Je ne cesse pas de cogiter depuis quelques jours. Je repense à cette soirée en boite. Je me suis bien amusée, du début …. à la fin. Je ne regrette rien mais je dois admettre que je ne fais pas la fière. J’ai abandonné mes amis pour batifoler avec un inconnu, trompant mon fiancé officiel… Mais lorsque je les ai recroisé, ils ont eu la politesse de faire comme s’ils avaient rien remarquer. Mais le regard de Caroline m’a montré qu’elle savait, mais qu’elle ne me dirait rien.
Je sais bien que ce que j’ai fait est mal. C’est affreux de tromper Sven avec le premier type venu, alors qu’il est l’homme le plus adorable du monde. Je m’en veux, car il ne mérite pas ça.
Mais j’avais besoin de cet écart. Je m’apprête à changer de vie, et j’avais besoin de m’évader, un instant. De me reconnecter avec ma vie actuelle, mon « moi » d’aujourd’hui. Avant d’être coincée dans un pays étranger, avec une alliance à mon doigt.

-Tu trouves ton bonheur, mon cœur ? Me demande subitement Sven, me sortant brusquement de mes pensées. Je sursaute et je lui souris pour tenter de le rassurer, et lui cacher mon trouble.
Aujourd’hui, nous sommes sortis au restaurant, avec Sven et Joy. Histoire de passer un moment en famille, et de discuter des démarches pour que ma fille et moi puissions rejoindre Sven en Suède. Tout est prêt pour le mariage, il n’y a plus qu’à préparer le déménagement. Sven me parle des excellentes écoles proche de chez lui, mais Joy fait mine de ne pas l’écouter. Elle a beau s’être faite à l’idée, elle n’est toujours pas ravie de quitter sa maison pour aller vivre ailleurs.
En levant les yeux du menu, j’aperçois Sven et Joy qui me regardent. Ils affichent la même expression sur le visage et leur ressemblance est déconcertante. Sven ne peut décidément pas nier la paternité de sa fille. Ce qui me conforte dans le choix de l’épouser : Joy est sa fille et il a le droit de vivre auprès d’elle. Notre place est auprès de lui… En… Suède… Loin d’ici.

-Euh, oui. Je vais opter pour un hot-dog, tout simple. Bredouillé-je, perturbée par le regard énamouré de Sven qui hoche la tête d’approbation. Je suis mal à l’aise. Je suis incapable de lui lancer un tel regard.

-Alors, Joy, tu es contente de venir vivre en Suède ? Tu verras, c’est un beau pays, tu devrais t’y plaire ! Lui demande Sven, après que le serveur soit venu prendre notre commande. Je suis soudainement gênée. Sven vient de poser la question qui fâche à sa fille.
-Bof ! Je suis bien ici, moi ! Répond avec franchise Joy dans un haussement d’épaules. Il fait froid en Suède en plus !
-Seulement en hiver, ce n’est pas le pôle nord non plus. Tente-t-il de la rassurer.
-Peut-être mais, pourquoi c’est pas toi qui vient vivre ici ? Après tout, t’es tout seul et nous on est deux ! Ca serait plus simple pour toi tout seul de venir ici ! Ne perd pas le nord Joy, lançant un regard implorant à son père. Visiblement, elle ne s’est pas tant faite que ça à l’idée.

-Oh Joy, ce n’est pas aussi simple. Bredouille de gêne Sven, ne sachant pas quoi répondre à sa fille.
-Papy t’a déjà expliqué, non ? Tenté-je de venir à sa rescousse, tout aussi embarrassée que lui.
-Oui, il m’a dit que c’était des histoires de travail et tout ça mais c’est nul ! Papa, si tu nous aimais, tu ne nous obligerais pas à partir ! Proteste Joy en affichant une moue boudeuse.
-Joy, ça suffit maintenant ! Nous en avons déjà discuté ! Commencé-je à m’agacer, tandis que le serveur nous sert nos plats.

Joy ne répond rien suite à ma réprimande et se contente de bouder devant son burger. Sven est gêné et me jette un regard, cherchant du soutien et du réconfort. Je ne sais pas trop quoi faire, ni quoi dire. Je prends mon verre de jus d’orange pour en avaler son contenu d’une traite. Cela ne m’aidera pas beaucoup à surmonter cette situation, mais cela me donne une contenance. Je prie pour que l’on change de sujet de conversation. Le terrain est glissant et pour être honnête, je ne peux pas donner tort à ma fille. Au fond de moi, je sais qu’elle a raison.
Mais je préfère me taire, et passer à autre chose.

Le reste du repas se passe dans le calme, sans autre incident à signaler. Sven a la présence d’esprit de changer de sujet et l’ambiance entre nous se détend. Joy ne se montre pas spécialement bavarde, et répond à peine aux questions de son père. Je lève les yeux au ciel. Elle me fatigue, à être si peu coopérative. Mais je ne peux pas lui en vouloir, moi, qui m’apprête à l’arracher au monde qu’elle a toujours connu. Je me dis qu’elle finira bien, par s’y faire.
A la fin du repas, Sven nous laisse toutes les deux. Il a un rendez-vous professionnel qu’il ne peut pas manquer. Il m’embrasse, dépose un baiser sur le haut de la tête de Joy, puis part en direction du centre-ville. Lorsque je me tourne vers ma fille, je remarque qu’elle me regarde avec insistance.
-A quoi tu penses, Joy ? Lui demandé-je, intriguée par ce qui se passe dans sa petite tête blonde.

-Pourquoi tu veux épouser Papa si tu n’es pas amoureuse ? Me répond-t-elle par une question, directe et franche. Je suis bouche-bée par sa question, qui sort de nulle part. Une question complètement incongrue de la part d’une enfant.
-D’où est-ce que tu peux bien sortir ça ? Bien sûr que j’aime ton père !
-Tu fais la même tête que Lady Vansa quand elle épouse Sir Pyrion ! S’exclame-t-elle en réponse, en citant une série de dessin animée pour enfant, une sorte de Game of Thrones dans l’espace et pour enfant. Depuis qu’elle a découvert ça, elle passe son temps devant quand elle n’a pas le nez plongé dans ses livres.
-C’est de la fiction ton dessin animé ma puce, et non la réalité. Soupiré-je alors, ne sachant pas quoi lui répondre d’autre.

-Mais Maman…
-Ma puce, la coupé-je dans son élan, je sais que tu es inquiète, à cause de notre départ en Suède et du fait que nous n’allons plus vivre avec Papy. Mais ne t’inquiète pas, tu nous as entendu avec ton père. Nous ne partirons pas directement après le mariage, nous avons d’autres choses à régler avant pour que nous puissions obtenir nos visas. Il y a encore un peu de temps, avant que nous nous envolions vers les pays nordiques. Tenté-je de la rassurer, alors que mon propre cœur se serre à l’évocation de notre départ. Et puis, nous reviendrons ici, voir Papy et Tonton.
-Mouais. Ne semble-t-elle pas convaincue. Comment pourrai-je lui en vouloir, d’avoir des doutes, quand je peine déjà à me convaincre moi-même que je prends les bonnes décisions.

e jour J est arrivé. C’est aujourd’hui que je me marie, que je vais épouser Sven. En apparence, je suis prête. J’ai revêtu ma robe de mariée, une robe blanche près du corps avec un dos nu et de la transparence. Ma mise en beauté est terminée ; mon chignon est parfait ainsi que mon maquillage.
Nous sommes arrivés sur le lieu de la cérémonie : une salle des fêtes avec une arche de mariage dans ses jardins. Nous avons tout sur place pour le mariage.
Aucun imprévu à déplorer, tout se passe comme nous l’avions prévu.
Mais je suis tout de même nerveuse. Dès que nous sommes arrivés, je me suis cachée dans les toilettes des femmes pour me rafraîchir.

Je vérifie ma coiffure, à la quête d’une imperfection à corriger. Je replace quelques mèches de cheveux. Je guette une trace de ma couleur naturelle alors que ma teinture rouge est récente. Je scrute mon maquillage, à la recherche d’une bavure de rouge à lèvre.
Tout ceci est vain, car je sais bien qu’il n’y a rien à rectifier. Je m’occupe simplement l’esprit pour penser à autre chose qu’à mon mariage.

Mon cœur bat à mille à l’heure. Je n’ai jamais été autant stressée de toute ma vie. J’essaie de donner l’impression d’être sûre de mon choix. Mais maintenant que j’y suis, que je suis sur le point de me marier, les doutes envahissent mon esprit. Je m’observe dans le miroir et j’ai l’impression de ne pas me reconnaître. Cette robe a beau être magnifique et m’aller à merveilles, ce n’est pas moi. J’ai du mal à me voir en mariée. J’ai du mal à m’imaginer m’avancer jusqu’à l’arche, et dire « oui » à Sven pour la vie.
Suis-je vraiment prête à épouser Sven ? Est-ce vraiment ce que je veux ?
Oh mon Dieu, qu’est-ce que ce que je suis en train de faire ? Ai-je pris la bonne décision ?