Depuis que je suis avec Cédric, j’ai du mal à me rendre compte du temps qui passe. Il faut dire que je n’ai pas une seconde à moi et que je n’ai absolument pas le temps de m’ennuyer. Chaque seconde de ma vie est dorénavant occupée. Lorsque je ne travaille pas, je suis soit à la maison, soit avec Cédric. Et, maintenant que j’ai moins de temps pour avancer sur les améliorations de ma fusée, je ne cesse de bricoler quand je suis à la maison.
J’ai l’impression d’avoir un emploi du temps de ministre, mais je ne m’en plains. Cela me donne le sentiment d’avoir une vie trépidante !
Néanmoins, ce n’est pas parce que je suis occupée que le temps s’arrête de défiler, bien au contraire. Un jour, en rentrant du travail, cette vérité absolue s’est rappelée à moi. Comme souvent, Phenix est venu m’accueillir à la maison, et l’évidence m’a frappé. Mon pauvre toutou a le poil grisonnant. Mon cœur se serre en réalisant que Phenix est maintenant un vieux chien. J’ai l’impression qu’il est entré dans nos vies hier, alors que cela fait des années qu’il n’est plus un chiot.

-Mon pauvre Phenix, tu te fais vieux… Mais tu as encore de belles années à passer avec nous, n’est-ce pas ? Tu as intérêt à vivre encore 10 ans, au moins ! Promis, mon chien ?
-Wouf ?!
-Je prends ça pour un oui !

Je reste un moment dehors à jouer avec Phenix avant de me décider à rentrer. Je vois directement Maman, assise tranquillement sur le canapé en train de lire des dossiers. Elle a sans doute rapporté du travail à la maison, comme souvent depuis qu’elle est à la tête de son association. Cela lui permet de tout examiner tranquillement, d’après elle. Je ne peux que la croire, vu qu’elle est sans arrêt sollicitée à son travail.
Je me sens soudain nerveuse. Paul n’est pas là, parti à Oasis Springs pour garder Patrick et Marina, et je sais que c’est le moment idéal…
Depuis quelques jours, je réfléchis à tout dire à ma mère, à propos de ma relation avec Cédric. Mon couple semble durer dans le temps, suffisamment pour l’annoncer à mes parents. Enfin, à ma mère, en premier lieu. Mon père, je lui dirais lors de notre prochaine session sur Skype. Et puis, je suis presque sûre qu’elle a déjà tout compris, donc il est inutile de continuer à faire des cachotteries.

-Maman ? Je peux te parler ? L’interpelé-je en m’installant à côté d’elle sur le canapé.
-Bien sûr ma puce. Me confirme Maman avec le sourire, tout en posant ses dossiers sur la table basse. Qu’est-ce qui se passe ? Tu n’as pas de problème à ton travail au moins ?

-Non, non, tout va bien ne t’en fais pas. Lui assuré-je, un peu nerveuse. Les collègues relous, ça fait longtemps que je n’en entends plus parler. Mes compétences professionnelles et ma motivation ne sont plus à prouver maintenant.
-Tant mieux. Tu voulais me dire quoi du coup ?
-Eh bien… Hésité-je un instant, ne sachant pas comment commencer. Mon annonce n’a rien d’extraordinaire en soi, des tas de gens se mettent en couple tous les jours, mais cela me parait tellement absurde de parler de Cédric de façon aussi formel. Maman… Depuis quelques temps, je… vois quelqu’un. Pas en tant qu’ami, mais euh…
-Mais tu as un copain. Comprend-t-elle aussitôt en me souriant avec bienveillance. Soudain, je me sens beaucoup plus légère maintenant que je ne garde plus ce secret. J’en étais sûre ! S’exclame-t-elle ensuite avec enthousiasme. Paul ne voulait pas me croire mais mon instinct ne m’a pas trompé !
-C’est bizarre, je ne suis même pas surprise.
-Être observatrice doit être de famille. Me dit-elle avec amusement. Effectivement, si on en juge que j’ai deviné qu’il se passait quelque chose entre elle et Paul avant même qu’ils ne soient officiellement en couple… Ou alors, cela prouve juste qu’il est impossible de garder un secret dans cette maison. Comment s’appelle l’heureux élu ? Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ? Tu l’as rencontré comment ?
-Il s’appelle Cédric, il est auteur en free-lance et bibliothécaire à mi-temps. Commencé-je à lui répondre alors qu’elle hoche la tête d’approbation. Et c’est le frère du copain de Sarah, je l’ai rencontré au Nouvel An… Lui dis-je ensuite, dans un petit mensonge. Cette version officielle de notre rencontre est quand même plus sympathique à raconter que mon humiliation à la bibliothèque…
-Et bien, tu pourras remercier ta cousine de t’avoir poussé à sortir ce soir-là ! S’en amuse Maman. Il est gentil au moins ? Ce n’est pas un mec bizarre qui essaie de te faire du mal ? M’interroge-t-elle ensuite sur un ton suspicieux.
-Maman !
-Bah quoi ? Je veux juste être sûre que ce ne soit pas un détritus !
-Maman, Cédric est quelqu’un de bien, je t’assure. Et tu sais bien que je fuis les gens débiles comme la peste !

Ma mère ne peut s’empêcher de rire suite à ma dernière remarque. Je sais qu’elle ne pense pas à mal et qu’elle veut simplement mon bonheur. J’ai confiance en Cédric et je sais qu’elle l’appréciera, le jour où je le lui présenterai ! Bon, ce n’est pas encore pour toute suite, c’est encore trop tôt pour les présentations, mais je ne me fais aucun soucis.
Ayant du travail sur ma fusée à faire, et pensant la conversation terminée, je me lève donc du canapé pour aller me changer. Mais, avant que j’aille dans ma chambre, ma mère m’arrête pour me prendre dans ses bras.

-Je suis heureuse pour toi ma puce. Je ne veux que ton bonheur et s’il te rend heureuse, c’est tout ce que je demande. Me confie-t-elle avec émotion. Et je serai ravie de le rencontrer le jour où tu souhaiteras nous le présenter.
-Merci Maman. Et ne t’inquiète pas, il me rend heureuse.

Je me suis sentie plus légère les jours suivants. Parler de Cédric à ma mère m’a fait du bien, et je suis plus à l’aise de sortir de la maison en étant plus honnête avec elle. Quand je suis à la maison, elle me pose régulièrement des questions sur lui et me demande s’il va bien lorsque je reviens d’un rendez-vous avec lui. Elle ne le connait pas encore, mais ce que je lui confie semble la satisfaire.
J’ai également parlé de Cédric à mon père. Il a un peu tiqué, mais il est content pour moi. Je pense que c’est difficile pour lui de constater à quel point j’ai grandi, lui qui a été absent de ma vie à cause de la distance. Cela me serre le cœur d’y penser, mais nous ne pouvons pas refaire le passé. En réfléchissant, il est tout de même présent, malgré tout. A sa manière et avec les moyens du bord.
Avec le temps, j’ai fini par accepter d’aller chez Cédric et de découvrir sa maison. Il s’agit d’une petite maison à Oasis Springs, mais elle leur suffit, à lui et Celian. Et cela ne l’empêche pas d’être agréable à vivre.

J’étais un peu intimidée la première fois que je suis venue, mais Cédric a toute suite su me mettre à l’aise. Il s’est même plié en quatre pour m’accueillir le mieux possible et que je me sente chez moi ici. Il a même osé demander à son frère d’aller s’occuper dehors pour ne pas prendre le risque qu’une de ses blagues me mettent mal à l’aise. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire lorsqu’il m’a avoué ça. Il a tout de même ajouté que c’était aussi pour que l’on soit tranquille, tous les deux.
Je suis revenue plusieurs fois depuis. Je dois avouer qu’il avait raison : je me sens nettement mieux lorsque nous nous voyons chez lui, à l’abri des regards. Aucun inconnu qui nous entoure, nous sommes seuls dans notre petite bulle, à profiter de la présence de l’autre.
Et il n’y a rien de plus agréable.

Généralement, quand je viens chez lui, nous ne faisons rien d’extraordinaire. Nous regardons la télévision, des films ou des séries, nous racontons nos vies, nous faisons la cuisine pour ensuite déjeuner ou dîner ensemble. Nous profitons de la présence de l’autre durant des tâches de la vie quotidienne et ce rythme plus tranquille nous convient très bien aussi. Je dois même admettre que cela m’apaise. Cela me demandait beaucoup d’énergie mentale de sortir à l’extérieur au milieu d’un flot d’inconnus, et être ici, chez lui, juste tous les deux me permet de davantage me détendre.
Petit à petit, chez lui devient comme ma deuxième maison. Être ici, dans ses bras, c’est comme être dans un cocon coupé du monde.

A force de venir ici, il est évident que Cédric ne parvient pas à avoir toujours la maison pour nous tous seuls. Ainsi, je croise régulièrement son frère. Au début, Celian n’était que de passage, ne souhaitant pas nous déranger. Il dit souvent que, pour une fois que son frère ramène une fille à la maison, il pouvait bien lui laisser le champ libre. Cédric le regarde d’un air blasé à chaque fois, mais je ne peux m’empêcher de pouffer de rire devant l’expression de son visage.
J’ai croisé plusieurs fois ma cousine, aussi, forcément. Elle connait déjà bien la maison, depuis le temps qu’elle fréquente Celian. Du coup, c’est souvent qu’elle vient le rejoindre ici, même lorsqu’ils doivent sortir. Au fil du temps, elle et Cédric ont fini par nouer des liens amicaux, et elle a été ravie quand elle a appris que nous sommes ensemble. Elle n’a fait que confirmer ce que je savais déjà, en m’affirmant que Cédric est une perle et que quelqu’un comme moi ne peut qu’être heureux avec quelqu’un comme lui.

Puis, petit à petit, je suis amenée à voir Celian plus souvent. Ce qui est normal, dans la mesure où il vit ici, lui aussi. Il finit même par en plaisanter, en affirmant que je passe beaucoup trop de temps ici pour le bien-être de son porte-feuille. Cela m’amuse, même si je comprends que cela peut être pénible pour lui à la longue de devoir passer son temps dehors pour laisser son frère seul avec sa petite amie.
Alors, de temps en temps, il reste avec nous. La plupart du temps, il dîne avec nous avant d’aller s’occuper dans sa chambre. Nous faisons connaissance durant ces moments-là, et Celian est vraiment quelqu’un de sympathique, bien qu’il soit complètement différent de son frère.

Parfois, il reste avec nous pour la soirée. Nous jouons à des jeux de société ou nous regardons un film à la télévision. Lorsque nous jouons à des jeux, j’assiste régulièrement à leurs chamailleries fraternelles. Cédric accuse souvent Celian de tricher, ce que son frère nie avec ferveur, pour finir par affirmer que Cédric ne sait pas ce qui est drôle et qu’il est incapable de s’amuser. Ce n’est jamais bien méchant et je vois bien qu’il s’agit d’un jeu entre eux. Cédric essaie de prendre Celian en flagrant délit de tricherie et Celian s’amuse à faire tourner en bourrique son jumeau. Et moi, je me retrouve entre les deux et je compte les points en riant de leurs bêtises.
-Eh ! Ca va, t’as pas l’impression de déranger ? Proteste subitement Cédric alors que son frère s’impose entre nous deux sur le canapé, alors que nous venions de lancer un film sur Simflix.
-Oh la la, rabat joie ! Quand y’a de la gêne, y’a pas de plaisir ! Se défend-t-il aussitôt. Et pour ma défense, je ne tiens pas à servir de plante verte pendant que vous vous papouillez sur le canapé !

-Comme si c’était notre genre ! Lève les yeux au ciel Cédric, alors que je vois bien à son sourire que son frère l’amuse plus qu’il ne le dérange.
-Ah on sait jamais ! Vous êtes tout mignon tout sage quand je suis là, mais je suis sûr qu’il suffit d’une scène d’amour un peu trop osée pour que vous fassiez des bizarreries sur le canapé ! Je veux être tonton un jour, mais je ne veux surtout pas assisté à la conception du mioche! S’exclame Celian et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire.
-Tu as fini de dire des bêtises ? Soupire d’un air blasé Cédric. Et puis, de nous deux, celui qui devrait le plus s’inquiéter, c’est moi. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu des choses que je ne voulais absolument pas voir !
-T’as qu’à frapper aussi !
-A ma propre maison ? Tu as une chambre je te signale !
-Tu as vu comment il est méchant avec moi ? M’interpelle soudain Celian pour essayer de me convaincre de prendre son parti, alors que j’essaie de retenir mon fou rire. Il a été célibataire tellement longtemps qu’il ne sait plus ce que c’est d’avoir une copine. Heureusement que tu es là, sinon, il aurait fini moine.
-Mais qu’il est bête ! C’est pas possible d’avoir un frère aussi bête ! S’exclame Cédric alors que je suis maintenant incapable de retenir mon fou rire. Je crois même que l’on m’a perdu pour la soirée !

Aussi étrange que cela puisse paraître, les deux frères ont fini par se calmer, et mon hilarité aussi. Nous avons même réussi à voir le film ! Celian n’arrêtait pas de commenter chaque scène et Cédric s’amusait à le contredire juste pour l’embêter, comme une petite vengeance personnelle après qu’il se soit installé au milieu du canapé. Une chose est sûre, on ne s’ennuie pas avec les deux frères Chastain !
-Tu as passé une bonne soirée, Chaton ? Me demande Cédric devant la porte d’entrée, alors que je suis sur le point de partir pour rentrer chez moi. Mon frère ne t’a pas trop ennuyé avec ses bêtises ?
-J’ai passé une bonne soirée oui et cela m’a plus amusée qu’autre chose de vous voir vous chamailler.
-J’ai cru remarquer. M’avoue-t-il avec un sourire en coin avant de mon serrer contre lui. Il lui arrive d’être calme mais s’il se permet de dire des âneries, c’est qu’il t’aime bien. Ajoute-t-il alors que je hoche la tête. Tu es sûre que tu ne veux pas que je te raccompagne ? Ou que tu ne veux pas rester dormir ? Ca ne me rassure pas que tu rentres toute seule.
-Je ne veux pas te déranger, tu as une grosse journée qui t’attend demain. Refusé-je, sachant qu’il travaille toute la journée à la bibliothèque à l’occasion du vernissage d’une grosse exposition sur l’histoire d’Oasis Springs. Et mon taxi va bientôt arriver, je serai vite rentrée.

Il acquiesce doucement et nous profitons des quelques instants qui nous restent avant l’arrivée du taxi. Je n’ai aucune envie de le quitter, et je sais qu’il va me manquer dès l’instant où je n’apercevrai plus sa maison depuis la fenêtre de la voiture. Mais je n’ai aucune envie de le déranger étant donné sa grosse journée qui l’attend, d’autant plus que je ne me sens pas encore prête à passer la nuit ici. Je sais que cela n’engage à rien, mais cela me rend tout de même nerveuse. Pas beaucoup, mais un petit peu. Peut-être que j’anticipe trop, mais je n’ai pas envie de me prendre la tête ce soir.
Pour l’instant, j’ai juste envie de profiter de sa présence, de ses bras, de son sourire, de ses lèvres, avant de devoir attendre la prochaine fois pour en profiter de nouveau.

-Tu m’envoies un message pour me dire que tu es bien arrivée ? Me demande alors Cédric alors que mon taxi doit arriver dans quelques petites -trop petites- minutes.
-Bien sûr. Lui confirmé-je alors que je savoure le calme de l’instant et la tendresse de mon Cédric.
-Je t’aime. M’avoue-t-il soudain, à ma grande surprise. C’est la première fois qu’il me le dit et j’en reste muette sur le coup. Néanmoins, mon cœur s’emballe et je ne peux retenir un grand sourire. Tu.. Tu n’es pas obligée de répondre si..
-Je t’aime aussi, Cédric. Le coupé-je avec toute la sincérité du monde avant de l’embrasser une nouvelle fois.