Joy devient ainsi une adorable bambine. Une petite blonde aux yeux bleus, comme son père. Des yeux vifs et pétillants, qui s’illumine en voyant sa grand-mère. Elle affiche un grand sourire et tend les bras vers elle.
-Mamie câlin ! Mamie câlin ! S’exclame-t-elle joyeusement en sautillant sur place.
-Tu veux un câlin ma puce ?
-Ouiiii !!

Maetha lui répond par un sourire tendre. Attendrie devant la bouille de sa petite-fille, elle se baisse aussitôt pour répondre à sa demande. Joy se jette dans ses bras pour lui offrir le plus adorable des câlins. Un vrai petit ange qui ferait fondre le plus dur des cœurs de pierre.

Joy est attentive et observe le monde qui l’entoure. Elle cherche quoi faire. Elle surveille sa grand-mère, s’assurant qu’elle ne s’en aille pas. La fillette reste calme et tranquille, devant encore s’habituer à son environnement. Elle qui n’a connu que son berceau se voit offrir un éventail de possibilité. Sa grand-mère lui sourit et lui montre les cubes, avec lesquels elle peut jouer. Joy affiche un grand sourire et s’empresse de s’asseoir pour s’amuser avec les cubes en bois.

Il commence à faire tard quand je rentre du travail. J’ai eu une journée de fou aujourd’hui. J’ai du accompagner mes collègues à la mairie pour soutenir notre demande de subventions et obtenir le soutien des élus locaux. J’ignore si nous les avons convaincu, mais en tout cas, ils avaient l’air intéressés.
Je cherche ma mère dans toute la maison et je finis par la trouver dans la chambre de Joy.
A peine entrée à l’intérieur de la pièce, je remarque qu’elle a grandi. C’est vrai que c’est son anniversaire aujourd’hui…
-Bonsoir vous deux… Balbutié-je timidement.
-Bonsoir ma fille. Me répond aussitôt ma mère. Tu as vu Joy ? Maman est rentrée !

Ma fille se tourne dans ma direction et me regarde. Aussitôt, l’évidence me frappe. Elle a un air indéniable avec son père. Aussi blonde que lui, de beaux yeux bleus comme les siens…
-C’est fou comme elle te ressemble au même âge ! Encore un petit clone Opaline ! S’en amuse ma mère.
Cependant, je ne remarque pas les ressemblances entre nous. Je ne vois que celles avec son père.
Je ne m’y attendais pas. La logique de la génétique voudrait qu’elle soit brune aux yeux marrons, comme moi… Mais le hasard a voulu me rappeler mes erreurs, mes étourderies et l’absence de Sven.

Mon cœur se serre à cette constatation. Néanmoins, j’essaie de ne rien laisser paraître. J’affiche un sourire de façade pour faire bonne figure devant ma fille. Mes problèmes ne doivent pas l’affecter, même si pour cela, je dois me montrer distante avec elle.
-Tu es adorable, Joy. Soufflé-je alors, un peu mal à l’aise. J’avoue que je me sens un peu bête et que je ne sais absolument pas quoi faire devant cette petite fille qui compte tellement sur moi. Je… Je vais aller me changer.

Aussitôt, je prends la poudre d’escampette. Je sors de la chambre de Joy pour me réfugier directement dans la mienne. On a fait plus mature comme comportement, mais j’ai envie d’être seule. Je devrais pourtant m’émerveiller devant la bouille adorable de ma fille mais c’est trop dur pour moi. Je vois Sven au travers du visage de Joy et cela me sert le cœur.
Alors que je pensais pouvoir être tranquille, j’entends ma porte s’ouvrir quelques secondes après que je l’ai fermé. Je me retourne et découvre que ma mère m’a suivi.
-Tout va bien Rosie ? Me demande-t-elle, visiblement inquiète.
-Oui Maman, pourquoi ? Je ne suis juste pas très à l’aise dans cette tenue, j’ai envie de mettre quelque chose de confortable. Me justifié-je alors, ne disant que la moitié de la vérité. Une moitié de vérité plus acceptable, socialement parlant.
-J’ai bien remarqué que tu as été troublée en voyant ta fille… Je me doute bien qu’elle ressemble à son père… Du coup, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour toi …

-Ca va aller, ne t’en fais pas. Je ne suis pas obligée d’avoir un clone de moi-même comme enfant. Lui dis-je en me forçant à sourire. Son inquiétude me touche et elle a visé juste. Elle me connait par cœur mais j’ai trop honte pour oser avouer qu’elle a raison.
-Tu es sûre ? Tu arriveras à gérer sa ressemblance avec Sven ? Tente-t-elle de s’en assurer, suspicieuse. Je peux comprendre tu sais. J’ai vécu la même chose avec ta sœur … C’était pas évident au début mais…
-Maman. Ca va. Ne t’inquiète pas. J’ai juste envie de me changer et de me poser un peu. La journée a été longue. Soupiré-je en m’asseyant sur le bord du lit en me massant les tempes. Je sens un mal de tête arrivé et j’ai envie de ne penser à rien.

Bien que sceptique, ma mère finit par me laisser tranquille et m’accorder le répis dont j’ai besoin. Je suis dépitée par ma propre attitude. Je me donnerai des baffes tellement je fuis mes responsabilités. Mais c’est plus fort que moi, surtout maintenant qu’elle a grandi.
Alors, encore une fois, je me repose sur mes parents. Qu’est-ce que je ferai sans eux…
Tous les deux, ils sont ravis de s’occuper de leur petite-fille. Je les vois s’émerveiller devant sa bouille, ses grands yeux bleus et ses sourires. Ils répètent souvent qu’elle me ressemble. Moi, je ne vois que ses cheveux blonds et la couleur de ses yeux…

J’ai mal dormi toute la nuit. Je ne suis pas parvenue à me sortir Sven de l’esprit. Cela m’agace. Je sais que je ne le reverrais plus, que je n’aurais plus de contact avec lui… Il faut absolument que je parvienne à me le sortir de la tête. Sinon, je ne parviendrai jamais à avancer et à changer ce qui ne va pas dans ma vie…
Alors, un beau jour, sur un coup de tête, je vais dans un salon de tatouage. Le tatoueur me regarde avec un air sceptique mais il finit par accepter ma demande.
Me tatouer un cœur sur le bras, avec écrit Sven à l’intérieur, dans une langue étrangère. C’est terriblement cliché et sans doute difficile à porter sur la durée, mais c’est le seul moyen de me le sortir de la tête. Sven fera toujours parti de moi, et le graver à jamais dans ma peau est une manifestation symbolique de cette partie de ma vie. Ainsi, au lieu de l’avoir en permanence dans la tête, je l’aurais sur le bras.
-Tu t’es faite faire un tatouage ? S’étonne ma mère un matin, après que j’ai enfin pu retirer le pansement qui protégeait ma peau en cours de cicatrisation.
-Oui… J’en ai éprouvée le besoin…
-Le texte signifie quoi ?
-Sven… Soufflé-je d’un air songeur, sans oser regarder ma mère. Heureusement, elle s’abstient de faire un commentaire et se contente d’acquiescer.

Après le petit déjeuner, je file prendre ma douche pour me préparer avant d’aller travailler. J’ai une petite journée aujourd’hui mais je dois tout de même aller faire un tour à l’association pour une réunion.
En retournant dans le salon, je constate que Joy est réveillée et installée dans sa chaise haute. Je l’observe, mais je ne dis rien. Je suis comme bloquée, incapable de faire quoique ce soit.

-Tu as vu comme elle est mignonne Joy ? Me signale ma mère avec un grand sourire. Adorable dans son pyjama hamster.
-Oui.. Très…
-Tu peux lui parler tu sais. Elle est suffisamment grande pour commencer à te répondre.

Face à ma fille, je reste tétanisée. J’admets volontiers qu’elle est mignonne. Mais le reste, c’est encore trop dur pour moi. Je l’observe manger ses céréales mais je ne dis rien. J’ai l’air complètement idiote et par moment, Joy me lance des regards incrédules. Elle doit se demander ce que je trafique à rester plantée là, à la regarder sans rien dire.
-Elles… Elles étaient bonnes tes céréales ? Tenté-je finalement, lorsqu’elle a fini son petit déjeuner.
-Oui !
-Tu veux autre chose ?
-Non !

J’ai l’air ridicule. C’est ma fille et je suis incapable de lui parler normalement. Je suis sûre qu’elle comprend que je me force. Cela se voit dans son regard. Elle me scrute bizarrement.
Je suis terriblement mal à l’aise en présence de ma fille. Je suis certainement qu’elle doit le ressentir. Elle doit se demander ce que je fais là, moi, à quoi je sers dans cette maison. Elle a sa mamie, son papy, et une dame qui traîne de temps en temps à la maison sans savoir qu’elle est son rôle dans la famille.

-Excuse ta maman ma puce, elle est un peu maladroite ! S’exclame ma mère en venant à ma rescousse. Elle se penche vers Joy et lui fait de grands sourires. Tu as bien mangé ?
-Oui Mamie ! Je veux jouer ! S’exclame joyeusement ma fille en sautillant comme un beau diable sur sa chaise, visiblement pressée de pouvoir se déplacer librement.
-Non ma puce. D’abord, il va falloir que tu prennes un bain !
-Un bain ?
-Oui un bain mais tu verras c’est rigolo de jouer avec l’eau !
-Oui !!!

Alors qu’elle se redresse pour ensuite libérer Joy, ma mère affiche aussitôt une grimace avant de poser une main dans son dos. Je m’avance alors vers elle, inquiète pour son état physique.
-Qu’est-ce qui t’arrive maman ?
-Ce n’est rien, je me suis redressée trop vite. Me répond ma mère en tentant de se masser le bas du dos. Tu peux sortir Joy de sa chaise s’il te plait ? Elle va être intenable sinon.
-Euh, oui. Accepté-je bon gré mal gré. Je me tourne donc vers la chaise haute, face à ma fille qui s’impatiente. Je soupire puis je débloque le plateau pour ensuite soulever Joy pour la prendre dans mes bras. Aussitôt, je la vois faire la grimace. Visiblement, elle aurait préféré être dans les bras de sa grand-mère. Je n’attends donc pas plus longtemps pour la reposer sur le sol.

-Aoutch ! S’exclame une nouvelle fois ma mère en se penchant vers l’avant.
-Maman, ça va ? M’inquiété-je alors.
-Je me suis coincée le dos ! Me répond-t-elle, la douleur se percevant dans la voix. Elle ne bouge pas d’un pouce, comme si elle n’osait pas faire le moindre mouvement de peur d’avoir mal.
-Mamie bobo ? Interroge alors Joy, intriguée par l’attitude de sa grand-mère.
-Oui, Mamie a bobo au dos. Confirme-t-elle alors, avant de s’adresser à moi. Dis, tu peux lui faire prendre son bain ? J’en suis bien incapable et ton père est sorti faire les courses.
-Mais…
-S’il te plait, pour aider ta vieille mère. Insiste-t-elle sur un ton implorant, un poil exagéré. Je plisse les yeux, suspicieuse. Elle n’oserait quand même pas jouer la comédie, tout de même ?
-Bon, si ça peut t’aider. Finis-je par abdiquer, me penchant une nouvelle fois pour prendre ma fille dans les bras. Repose ton dos surtout. Ajouté-je en me dirigeant vers la salle de bain.
-Compte sur moi ! Confirme-t-elle joyeusement, avant d’aller rapidement se poser sur le canapé, arborant un air fier sur le visage.
J’en étais sûre, qu’elle jouait la comédie !

Dépitée de m’être faite avoir comme un bleu, je m’exécute tout de même en emmenant Joy dans la salle de bain. J’ouvre le robinet de la baignoire pour faire couler l’eau. Pendant ce temps-là, je me débats avec ma fille pour la déshabiller et commencer à la coiffer. Ainsi, cela évitera qu’elle ait des nœuds dans les cheveux.
Cependant, la demoiselle ne se laisse pas faire et réclame sa mamie. Je tente de lui expliquer qu’elle va devoir se contenter de sa maman, elle ne veut rien entendre. Je soupire, et après avoir vérifié la température de l’eau, je l’installe dans la baignoire pour commencer à la laver.

-Tu vois, c’est rigolo de prendre un bain. Lui dis-je tandis que je la vois jouer avec l’eau avec ses mains.
-Oui. Me confirme-t-elle calmement. Mais plus drôle avec Mamie ! Ajoute-t-elle en affichant un grand sourire innocent. Dans la seconde qui suit, elle s’amuse à m’éclabousser en riant joyeusement.
Je soupire en m’essuyant le visage. Elle ressemble peut-être à un ange, mais au fond, c’est une vraie chipie cette gamine ! Comme sa grand-mère, la malade imaginaire !