Je crois que je me satisfais de ma vie. J’avance doucement mais sûrement dans mon travail et je parviens à trouver un rythme avec mes enfants. Je suis toujours un peu débordée mais je m’effondre moins en fin de journée. Ceci est favorisée par le fait que mes jumeaux ont leur propre fonctionnement, notamment le matin. J’ai la chance qu’ils ne se réveillent pas en même temps, ce qui me permet de m’en occuper d’un avant de me consacrer à l’autre.
Aujourd’hui, c’est Roxane qui est matinale. Cela me fait plaisir de pouvoir petit déjeuner avec elle, tranquillement à table. D’habitude, elle préfère le canapé et se montre plus indépendante que son frère. Pour une fois, je profite un peu plus de ma fille.

Après le petit déjeuner, Ryan n’a toujours pas émergé du pays des rêves. Roxane s’interroge sur l’absence de son frère et je lui dis juste qu’il dort encore et qu’il faut le laisser tranquille. Ainsi, nous retournons toutes les deux dans le salon, et j’en profite pour jouer tranquillement avec elle. J’ai tout mon temps pour m’occuper d’elle : nous sommes dimanche aujourd’hui et je ne travaille pas.
Roxane rit aux éclats, tout en faisant l’avion. Le son sonne merveilleusement bien dans mes oreilles.
-Avioon ! S’écrit-elle joyeusement en tendant les bras bien droit.
-Eh oui mon capitaine, l’avion est magnifique ! Le ciel est dégagé, aucun turbulences à prévoir ! Brooouuuu !!! Nous prenons de la vitesse ! Entré-je dans le jeu, tout en trottinant autour de la table avec ma fille sur le dos, veillant à ce qu’elle ne tombe pas.
-Encore ! Plus vite !
-Broooou !!! Nous prenons maintenant la direction de la salle de bain ! Destination : la baignoire ! Préparez-vous à l’atterrissage !

Après le bain et l’habillage, j’installe Roxane dans le salon pendant que je m’occupe de moi et de la lessive. En sortant de ma chambre avec le contenu de mon papier à linges, je souris d’amusement. La musique est allumée et je vois Roxane se déhancher dessus joyeusement. Elle chantonne également mais visiblement, elle a du mal à suivre les paroles. Peu importe, la scène est amusante à voir et je m’émeus devant ma fille.
Je lance ma machine dans l’intention de rejoindre Roxane dans sa danse endiablée quand mon téléphone se met à sonner vivement dans la poche de mon jean.

-Oui allô ? (…) Hey ça va ? Tu as une petite voix. (…) Oh mince. Tu veux passer à la maison pour en parler ? J’ai une recette de … jus de fruit, me corrigé-je en jetant un regard en direction de ma fille, à tomber et parfaitement adapté à la situation. D’accord à tout à l’heure.

Un peu plus tard, alors que je me suis occupée rapidement de Ryan et installer les jumeaux dans leur chambre, j’accueille un Nick en plein chagrin à la maison. Je n’ai pas tout saisi au téléphone, mais visiblement, il vient de rompre avec sa copine. Je suis un peu surprise d’entendre cela, j’ignorais totalement qu’il avait quelqu’un. Cela m’étonne qu’à moitié en y réfléchissant, car Nick reste relativement discret sur sa vie privée.
-Je suis navrée de ce qui t’arrive Nick. Tenté-je de le consoler, sans trop savoir quoi lui dire. Je ne connais rien de leur histoire et c’est difficile de trouver les mots justes.
-C’est gentil. Hausse-t-il simplement les épaules. Mais ça va aller ne t’inquiète pas. Cela fait un moment qu’il n’y avait plus grand chose entre nous. C’est juste sa manière de partir qui m’a fait un choc.
-Qu’est-ce qui s’est passé ?
-Elle a juste laissé un mot. Juste… Un mot. Disant qu’elle allait saisir une opportunité professionnelle dont je n’étais pas au courant. D’après elle, elle a essayé de m’en parler mais j’étais tellement absent qu’elle n’a pas réussi. Elle avait l’impression de vivre avec un colocataire, et pour elle, c’était fini entre nous depuis longtemps.
-Un mot ? Eh beh, elle aurait au moins te parler en face à face. Soupiré-je, avant de me diriger vers la cuisine. Je vais te servir un verre, et tu vas passer la journée ici. Il ne faudrait pas que tu restes tout seul.

-C’est gentil Mae. Me dit-il avec un sourire reconnaissant alors que je reviens vers lui. Ça va aller, car j’ai bien conscience que cela fait longtemps que je n’éprouve plus rien pour elle et que je ne suis plus vraiment là pour elle, mais ça m’a fait un coup de voir son mot. Je pensais qu’elle m’aurait parlé.
-J’imagine bien. Me montré-je compréhensive. Cela faisait combien de temps que vous étiez ensemble ? Tu ne m’as jamais parlé d’elle.
-Je me suis mis avec elle quand tu as rencontré Don, et vu les problèmes que tu as eu avec lui, je n’ai pas voulu t’embêter avec ça. M’avoue alors Nick avec un haussement d’épaules.
-Mais Nick, tu ne m’aurais pas embêtée du tout. Ça m’aurait fait plaisir de te savoir heureux.
-Je me doute mais je pense que je n’étais pas très investi dès le départ. Je ne sais plus où j’avais la tête, mais me mettre avec elle était sans doute une erreur, après réflexion. Je l’ai fait souffrir pour rien.
-Aah les mecs ! Vous savez jamais ce que vous voulez ! Le taquiné-je gentiment, ce qui le fait sourire.
Nous passons la journée ainsi, tranquillement, entre amis. Par moment, mes enfants me rappellent à mon rôle de mère et je l’abandonne dans le salon pour m’occuper de mes deux adorables monstres. Ils se montrent compréhensifs, m’offre même son aide, au grand plaisir de Ryan, ravi de le voir. Le contraire m’aurait étonnée. J’aurais préféré que Nick reste tranquille, mais il est fidèle à lui-même : toujours prêt à me venir en aide.

La journée commence à toucher à sa fin. Les enfants sont fatigués d’avoir joué toute l’après-midi avec Nick et je n’ai pas tardé à les mettre au lit alors que le soleil commence à se coucher. Bien que nous soyons en automne, le soleil reste encore longtemps dans le ciel avant de laisser place à la nuit.
Nous restons ainsi entre adultes. Je lui ai préparé à manger, à boire aussi. Je ne sais pas pour lui, mais ça commence à me monter un peu à la tête, mais ça va aller. Je sens qu’il se sent mieux par rapport au moment il est arrivé, et c’est le principal.
-Je te suis reconnaissant d’avoir été là pour moi. Me remercie alors Nick, en me prenant dans ses bras.
Je suis un peu surprise par son geste, d’autant plus qu’il me sert fort contre lui. Mais je ne dis rien et je lui rends son étreinte avec plaisir. Nous restons un moment ainsi, appréciant être ainsi. C’est étrange, mais je me sens bien ainsi, dans ses bras. J’ai l’impression d’y être en sécurité, ne ressentant pas l’envie de les quitter.
-Je peux bien faire ça, tu es toujours là quand j’ai besoin d’aide. Tu es important pour moi, tu sais. Lui soufflé-je, ayant un peu moins de retenue qu’à l’accoutumer. Merci les jus de fruits. Par moment, je me demande ce que je ferai sans toi.
-Tu ferais autrement. M’assure-t-il alors que je ne suis pas convaincue. Tu es une femme forte, tu aurais su prendre les choses en main sans problème.
-C’est qui qui console qui déjà ?
-Je pense qu’on se console mutuellement.

La soirée se poursuit et nous continuons à discuter, à se rassurer. Sans que nous y prêtons attention, nos corps restent proches, comme si, inconsciemment, nous souhaitions garder un contact physique.
Je me sens étrange. J’ignore si c’est du au jus de fruit ou à la situation. Nick a une façon étrange de me regarder. Je ne sais pas comment interpréter son regard. Et puis, je me sens bien. J’ai l’impression que le temps a cessé d’avancer.
Il faut que j’arrête les excès, ça me met dans des situations bizarres.

-Mae, est-ce que tu as des regrets ? M’interroge subitement Nick, me sortant de mes songes.
-Je sais pas trop. Je serai tentée de dire que je regrette d’avoir rencontré Don, mais j’ai deux enfants merveilleux grâce à lui, donc je sais pas. Et toi ?
-Je… Je crois que j’aurais aimé te rencontrer plus tôt. M’avoue-t-il à ma grande surprise. Je ne sais pas trop comment réagir, ni comment interpréter ses paroles. Que se passe-t-il ? Je crois que le jus de fruit a des effets bien inattendus sur lui aussi.
Et subitement, sans que je m’y attende, il m’embrasse. Deuxième chose encore plus inattendue, suite à ce contact imprévu mais très agréable, je réponds à son baiser.

La suite des événements sont assez floues. Mes souvenirs sont assez vagues. Comment nous sommes-nous retrouver dans mon lit ? Je ne saurais pas comment l’expliquer. Je crois que le jus de fruit me fait faire des choses insensées. Je me souviens seulement m’être sentie avec lui, d’apprécier ses baisers. J’avais l’impression d’être considérée. J’appréciais qu’il fasse attention à moi, qu’il veille à mon bien être et mon plaisir. Il n’était pas dans la performance, juste dans l’instant présent. Dans un autre contexte et le jus de fruit en moins, cela aurait pu être follement romantique.