Après la naissance de mes jumeaux, j’ai vite repris le travail. Non seulement, cela me fait des vacances -j’aime mes enfants plus que tout mais ne plus les entendre pleurer fait du bien aux oreilles- mais cela me permet également de ne pas m’enfermer dans mon rôle de mère. Je veux réussir professionnellement et ce n’est pas en restant à la maison que je vais y parvenir.
Et la garderie d’Oasis Springs est géniale avec les enfants, et j’ai toute confiance en eux.
En plus, j’avance doucement dans ma carrière et je peux enfin utiliser le gros microscope. Cette machine est géniale et je m’éclate comme une petite folle !

Voir mes collègues me fait du bien. Cela me change des deux mini-humains qui ont envahi ma chambre. Des adultes qui parlent et sont capables de tenir une conversation, c’est bon pour ma santé mentale.
En plus, je peux leur faire des farces sans passer pour un odieux individu et une mauvaise mère.
-Et là, BOUH ! Elle l’a BOUFFE tout cru ! Comme ça ! Bouuuh !!! Crié-je sur un collègue pour lui raconter une blague.
-Arrête, tu me fais peur ! Ça t’arrange pas la maternité !
-Les couches plein de cacas, ça m’inspire ! Mouahahahaha !

Fort heureusement, ma vie ne se résume pas seulement à m’occuper de Ryan et de Roxane et à travailler (et dormir).
Sinon, je pense que je deviendrai folle. Je suis une mère célibataire, je n’ai pas envie de vivre dans mon coin toute seule, sans personne sur qui compter réellement.
Ainsi, plusieurs soirs par semaine, je reçois mes amis. Le plus souvent, c’est Nick qui vient me voir à la maison. Charlotte vient aussi, mais plus rarement. Cela se comprend, elle a son propre bébé à s’occuper, alors que Nick n’a pas d’enfant. Ainsi, il peut plus facilement venir me rendre visite et me soutenir dans mon quotidien.

Souvent, nous dînons tous les deux et nous regardons la télé ou jouons aux échecs. Nous discutons aussi, beaucoup. Cela me fait du bien de me confier à quelqu’un de confiance. J’essaie d’être forte et de montrer que je parviens à gérer mes deux enfants, mais ce n’est pas toujours évident. D’autant plus que, parfois, je pense à Don qui lui, vit tranquillement sa vie sans se préoccuper de ses enfants. Mais je n’ai même essayé de le contacter. Il ne veut pas faire partie de leur vie, alors il n’a rien à savoir d’eux.
-Tout se passe bien avec les deux petits monstres ? Me demande Nick avec bienveillance.
-Ça va, je parviens à prendre mes marques. Ils sont mignons comme tout, je fonds devant leur bouille !
-Mais encore ?
-Mais ils pleurent tout le temps, de jour comme de nuit. Quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre, voire les deux en même temps. Je les adore, mais cela m’épuise.
-Ne t’inquiète pas, ils vont finir par faire leur nuit et tu pourras dormir une nuit complète.
-Je le sais bien, et j’ai hâte ! Soupiré-je alors que l’un de mes bébés se fait entendre. Ah, aux pleurs, je dirai que c’est Ryan.
-Reste là, j’y vais. Propose aussitôt Nick en se levant.
-Tu n’es pas obligé, c’est mon fils.
-Je sais, mais tu es fatiguée. Pose-toi un peu et laisse super tonton Nick aller voir ce brave Ryan ! Me répond-t-il en riant, ce qui me fait instantanément sourire.

Nick s’éclipse aussitôt dans la chambre et quelques minutes plus tard, le silence règne de nouveau dans la maison. Je soupire de soulagement.
Nick a un vrai don avec les enfants. Je ne sais pas comment il fait, mais dès qu’il s’approche de Ryan ou de Roxane, ils sont calmes et ils arrêtent de pleurer en un temps record.
Je dois avouer que je suis touchée par son implication. Je crois qu’il aime s’occuper d’eux. Je me souviens de son visage quand il a vu les jumeaux. Il s’est illuminé et il semblait attendri devant leur frimousse. Il s’est très vite attaché à eux et n’hésite pas à m’aider à la moindre occasion.
Par moment, je me demande ce que je ferai sans lui, et lorsqu’il part, cela fait toujours un grand vide à la maison.

Un soir, alors que je suis seule avec mes enfants, la sonnette se fait entendre pendant que je berce Roxane qui tarde à s’endormir. Pensant que c’est Nick qui me rend visite, j’ouvre distraitement la porte de la chambre pour lui signaler qu’il peut entrer. Je retourne dans ma chambre pour finir de coucher Roxane, sachant qu’il allait m’attendre dans le salon.
Mais lorsque Roxane dort enfin et que je vais le rejoindre, une surprise m’attend. Ce n’est pas Nick qui se tient devant moi, mais Don.
-Qu’est-ce que tu fais là ? Lui demandé-je alors, sur la défensive.
-C’est notre enfant que tu tenais dans tes bras ? Me dit-il, sans répondre à ma question.
-Tu n’as pas répondu à ma question. Mais oui, c’était ma fille. Répliqué-je, niant sa paternité. Il est son géniteur, mais étant donné qu’il ne veut aucun lien avec elle, il m’est impossible de le considérer comme son père.
-Tu me manques.
-Et alors ?

Sur le coup, il ne me répond pas. Je remarque que son regard se pose sur les certificats de naissance des jumeaux, accrochés au mur à côté de mon bureau. Si je n’étais pas agacée par sa présence, je pourrai presque rire en voyant son visage blêmir.
-Nous avons des jumeaux ? Comprend-t-il alors. Visiblement, il s’est acheté une intelligence depuis que je lui ai annoncé ma grossesse.
-J’ai des jumeaux, nuance. Je te rappelle que tu as dit que tu ne voulais rien à voir avec eux.
-Je le sais bien Mae, mais je n’ai cessé de penser à toi depuis ce jour-là. Comme je te l’ai dit, tu m’as manqué.
-Comment va ta femme ?
-Il n’est pas question d’elle, Mae.
-Sans blague. Maugréé-je en allant m’installant sur le canapé. Il ne tarde pas à me suivre et à s’installer à côté de moi.

-Je t’assure Mae, je n’ai pensé qu’à toi et je suis désolé de t’avoir blessée. Me dit-il avec ses habituels yeux verts charmeurs. Même lorsqu’il essaie de se rattraper, Don Lothario reste Don Lothario.
-Il fallait peut-être y réfléchir avant Don.
-Je sais bien que je me suis comporté comme un abruti. Je n’aurais pas du réagir comme ça. J’ai tout gâché entre nous.
-Il n’y avait pas vraiment de nous. Soupiré-je dans un haussement d’épaules, ne sachant pas tellement ce qu’il veut.
Non, à vrai dire, j’ai ma petite idée en tête. Mais je crois que je suis trop blasée pour le mettre dehors.
Ou trop faible.

Je continue de l’écouter sans l’interrompre. Je fais mine de ne pas remarquer qu’il se rapproche de moi.
Je ne sais pas tellement ce que je fais. Je crois que ses compliments me font plaisir. Depuis la naissance des jumeaux, je me vois comme une mère, une scientifique, une amie… Mais plus tellement comme une femme.
A ses yeux, je me sens de nouveau attirante. Je ne suis plus une mère célibataire. Je suis juste Maetha Opaline, aux côtés d’un beau jeune homme. Il me murmure de belles paroles, et je m’autorise à y croire, ignorant cette petite voix qui me met en garde.

Petit à petit, j’oublie tout. J’oublie mes responsabilités et les leçons que j’ai reçu. J’oublie ma raison et je me laisse porter par le torrent. Lorsque Don s’approche de moi pour m’embrasser, je ne dis rien et j’accepte son baiser.
Comme une idiote, je ne le repousse pas. Comme une idiote, quand il me demande d’aller dans la chambre, j’accepte.
Même si je sais que c’est une très mauvaise idée.

Je ne sais plus ce que je fais. Je me fais plaisir sur le moment. Je me rappelle l’époque où je n’étais pas maman. Cela me fait du bien.
Mais quelque part, je sais que je fais n’importe quoi. Que ce n’est pas raisonnable. Don est venu avec une idée en tête, et a tout fait pour l’obtenir.
Faible comme je suis, je n’ai pas su résister. Je me suis laissée porter par ses belles paroles, oubliant la chute qui sera assurément douloureuse. Oubliant qui nous sommes, oubliant sa femme, oubliant qu’il ne veut pas de mes enfants.
Je ne sais pas ce qu’il me prend.
Je sais juste que je suis une idiote.