une de ces filles qui passe son temps à se plaindre pour un oui ou pour un non, et qui n’est jamais contente.
Bonjour l’angoisse, je vais devenir une cruche aux yeux de Sven. Ca valait vachement le coup de quitter la Suède pour me rencontrer.
-C’est que… Tu vas peut-être trouver ça stupide mais … depuis que Ryan et Roxane sont partis de la maison … Bah ça me fait bizarre qu’ils ne soient plus là. Avoué-je timide, en osant à peine le regarder dans les yeux.
-C’est-à-dire ? Ils te manquent ?
-Un peu… Enfin, je suis contente d’avoir la paix mais… Je sais pas comment l’expliquer. Il y avait une certaine routine à la maison. J’aimais bien entendre la musique de ma sœur et quand Ryan était là … Bah y’avais peut-être de l’espoir, tu vois ?
-Je vois, tu espérais que cela s’arrange entre vous, avec le temps. Et maintenant qu’ils sont partis, c’est comme si la situation va rester la même ? Comprend-t-il avec un sourire compréhensif.
-C’est ça ... Admis-je en regardant mes pieds. Je sais, c’est débile. Ils ont été horribles avec moi, je devrais les renier à vie.

-Ce n’est pas débile. Ce sont ton frère et ta sœur et au fond tu les aimes. C’et normal que tu aimerais que ça s’arrange. Me rassure Sven en me prenant dans ses bras pour me réconforter. Et ce n’est pas parce qu’ils ne vivent plus chez toi que cela n’arrivera pas un jour. Au contraire, ça leur permettra peut-être de prendre du recul.
-Peut-être … Mais bon, au milieu il y a les parents. La mort de la meilleure amie de Maman, l’anniversaire de Papa… Ca me rappelle qu’ils ne sont pas éternels et je me dis qu’ils auront toujours connus leurs enfants brouillés par la jalousie à la noix.
-Tes parents seraient ravis d’apprendre que tu les enterres déjà. Plaisante alors Sven, ce qui me fait sourire à mon tour. Ne t’inquiète pas, cela finira par s’arranger.
-Peut-être. Haussé-je les épaules avant de m’éloigner de lui, à regret. C’est drôle à dire, mais je me sentais bien dans ses bras. Faut que je te laisse. Je dois aller à l’anniversaire de mon père justement !

Génération Menthe – Génération 1 – Chapitre 44

Rosae

Lorsque je scrute le ciel, je réalise que nous avons de la chance. Le soleil est au rendez-vous, Papa et Maman pourront se marier à l’extérieur, sans être obligés de se rapatrier à l’intérieur. Cela aurait été dommage, ce parc est magnifique.
J’estime avoir moi aussi de la chance. Ce n’est pas tous les enfants qui ont la chance d’assister au mariage de leurs parents, de les voir se promettre amour et fidélité jusqu’à la fin de leurs jours. La vie veut que généralement, les parents se marient et ont des enfants ensuite. Les miens ont tout fait à l’envers mais comme ça, nous pouvons assister à ce jour.
J’imagine que la cérémonie sera belle. Papa et Maman, Roxane qui va jouer du violon pour eux… Je la porte pas dans mon cœur mais je ne peux qu’admettre qu’elle a un talent indéniable pour le violon et elle accompagnera la cérémonie à la perfection.
Et je peux l’affirmer parce que je l’ai entendu s’entraîner.

Les jumeaux, eux, attendent le début de la cérémonie à l’intérieur de la salle, où se tiendra la fête. Les tables sont placées et décorées, la table du buffet est installée, les platines du DJ n’attend plus que l’artiste pour commencer à nous faire danser. Ryan et Roxane font le tour de la salle pour vérifier qu’ils ne manquent rien, que tout est parfait, pendant que les parents terminent de se préparer, chacun dans leur coin.
-Bon, tout me semble OK… Et toi ? Demande Ryan tandis que Roxane observe la salle.
-Je pense aussi.
-Prête à montrer tes talents ? Tu n’as pas oublié ton violon ?
-Je n’oublie jamais mon violon. Lui assure-t-elle avec un sourire. Je suis prête oui… J’espère que ça plaira à Maman et à Nick…
-Ils seront ravis ne t’en fais pas ! Viens, on va prendre l’air.

Ryan et Roxane sortent donc à l’extérieur, profitant à leur tour du beau temps. En me voyant à côté de la fontaine, Roxane me regarde avec suspicion. Je soupire, me demandant bien ce qu’elle pouvait bien penser sa sale petite tête. Ne peut-elle pas me laisser tranquille ? Visiblement, même le mariage des parents n’est pas une raison suffisante pour faire un effort…
-Tu as gardé tes cheveux rouges ? Me questionne-t-elle sur un ton de reproche. Je hausse les épaules, me fichant bien de son avis. J’aime ma couleur et je ne détonnerai pas dans le paysage.
-Laisse ta sœur tranquille Roxane. Intervient calmement Papa, qui passe justement à ce moment là. Fais au moins un effort aujourd’hui.
Tu n’étais pas censé mettre une veste bleu ? M’étonné-je en le découvrant, l’ayant déjà vu essayé son costume avant le Grand Jour.
-J’arrive pas à mettre la main dessus … M’avoue-t-il un peu gêné, alors que je lève les yeux au ciel, amusée.
-Attends, je vais t’aider à la retrouver. Lui dis-je alors, ayant un super prétexte pour m’éloigner de ma sœur tandis qu’elle accueille Charlotte et Sébastien avec Papa.

La journée passe à une vitesse affolante. Je finis par retrouver la veste de Papa qui part se changer. En sortant, il me demande d’aller dehors et d’aller m’asseoir. La cérémonie va bientôt commencer.
Je ne proteste pas, je ne dis rien. Je me contente de faire ce que l’on me dit. Je retourne dehors et je m’avance vers l’arche pour m’asseoir sur une chaise, au premier rang. A côté de mon frère, que j’ignore. Roxane est debout et prépare son violon.
Je ne peux m’empêcher de l’observer. Elle est concentrée sur ce qu’elle fait et je sens que cela n’a rien d’être une corvée pour elle. Le seul moment où elle me parait sympathique, c’est lorsqu’elle a son violon dans les mains. Je ne sais pas d’où lui vient sa passion pour le violon et je m’en fiche. Même si Roxane passe son temps à m’envoyer promener, j’adore l’écouter jouer. C’est comme un plaisir coupable. Je ne devrais aimer ça, mais je ne peux pas m’en empêcher.
Et je sais, qu’un jour, nous ne serons pas les seuls à aimer sa musique. Les murs sont fins et je sais que Roxane a décroché une place dans un orchestre. Elle ne l’a pas encore annoncé pour ne pas voler la vedette, mais elle va devoir bientôt quitter la maison.

Le soleil commence à se coucher. Le ciel bleu se teinte petit à petit de rose et voilà le signal annonçant le début de la cérémonie. Roxane commence à jouer du violon, et Papa s’avance doucement dans l’allée, en direction de l’arche fleurie.
Je l’observe, rêveuse. Parfois, je me demande si je vivrai une aussi belle histoire que mes parents et un aussi mariage. Ils ont mis du temps avant de se trouver, mais ils ont fini par tomber amoureux et ils ne se sont plus quittés. Cela laisse rêveur.
Aurais-je, moi-aussi, le droit à une belle histoire d’amour ? Je l’ignore. Il y a tellement de personnes seules dans le monde et de couples qui ne fonctionnent pas. Par moment, j’ai l’impression sont les exceptions qui confirment la règle. Le couple est la norme, mais finalement, est-ce une norme qui convient à tout le monde ?
Est-ce une norme qui me conviendrait, à moi ? Sommes-nous tous, obligés de suivre les règles de la société ? Lorsque j’observe ma famille atypique, je me permets d’en douter, parfois…

Maetha

Je suis morte de trouille. Je n’ai jamais été aussi stressée de toute ma vie. Non pas que je doute, que je remette en cause mon engagement vis-à-vis de Nick, bien au contraire. Je l’aime de tout mon cœur et je veux finir mes jours avec lui. C’est juste l’organisation du mariage qui me stresse.
J’ai tellement envie que tout soit parfait, que tout se passe bien… J’ai peur qu’une tuile, qu’un détail vienne tout gâcher. Qu’au lieu de notre amour, on ne retienne que la tuile qui nous est tombé dessus. Tout le monde essaie de me rassurer, mais c’est plus fort que moi. Je crois que je suis une stressée de nature.
J’ai mis plusieurs heures à me préparer. Je veux être parfaite. J’ai choisi ma robe avec soin, ravie de ma nouvelle silhouette. Ma robe et mon corps s’associent maintenant à la perfection. Le coiffeur n’a pas raté ma coiffure non plus -merci les rajouts- et le maquille me satisfait. Mais est-ce que je serai belle aux yeux de mon futur époux ? Je l’espère tellement.
Je vois le soleil se coucher. J’entends ma fille jouer du violon. La mélodie est magnifique et je ne regrette pas de lui avoir demandé de jouer aujourd’hui. Je respire un grand coup, et je sors enfin de la salle pour m’avancer vers l’arche.
En m’approchant, mon cœur rate un battement. J’en ai le souffle coupé. Le couché du soleil, mon fiancé qui m’attend, ma fille qui joue pour nous … Tout est parfait. C’est splendide, je ne pouvais rêver mieux. Mon cœur se réchauffe par l’amour que j’éprouve pour les miens. Je respire à plein poumons une nouvelle fois et je m’avance, confiante, pressée d’être enfin unie à l’homme de ma vie.

Lorsque Nick me découvre, je le vois se tendre et respirer profondément. En m’approchant, je peux observer ses yeux pétiller d’amour et de bonheur. Je me sens belle dans son regard.
Et lui aussi est beau. Son costume lui donne de l’élégance et je me sens fière de l’épouser aujourd’hui.
Nick est mon homme à moi, et c’est moi qui ait la chance de l’épouser. Bientôt, il aura une alliance à son doigt, renvoyant un message très clair : « Désolée les filles, cet homme est déjà pris. Donc, pas touche. ».
-Tu es magnifique, mon amour. Me souffle-t-il, visiblement ému. Je suis toujours nerveuse mais mon cœur se réchauffe encore un peu plus.
-Toi aussi. Bredouillé-je avant de lui sourire.
La cérémonie commence. Nous sommes prêts à nous promettre un amour éternel et une fidélité sans faille.
-Maetha, mon amour, je bénis le jour où je t’ai rencontré, où tu t’es installée juste en face de chez moi. Je bénis d’avoir fait ta connaissance, d’être devenu ton ami, ton meilleur ami, ton petit ami. Je bénis les trois enfants que tu m’as offert. Et ce soir, je bénis le fait que tu deviennes ma femme. Lorsque tu as accepté de m’épouser, tu ne pouvais pas me faire de plus beau cadeau. Ce soir, je suis heureux de pouvoir dire que tu es ma femme, pour toujours. Je te promets de chérir, de t’aimer, à chaque instant de notre vie. Dans les bons comme dans les mauvais moments, et de tout faire pour te rendre heureuse. Parce que je t’aime, Mae, je te promets de tout faire pour être le meilleur mari qui soit.
Les vœux de Nick sont magnifiques. Je me retiens de pleurer. Comment fait-il pour se surpasser dans ses déclarations d’amour ?
-Oh Nick, je bénis aussi le jour où nos routes se sont croisées, pour ne plus jamais se séparer. Tu as toujours été là pour moi, faisant preuve d’un soutien indéniable envers moi, envers nous. Dès que tu as fait partie de ma vie, tu l’as rendu plus simple, plus belle. Aujourd’hui, je n’imagine plus ma vie sans toi, et c’est un véritable bonheur pour moi de devenir ta femme. Je te promets de te chérir et de t’aimer, pour toujours, jusqu’à ce que la mort nous sépare et même au-delà.

L’émotion est à son comble. La musique continue de nous envelopper et j’ignore comment fait Roxane pour rester aussi concentrée. Ma fille est talentueuse, il n’y a pas à en douter. Je jette un coup d’œil derrière mon épaule, et je vois que Ryan et Rosae sont émus, eux aussi. Ils nous sourient, heureux de voir leurs parents se marier et s’aimer. Cela me touche et je suis ravie d’avoir mes enfants auprès de moi pour partager ce moment.
Nous échangeons les alliances, avec Nick. Je glisse doucement l’anneau à l’annulaire de Nick, et il fait de même avec mon doigt.
Nous voilà mari et femme. Cela me fait tout drôle de me dire que je suis une femme mariée.
Cela fait drôle, mais cela me rend heureuse.

Nick s’approche de moi, tout souriant, puis me prend dans ses bras. Je m’y sens tellement bien, lovée contre lui… Son visage s’approche du mien, puis doucement, tendrement, il s’empare de mes lèvres. C’est le baiser le plus romantique de toute ma vie. Je ne crois pas pouvoir être plus heureuse qu’en cet instant.
Soudain, un bruit se fait entendre. Un bruit de feux d’artifices. Je regarde à côté de moi et je vois qu’effectivement, une fusée vient d’être lancée, illuminant le ciel de ses lumières. Je suis surprise, ne m’y attendant pas, puis je regarde ma meilleure amie, qui me regarde avec un grand sourire.
Surprise !

J’observe le spectacle avec émerveillement. J’entends vaguement le violon, la musique étant étouffée par les feux d’artifices. C’est absolument magnifique.
Tout est magnifique.
J’ai du mal à croire que je suis arrivée jusque là. J’ai grandi dans un petit appartement à San Myshuno, avec une mère célibataire qui m’aimait énormément. J’ai vécu une enfance heureuse, et j’ai quitté la ville au décès de ma mère. Avec son héritage, je me suis offerte une maison, et c’est là que ma propre histoire a commencé. J’ai fait n’importe quoi avec Don, mais il m’a donné deux beaux enfants. Et je me suis rapprochée de Nick… Avant d’en tomber amoureuse. Lui aussi m’a donné une magnifique petite fille. Et maintenant, un beau mariage.
J’ai tout ce dont j’ai toujours rêvé. Une belle carrière, une belle maison, une belle famille… Mais un regret me serre le cœur, tandis que j’observe maintenant le ciel.
J’aurais aimé que ma mère soit là. C’est la première fois depuis sa mort qu’elle me manque autant. J’aurais aimé qu’elle soit ici, avec moi, avec nous. Qu’elle soit là au moment de choisir ma robe, qu’elle soit là au mariage, pour voir à quel point son unique enfant a réussi. J’aurais aimé qu’elle soit fière de moi.
Alors, j’observe le ciel, comme pour la chercher. Chercher un signe que de là où elle est à présent, elle veille sur moi.
Maman, j’espère tellement que dans cet autre monde, tu es heureuse pour moi.

La cérémonie terminée, et la température extérieure commençant à être fraîche, nous rentrons à l’intérieur de la salle. Le buffet est maintenant servi, et nous nous servons tous une assiette pour commencer le repas. Chacun s’installe où il le souhaite et nous passons tous un merveilleux moment. Je change parfois de table pour pouvoir profiter de tout le monde.
Je ne pouvais pas rêver mieux, pour une fête de mariage. Entourée de ma famille et ma meilleure amie, je n’ai pas besoin de plus pour être heureuse.

Puis, la fin du repas approchant, la barmaid et la DJ que nous avons embauché pour la soirée arrivent enfin. Elles étaient attendues plus tôt, mais l’important est qu’elles soient là.
La musique résonne dans nos oreilles et nous avons de quoi boire et de profiter de la soirée.
Ainsi, la fête peut enfin commencer.

Le gâteau est également servi. L’heure est maintenant au dessert. Nous découpons la première part avec Nick et nous nous faisons mutuellement déguster un morceau. Cela n’a pas l’air comme ça, mais ce n’est pas forcément simple d’éviter de mettre le bout de gâteau dans le nez de son mari.
Mais Nick n’a pas eu de gâteau sur le nez et la pâtisserie est absolument délicieuse.

Puis, le repas se termine. Roxane est la première qui ose se lancer sur la piste de danse. Cela ne me surprend pas, elle a toujours aimé dansé. Tout le monde la regarde, mais cela ne semble pas la gêner pour un sou. Elle se laisse simplement porter par la musique.
-Tu ne vas pas danser, Rosae ? Lui demande Ryan, alors qu’elle semble plutôt mal à l’aise.
-Euh, je sais pas… Marmonne-t-elle. Visiblement, elle ne doit pas être très à l’aise à l’idée de se trémousser devant ses parents. Aaah, l’adolescence !
Ryan, lui, ne se laisse pas prier. Il entre sur la piste à son tour, suivi de prêt par Sébastien. Petit à petit, tout le monde se détend. Rosae consent même à faire un effort à faire quelques pas de danse sur la piste. C’est timide, mais elle participe.

Tout se passe bien. Moi qui avais peur qu’une tuile survienne, je suis contente de voir que j’avais tort. Encore une peur irrationnelle de future mariée. La cérémonie était belle, le repas délicieux, et tout le monde s’amuse.
Avec Nick, nous nous adressons un regard complice. Lui comme moi, sommes heureux à cet instant.

Mais j’ai parlé trop vite. Jamais je n’aurais pu l’anticiper, ni le prévoir, ni même l’imaginer.
Alors que la fête bat son plein, Charlotte se sent brusquement mal. Elle porte la main sur sa poitrine, la respiration haletante. Doucement, elle se met à genoux sur le sol, puis finit par s’allonger.
Et elle perd connaissance.
En quelques minutes, c’est terminé. Charlotte, ma meilleure amie, n’est plus.

J’ai du mal à en croire mes yeux. Que se passe-t-il ? Pourquoi ma meilleure amie est-elle sur le sol, inanimée ?
Je ne peux même pas envisagée le pire. Cela ne peut pas être possible. Comment Charlotte pourrait disparaître, pile le jour de mon mariage ?
Mon cœur se serre. L’ascenseur émotionnel est horrible. J’étais heureuse il y a quelques minutes, et maintenant, mon cœur se brise de perdre ma meilleure amie.
Je craque. Comment cela peut-il être possible ?

Puis, je regarde Sébastien. Mon cœur se serre une nouvelle fois, et je me sens bête. Je perds ma meilleure amie mais lui, il perd sa mère. Du jour au lendemain, il se retrouve seul. Ne connaissant pas son père, il n’avait que sa mère. Il me rappelle moi, au même âge… J’avais également son âge quand j’ai perdu ma mère, et je ne peux que comprendre son choc, son chagrin.

Ryan s’approche de moi. Je sens qu’il est peiné, mais il essaie de ne rien montrer. Il passe ensuite son bras autour de mes épaules, pour me montrer son soutien.
-Maman, je suis désolé… Souffle-t-il, mais je l’entends à peine.

Puis, brusquement, la température de la pièce se refroidit. Je frissonne, ne comprenant pas ce changement de température. Quelque chose d’étrange est en train de se passer, je le sens.
Je regarde autour de moi et ce que je vois me terrifie. Une grande forme sombre entre dans la salle, tenant une faux de sa main squelettique.
La Faucheuse.

Elle fait peur, mais brusquement, une idée me vient en tête. Je tente de mettre ma crainte de côté et je tente le tout pour le tout.
Peut-être qu’en lui parlant, elle acceptera de ne pas gâcher mon mariage, en épargnant Charlotte.
-S’il vous plait, épargnez-la. Ne l’emmenez pas avec vous. C’est ma meilleure amie, et aujourd’hui c’est mon mariage. S’il vous plait, aujourd’hui n’est pas le jour pour l’emmener. Je vous en supplie, épargnez-la pour aujourd’hui.

La Faucheuse grogne, mécontente d’être embêtée. Mon sang se glace tandis qu’elle bouge lentement sa tête capuchonnée de droite à gauche. Aucune clémence autorisée. L’heure de Charlotte est venue.
Je m’éloigne, tourne le dos à la scène qui est en train de se produire. C’est trop pour moi. Je ne peux pas regarder la Faucheuse emmener mon amie. J’ai essayé de la sauver, mais j’ai échoué.
Comment en sommes-nous arrivés là ?

Un lourd silence s’installe dans la salle, après que la Faucheuse ait emporté l’âme de Charlotte, ne laissant qu’une urne avec les restes de mon amie. Je ne peux la regarder sans pleurer. Cette journée était censée être la plus belle de ma vie. Mais comment peut-elle l’être alors que ma meilleure amie vient de m’être enlevée ? Je voulais partager cette journée avec elle, et voilà qu’elle n’existe plus.
Nick s’approche de moi. Je vois qu’il est secoué par la scène, mais il prend sur lui. Pour moi. Il me serre contre lui. Je me laisse aller, je me laisse porter. Son étreinte me réconforte, me réchauffe, moi qui était encore frigorifiée par cette rencontre avec la Faucheuse.
Qu’est-ce que je ferai sans lui…

Nous ne nous sommes pas attardés dans la salle de réception. Le décès de Charlotte a interrompu la fête, et a refroidi tout le monde. L’humeur n’était plus à la fête.
Les enfants sont soulagés de rentrer. Ils me regardent avec compassion, avant que chacun se prépare à aller dormir.
Avec Nick, nous nous retrouvons dans notre chambre. Le silence règne dans la pièce. Nous nous regardons un instant, puis mon époux vient m’embrasser. Tendrement tout d’abord, puis avec passion. Je réponds à son baiser sans attendre, avec la même force que lui. Je m’accroche à lui, pour me sentir vivante, pour le sentir vivant. Nous embrassons encore et encore, nous accrochant à l’autre comme si notre vie en dépendait.
Comme une revanche de la vie sur la mort.