Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 15

Quelques jours passent et je n’ai pas beaucoup l’occasion de revoir Sven. Il a du travail, et moi aussi. D’autant plus que je dois m’occuper d’organiser l’anniversaire de Joy. J’envoie plusieurs photos d’elle à Sven, qui semble ravi d’en recevoir.
Mais, je crois que je commence à fatiguer à suivre ce rythme effréné. Un soir, je rentre tard à la maison car nous organisons un événement important à l’association et je suis souvent obligée de faire des heures supplémentaires. Mais, en arrivant chez moi, j’aperçois une lumière étrange dans le jardin. Curieuse, je traverse la maison pour aller sur la terrasse, et là, la lumière se focalise sur moi. En levant la tête…. Je vois une soucoupe volante !
Je fais un bond en arrière mais je n’ai pas le temps de faire quoique ce soit de plus que je suis attirée vers cette chose. Mon dieu ! Les histoires de Maman sont définitivement vraies !!

Au bout de plusieurs heures à avoir l’esprit dans le flou, je finis par rentrer chez moi. Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé dans ce vaisseau. La seule chose que je peux soupçonner : c’est que les aliens ne connaissent pas le chauffage ! Je suis frigorifiée, comme si j’étais restée longtemps dans un froid polaire sans aucun vêtement chaud !
Tremblante, je m’installe sur le fauteuil, juste en face de la cheminée encore allumée. J’ai bien besoin de profiter de cette chaleur réconfortante pour me remettre de cette drôle d’aventure !

Une fois réchauffée, je vais me coucher, exténuée. J’ai soudain l’impression d’être vidée de toute mon énergie. Une boule se forme dans mon ventre : j’espère que cette rencontre du 3e type ne m’empêchera pas d’être opérationnelle demain, pour l’anniversaire de Joy.
Le lendemain, j’ai la tête dans le brouillard lorsque je me lève. J’ai également un mal de tête épouvantable, comme après une soirée trop arrosée. Je ne me souviens pas avoir bu du jus de fruit, pourtant, hier…
En allant dans le salon, je constate que mon père et ma fille sont déjà réveillés, et installés à table pour le petit déjeuner. Je vais chercher de quoi manger dans le frigo, et je m’installe avec eux, espérant que cela suffira à me redonner de l’énergie.
-Papa ? Lui dis-je, me souvenant que je ne l’ai pas encore prévenu de la venue de Sven, ce soir.
-Oui ma puce ?
-Je… J’ai oublié de te dire… J’ai… J’ai revu Sven. Il est de passage ici pour le travail. Lui annoncé-je, nerveuse, craignant sa réaction.
-Sven ? Ne semble-t-il pas comprendre.
-Le… Le père de Joy… Lui rappelé-je à voix basse tout en jetant un coup d’œil craintif à ma fille. Mais elle semble bien plus obnubilée par ses céréales qu’à notre conversation. Je lui ai dis la vérité pour elle…
-Oh… Et comment il a réagi ?
-Il est un peu sonné mais c’est normal… Mais du coup je lui ai proposé de venir ce soir, pour qu’il puisse voir sa fille.
-Oh je vois. Tu as bien fait ma grande… Tu m’as dit qu’il s’appelait comment déjà ?
-Sven, Papa. Il s’appelle Sven. Soupiré-je, tentant d’ignorer mon cœur qui se serre face à cette petite perte de mémoire.

Il a beaucoup neigé ces derniers jours, recouvrant le paysage d’un épais manteau blanc. Pendant que je suis au travail, Papa décide de faire découvrir la neige à Joy en l’emmenant dans le jardin, après l’avoir habillée bien chaudement. Une fois dehors, Joy est comme fascinée face à ce spectacle. Ses yeux pétillent d’émerveillement. Papa lui propose vite de faire un bonhomme de neige.
Joy s’amuse comme une petite folle à ajouter des tas de neige sur la grosse boule formée par son grand-père. Il fait le plus gros du travail, mais cela l’amuse. Il retrouve son âme d’enfant !

Une fois le bonhomme de neige terminée, Joy l’observe avec curiosité. Elle ne semble pas croire de qu’elle voit. Par curiosité, elle enfonce un doigt dans le ventre du bonhomme, pour le ressortir aussitôt. Le voilà qu’il est tout blanc ! Elle n’hésite pas une seconde de plus et le met aussitôt dans sa bouche. En réaction, elle grimace.
-Aaah ! C’est froid !! S’écrie-t-elle alors, faisant rire son grand-père.
Loin d’être traumatisée par cette expérience, Joy se désintéresse du bonhomme de neige et plonge ses deux mains dans la neige au sol. Et hop ! Elle envoie deux petits tas de neige dans les airs, au-dessus de sa tête. Elle rit, et continue son activité en faisant de petits tas de neige sur le sol, comme pour faire un château de … neige.

Au bout d’un certain temps, Papa finit par la rentrer à l’intérieur et la réchauffer. Il ne faudrait pas qu’elle attrape froid et il doit commencer à préparer son gâteau d’anniversaire.
Quand je rentre du travail, Joy joue tranquillement dans sa chambre. Je la rejoins et je m’installe doucement sur la banquette pour la regarder jouer. Elle m’ignore au début, avant de me lancer un regard intrigué.
-Papy m’a dit que vous avez passé l’après-midi dehors. Tu as aimé joué dans la neige ? Lui demandé-je doucement.
-Oui ! La neige, c’est rigolo !
-J’imagine bien… Dis, il va falloir arrêter les cubes. Maman va te préparer pour ce soir. Tu te rappelles que c’est ton anniversaire aujourd’hui ? En temps que reine de la soirée, il faut te faire belle !
En toute réaction, elle me lance un regard dubitatif mais elle se laisse faire sans rechigner. Je soupire. Je crois qu’elle accepte juste pour me faire plaisir…

Le soir venu, je descends au salon avec ma fille dans les bras, avant de la laisser vagabonder à sa guise. Excellent timing, c’est à ce moment-là que la sonnette résonne, annonçant l’arrivée de mon frère et de sa famille.
Je leur ouvre en souriant, ravie de les voir ici pour cette occasion. Papa pose le gâteau aux fraises sur la table avant d’aller à la rencontre de Ryan.

-Salut mon grand ! Tu sors de la salle de sport ?
-Oui, faut m’excuser, j’ai pas eu le temps de me changer… Avoue-t-il, un peu gêné par sa dégaine alors que Juliette s’est faite toute belle pour ce soir.
-C’est pas grave, va ! On est entre nous !
-Et puis tu sais, Joy, elle ne fait pas tellement la différence entre une tenue de sport et une tenue de fête ! Ajouté-je en souriant. Par contre, c’est vrai que tu piques les yeux ! Le taquiné-je ensuite en affichant une mine innocente.
-Saleté ! En rit-il, loin de se vexer de ma plaisanterie.

-Maman !! Je veux rentrer !!! S’exclame subitement Alexandre en tirant sur le bas de la robe de Juliette pour attirer son attention. Visiblement, le pauvre n’est pas ravi d’avoir du suivre ses parents ici.
-Pas question Alex ! On passe la soirée en famille, on te l’a déjà dit !
-Mais j’allais tuer le dragon !!
-Ce n’est qu’un jeu ! Et ça suffit maintenant, ça te fera pas de mal de décrocher un peu de l’ordinateur ! Soupire d’exaspération Juliette. Sois gentil un peu, c’est l’anniversaire de ta cousine.
-Pffff !

Petit à petit, tous les invités arrivent à la maison. Après mon frère et sa famille, arrivent Pierre, Caroline et Manon puis enfin… Sven. Il est un peu embarrassé face à tout ce monde. Il est vrai que j’avais oublié de l’avertir du nombre d’invités présents… J’essaie de le rassurer comme je peux, avant d’être interrompue par Pierre.
-Hey Sven ! Ca fait plaisir de te revoir ! Ca va, t’es pas trop dépaysé avec un temps pareil ? S’exclame-t-il alors, en affichant un grand sourire.
-Non ça va ! Il fait même chaud je trouve ! Plaisante Sven à son tour, bien qu’il ait l’esprit ailleurs.

En effet, bien qu’il répond à Pierre sans difficulté, Sven regarde quelqu’un d’autre… Joy. Qui est tranquillement assise par terre, à jouer avec ses cubes. Il n’est pas difficile pour lui de deviner qu’il s’agit de sa fille. Il la fixe, scrutant le moindre de ses faits et gestes, sans oser s’approcher d’elle.
Tu peux aller la voir, tu sais. Elle ne va pas te manger. Lui assuré-je, comme pour l’encourager.
-Je.. Je préfère la laisser tranquille. Elle est avec … ?
-Kylian, son cousin. L’informé-je ensuite, observant mon neveu entrain d’inciter Joy à faire une énorme tour de cubes.

Très vite, Sarah se joint à eux mais Joy garde les yeux rivés sur son grand-père, qui s’affaire à apporter les dernières touches à son gâteau d’anniversaire. Je souris. Cela me fait plaisir de voir mes neveux tenter d’aller vers leur cousine, bien qu’ils la connaissent pas beaucoup. J’espère qu’ils pourront être proches, à l’avenir. Ils sont de la même famille, après tout.
Quant à Sven, il continue de l’observer, sans oser aller vers elle. Le pauvre, il est tout intimidé face à tout ce monde, à cette famille dont il fait désormais partie.

Soudain, Ryan s’approche de moi pour me prendre dans ses bras. Je sursaute à ce contact, ne m’attendant pas à ce qu’il vienne me faire un câlin.
-Ravi de te revoir, petite sœur. Me dit-il à l’oreille.
-Merci à toi d’être venu. Cela me fait plaisir que tu sois là, pour Joy. Lui soufflé-je à mon tour.
-A défaut d’avoir été un bon frère, j’espère pouvoir être un bon tonton ! M’avoue-t-il en souriant, avant de me chuchoter : Alors, c’est lui le père de Joy ? Me demande-t-il en désignant Sven. Je me contente alors d’hocher la tête. Eh beh, une chose est sûre : il ne peut pas la renier ! C’est son portrait craché !
-Ca, c’est sûr !

Puis, vient le moment pour Joy de souffler ses bougies. Quand on lui annonce, Joy est subitement excitée comme une puce, réclamant que son grand-père la prenne dans ses bras. Elle ne veut personne d’autre et Papa ne tarde pas à s’exécuter. Après avoir allumé les bougies, il la prend dans ses bras pour pouvoir la rapprocher du gâteau. Joy observe avec fascination les bougies, avant qu’on l’encourage à souffler pour les éteindre. Ce qu’elle fait, avec un peu de difficulté, mais aider par son grand-père.
-Bon anniversaire, Joy ! Exclamons-nous, tous ensemble, y compris Sven. Ce dernier semble regarder sa fille avec de plus en plus d’émerveillement.

En ce jour, Joy devient ainsi une enfant. Une adorable petite fille à la chevelure dorée. Timidement, elle va voir l’ensemble de l’assemblée pour les remercier d’être là, sans grand enthousiasme cependant. Je remarque qu’elle semble mal à l’aise, mais qu’elle se prête tout de même au jeu.
-Bon anniversaire Joy ! C’est trop bien ! On va pouvoir jouer ensemble maintenant ! S’exclame joyeusement Kylian en enlaçant sa cousine.
-Euh oui… Cool. Merci en tout cas. Bredouille-t-elle en réponse, comme si elle ne savait pas quoi répondre.

Après qu’elle ait remercié tout le monde, je lui donne une part de son gâteau. Elle s’installe alors en bout de table, et regarde le nez plongé dans son assiette. Je la surveille du coin de l’œil, mais elle ne semble pas particulièrement triste. Je pense qu’elle doit être juste un peu fatiguée par sa journée et le fait de grandir.
Pendant ce temps-là, je rejoins Caroline et Manon, qui sont en grande discussion avec Sven, qui commence enfin à se détendre.
-Vous menez une vie au top, à ce que je vois ! C’est fou ce parcours depuis le lycée ! Réagit Sven alors que mes amies lui racontent leur vie depuis qu’il est parti.
-Eh ouais ! Faut pas croire mais on t’a pas attendu pour vivre notre vie ! Le taquine gentiment Caroline. Mais toi aussi tu as une vie cool, à voyager partout ! Et puis, le monde est petit ! Tu as même retrouvé notre Rosae !
-J’avoue que j’ai eu pas mal de surprises, en revenant ici ! Si on m’avait dit ça il y a quelques semaines, je l’aurais pas cru !
-Tu m’étonnes ! S’esclaffe Manon, tout en veillant à ne pas trop en dire. En effet, tout le monde ici est au courant que Joy ignore encore tout de son père … Je préfère lui en parler avant, et ne pas la mettre devant le fait accompli.

Pendant que Sven et mes amies discutent, je vais rejoindre ma fille en bout de table. Joy ne dit pas un mot depuis qu’elle a soufflé ses bougies. Même si je pense que c’est juste la fatigue, je préfère m’assurer que tout va bien et que rien ne la chiffonne.
-Tout va bien ma puce ? Tu passes une bonne soirée ? Lui demandé-je alors, tout en m’asseyant à côté d’elle.
-Oui Maman. Je profite juste du gâteau de Papy, il est trop bon ! M’assure-t-elle en m’offrant un timide sourire.
-Tu es sûre ? Tu me le dirais si quelque chose ne va pas ? Insisté-je, un peu inquiète par son attitude. En effet, je trouve cela curieux qu’elle ne cherche pas spécialement à jouer avec ses cousins, qui sont les seuls enfants présents ici.
-Mais oui ! Me confirme-t-elle, avant d’ajouter. Dis Maman, c’est qui le monsieur blond ? Me demande-t-elle, me mettant brusquement mal à l’aise. Que vais-je répondre à ça ? Je l’ai jamais vu.
-C’est… un ami de Maman. Il habite en Suède normalement mais il est de passage en ce moment. Lui réponds-je, songeant que ce n’est pas le meilleur moment pour lui avouer la vérité.
-Ok, cool. Hausse-t-elle les épaules, avant d’aller ranger son assiette, comme si elle était déjà passée à autre chose. Visiblement, elle ne se pose pas davantage de questions sur lui.

La soirée se poursuit calmement. Joy laisse ses cousins venir vers elle, mais elle ne cherche pas spécialement à se rapprocher d’eux. J’ai l’impression qu’elle est dans la lune, mais cela ne l’empêche pas de passer une bonne soirée. Enfin, d’après ce que je peux observer.
Petit à petit, la maison se vide de ses invités. Caroline et Manon sont les premières à partir, suivit de près par Pierre. Ryan, Juliette et leurs enfants partent peu de temps après, les triplés étant fatigué. Papa profite de cette occasion pour aller coucher Joy, me laissant ainsi seule avec Sven.
Qui est également sur le départ. Malgré le froid hivernal, je le raccompagne dehors, profitant de ces quelques instants pour discuter seule avec lui.

-Tu… Tu as passé une bonne soirée ? L’interrogé-je, ne sachant pas ce qu’il a bien pensé ce soir.
-Oui assez. Me confirme-t-il en souriant, les yeux pétillants. Cela m’a fait plaisir de voir Joy.
-Je suis désolée que tu n’ais pas pu passer plus de temps avec elle. J’essaierai de lui parler pour lui expliquer qui tu es, et tu devrais pouvoir passer plus de temps avec elle la prochaine fois.
-Pas de soucis, je te fais confiance là-dessus. M’assure-t-il, devenant soudainement nerveux. Rosie, il faut que je t’avoue un truc… J’ai réussi à prolonger mon séjour ici pour être là ce soir, mais je dois rentrer demain en Suède. D’autant plus que j’ai déjà dit à mes parents que je serai à la maison pour les fêtes.
-Oh, euh oui bien sûr. Je comprends tout à fait Sven, ne t’en fais pas. Le rassuré-je, nullement surprise par son annonce. Je savais bien qu’il n’allait pas rester ici éternellement.
-J’essaierai de revenir vite, Rosie, je te le promets…. M’assure-t-il, avant de marquer une pause. Rosie… Je… Tu m’as manqué durant tous ces années, tu sais…
-Euh, toi aussi tu m’as manqué. Lui dis-je après une hésitation. Je ne vois pas où il veut en venir, et je n’ai pas su quoi lui répondre d’autre. Et puis, même si j’ai appris à vivre sans lui, il est vrai qu’il m’a manqué dans ma vie, surtout au début, après son départ.

Un silence s’installe soudain entre nous. Nous nous regardons, un peu gênés, sans trop savoir quoi faire.
Et puis, alors que j’allais lui dire au revoir, Sven s’approche de moi pour me prendre dans ses bras. Et ses lèvres se posent sur les miennes, timidement, cherchant à me retrouver. Je réponds à son baiser, presque machinalement. Comme s’il était évident, que c’était ce que je devais faire.
A la fin de notre baiser, Sven me sourit, m’offre un autre baiser au bout des lèvres et finit par partir pour rejoindre son hôtel. Quant à moi, je reste debout, comme une idiote, devant ma maison, à le regarder partir.
Ce n’était pas comme je l’imaginais. Je pensais que cela serait comme avant, avant qu’il ne parte pour la Suède.
Mais pas du tout. C’était juste… Étrange.
Et je ne sais pas du tout comment l’interpréter.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 14

-Oh Rosie ! Je suis tellement content de te revoir ! S’exclame subitement Sven, tandis que je me suis levée mécaniquement. Aussitôt, il me prend dans ses bras alors que je suis encore sous le choc de sa présence ici.
J’ai du mal à croire qu’il soit ici, à San Myshuno, devant moi, alors qu’il est censé être en Suède. L’information a du mal à monter jusqu’à mon cerveau. Pourtant, je suis dans ses bras, je reconnais son visage, sa voix, sa bonne humeur, son odeur… Mais c’est comme s’il y a un bug dans mon système nerveux.

-Sven… Que… Qu’est-ce que … Que tu fais ici ? Bredouillé-je en réponse, sonnée par cette improbable rencontre.

-Je suis là pour le boulot. Me répond-t-il avec un sourire, loin d’imaginer le trouble qui m’assaille. Je travaille dans une maison d’édition, à Stockholm. Je suis ici pour négocier des droits d’édition pour pouvoir traduire et publier des livres d’ici chez nous.
-C’est super ! Ca doit être… intéressant. Essayé-je de me montrer intéressée. Non pas que je m’en fiche, mais j’ai encore du mal à assimiler correctement la situation.
-Oui très. Me confirme-t-il en gardant le sourire. Le pétillement dans ses yeux me prouvent la véracité de ses dires. Désolé de ne pas t’avoir prévenu de ma vue ici… mais… Comme on n’a décidé de ne pas garder contact … Je me voyais pas débouler dans ta vie comme ça …
-Non.. Je… T’excuse pas.. Je comprends. Lui assuré-je, me sentant terriblement mal à l’aise. Comment pourrai-je lui en vouloir de ne pas m’avoir prévenu de sa venue ici alors que je lui cache un plus gros secret ? En pensant à Joy, je n’ai qu’une envie : c’est de partir d’ici en courant.
-Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ?
-Euh, je … je travaille dans une association… Pour promouvoir les droits des femmes.
-Oh ça doit être super intéressant ! Bon, par contre, je suis désolé, je vais devoir y aller. Me signale-t-il après regardé sa montre. Ca te dirait … qu’on… qu’on déjeune ensemble un de ces jours ? Me propose-t-il avec une soudaine timidité. Je dois rester quelques jours pour mon travail. Ca… serait l’occasion de se voir.
-Euh oui pourquoi pas… Accepté-je, soulagée de le voir partir. Dès qu’il a le dos tourné, j’en profite pour prendre la poudre d’escampette et rentrer chez moi.

Lorsque j’arrive chez moi, mon père et ma fille ne sont pas encore rentrés de Brindleton Bay. Cela tombe bien, je suis encore dans tous mes états et je ne me vois pas parler du retour de Sven avec mon père. Cependant, je ne tiens pas en place et il faut que je parle avec quelqu’un de ma rencontre du jour. Il faut que je libère mon esprit, sinon je ne vais pas arrêter d’y penser.
-Oui Caro ? C’est moi … La salué-je aussitôt après qu’elle ait décroché. Excuse moi de te déranger, je sais que tu es chez ta mère mais il faut absolument que je te parle.
-Qu’est-ce qui se passe ? Me demande-t-elle, intriguée par le son de ma voix. La panique doit s’entendre, je présume.
-J’ai vu Sven.
-Ahah très bonne ta blague ! On n’est pas encore le 1er avril tu sais ! Réagit-elle aussitôt en éclatant de rire. Devant mon absence de réaction, je l’entends se reprendre. C’est une blague n’est-ce pas ?
-Pas du tout. Je viens de le croiser juste en bas de chez toi. Il est à San Myshuno pour le travail… Lui confirmé-je, le cœur battant à tout rompre. Je suis dans un état de stress pas possible !
-Oh my God ! S’exclame Caroline, surprise. Le monde est petit !
-Je te le ferai pas dire… Et… Il m’a invité à déjeuner…
-C’est cool ! Ca va vous permettre de parler du bon vieux temps !
-Oui mais Caro… Quand je l’ai vu… Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Joy… Lui avoué-je, la gorge nouée, alors qu’un silence s’installe entre nous.

-Tu comptes faire quoi ? Me demande prudemment Caroline au bout de presque une minute.
-Je sais pas… Je t’avoue que je suis complètement perdue maintenant que je l’ai revu… Soufflé-je. J’ai mille et une pensée qui se bouscule dans ma tête, je ne sais pas quoi faire. J’étais si sûre de moi et de mes décisions en pensant que je ne le reverrai jamais mais maintenant qu’il est dans le coin et qu’il peut, potentiellement, l’être à nouveau, je suis perdue… Toutes mes certitudes ont volé en éclats, Caro…
-Ca va aller Rosie, ne t’inquiète pas. Tente-t-elle de me rassurer. Mais… peut-être que votre rencontre est le signe que… Que tu dois lui parler de Joy ? Me suggère-t-elle ensuite, comme si elle marchait sur des œufs. Je culpabilise un peu au son de sa voix, réalisant à quel point j’ai pu paraître intraitable et intransigeante lorsqu’on en parlait.
-Peut-être… Je ne sais pas… Je ne sais plus … Après tout ce temps ? Joy est bientôt une enfant et qui sait comment va réagir Sven de ne l’apprendre que maintenant.
-Le seul moyen de le savoir est de lui en parler. Me souligne Caroline. Et puis, s’il est amené à revenir par ici, garder l’existence de Joy secrète n’a plus lieu d’être, non ?
-Sans doute… Tu as peut-être raison… Je vais y réfléchir…
-Essaie de prendre une décision avant votre déjeuner. Ca serait la bonne occasion de lui en parler. Dans tous les cas, si tu veux parler, n’hésite pas ! J’imagine que ce ne doit pas être évident pour toi.
-Tu n’imagines même pas….

Au moment où je raccroche avec Caroline, j’entends mon père rentrer à la maison et déposer Joy dans sa chambre. J’hésite un peu, puis je sors de la mienne pour aller la voir. Visiblement, elle n’a pas voulu enlever son manteau et elle joue avec ses cubes. Elle passe beaucoup de temps à les utiliser, c’est affolant.
En m’entendant entrer, elle lève la tête vers moi et je me souris avant de se reconcentrer sur ses cubes.
-Ca a été aujourd’hui chez Tonton ? Lui demandé-je alors.
-Oui. Me répond-t-elle sans se déconcentrer.

Je ne dis rien de plus et je me contente de l’observer. Je remarque une fois de plus ses ressemblances avec Sven. Pour le moment, elle ne pose pas de questions sur son père et vit notre situation familiale comme si tout était normal. Mais qu’en sera-t-il lorsqu’elle ira à l’école ? Qu’elle se rendra compte que les autres enfants ont un Papa et pas elle ? Me sentirais-je de lui avouer que son père n’est pas au courant de son existence ? Et si Sven apprenait un jour, totalement par hasard lors de l’un de ses voyages, qu’il a une fille ?
Je me pose tellement de questions, je suis perdue. C’est moche à dire, mais finalement, c’était plus simple avant le retour de Sven…
Néanmoins, lorsque j’observe la bouille adorable de ma fille, je sais, au fond de moi, que je ne peux pas lui cacher son existence…

Alors, deux jours plus tard, j’accepte l’invitation à déjeuner de Sven. Nous nous retrouvons dans un snack dans la périphérie. L’endroit est tranquille et nous nous sommes installés au fond du restaurant. Au moins, personne ne viendra nous déranger ici.
Le malaise est palpable entre nous. De nombreuses années se sont passées depuis son départ et rien n’est plus comme avant. Nous avons tous les deux grandis, et appris à vivre sans l’autre. Nous retrouver à table ne faisait clairement pas partis de nos projets et cela nous fait tout drôle de nous parler de nouveau. Même si nos échanges ne sont que factuels et ne révèlent en rien notre relation passionnelle passée.
-Donc vous menez des actions en classe, c’est ça ? Me relance alors Sven, alors que nous discutons de mon travail.
-C’est ça. Nous faisons de la prévention auprès des jeunes. Mais ce n’est qu’une partie de mon travail. Je vais également à la rencontre des gens dans la rue, on manifeste, on organise des débats, des conférences… Nous venons en aide aux femmes en difficultés aussi et nous cherchons à travailler avec les politiques pour mettre des mesures en place. C’est riche et varié comme travail et ça permet de se sentir utile au quotidien.
-C’est chouette ! Tu dois t’épanouir dans ton travail, ça te va bien de travailler dans le milieu associatif.
-Oui, c’est super. A aucun moment je regrette de m’être engagée et je n’ai pas le temps de m’ennuyer…

Un nouveau blanc s’installe entre nous. Nous regardons notre assiette sans grande envie et je remarque que Sven ne touche pas à la sienne.
-Tu ne manges pas ? Lui demandé-je intriguée.
-Oh.. Euh… En fait, j’avais pas remarqué qu’il y avait de la viande et …
-Tu es devenu végétarien ? Deviné-je alors.
-Oui… J’ai vu une vidéo sur le traitement des animaux dans les abattoirs et ça m’a dégoûté…
-Oh ça ne fait rien. Ma mère aussi était végétarienne… Lui réponds-je, stressée. Je dois que je dois lui parler de Joy mais je repousse ce moment le plus possible. Et toi, ton boulot ?
-Oh c’est cool. J’ai fait un stage là-bas et ils m’ont pris à l’issu de celui-ci. M’explique-t-il ensuite. Le fait que j’ai fait des échanges à l’étranger a été un plus… J’ai commencé petit mais maintenant, je suis amené à bouger pas mal pour aller à la rencontre d’éditeurs étrangers. Ca me gêne pas, j’aime bien bouger. Je crois que rester en place, c’est pas trop mon truc.
-C’est super… Ca te permet… de voir pas mal de trucs. Soufflé-je ensuite, au comble du malaise. Dois-je vraiment lui parler de notre fille ? Alors qu’il est vraisemblablement en permanence en vadrouille ? Est-ce bien raisonnable ?
J’essaie de rester impassible, mais intérieurement, c’est la panique totale.

-Rosie ? Ca va ? S’inquiète subitement Sven, en me faisant sursauter. Tu n’as pas l’air dans ton assiette.
-Si si ça va, tout va bien, ne t’inquiète pas. Lui dis-je en réponse tout en secouant la tête. Pour me donner une contenance, je me concentre sur mon hamburger. Est-ce que ce cheese pourrait me sortir de cette situation délicate ?
-Tu es sûre ? Je te sens ailleurs depuis tout à l’heure.
-C’est juste que… Que j’ai quelque chose à t’avouer. Me lancé-je alors, penaude, comme une petite fille prise en faute. Si je ne le lui dit pas maintenant, jamais je n’y arriverai.
-Je t’écoute Rosie, qu’est-ce qui se passe ?

Pour toute réponse, et étant incapable de parler, je me contente de sortir une photo de mon portefeuille. Une photo de ma fille, où elle offre un magnifique sourire. Je la pose en direction de Sven, nerveuse, attendant sa réaction.
-Oh elle est mignonne ! S’exclame-t-il spontanément, sans comprendre. Qui est-ce ?
-C’est.. Joy… Ma… fille. Bredouillé-je en réponse, en me mordant la lèvre inférieure, mal à l’aise.
-Oh tu… Je vois.. Je .. Je ne savais pas que tu … Que tu étais en couple.. Me répond-t-il, soudainement gêné. Ou déçu. Je suis beaucoup trop stressée pour déterminer ce qu’il peut bien ressentir.
-Non, Sven… Je n’ai personne dans ma vie… Joy… C’est toi le père de Joy… Joy est ta fille.

Sven se fige lorsque je prononce ces mots. Son regard se pose tour à tour sur moi et sur la photo. Je devine à son regard qu’il est complètement perdu. Il prend la photo dans ses mains comme pour la regarder de plus près.
-C’est … C’est pas possible Rosie… Je ne peux pas être son père… Souffle-t-il en plein déni, choqué par l’information qu’il vient d’apprendre.
-Si Sven… Ca ne peut qu’être toi… Lui assuré-je d’une voix calme, attendant patiemment sa réaction.
Il s’enfonce une nouvelle fois dans son mutisme, comme s’il lui fallait du temps pour digérer l’information. Il se découvre père du jour au lendemain, et je ne peux qu’imaginer à quel point cela doit être un choc pour lui.

-Pour… Pourquoi tu m’as rien dit, Rosie ? Me demande-t-il, complètement sonné, déboussolé.

-Tu étais reparti en Suède, Sven… Lui expliqué-je alors, doucement, en réfléchissant aux mots que je pourrai employer. Et… J’ai fait un déni de grossesse, je ne l’ai découvert que sur le tard.. Et on avait déjà décidé de ne plus garder contact, tous les deux…
-C’est pas une raison, ça, Rosie.. Réplique-t-il en secouant la tête.
-Je sais bien, mais j’étais perdue à l’époque, Sven. J’étais amoureuse, j’étais au fond du trou parce que tu étais parti et du jour au lendemain, j’ai découvert que j’allais devenir mère, à seulement 18 ans… Puis, après je me suis dit … Que ça allait plus te faire souffrir qu’autre chose… Que toi tu vis en Suède et nous ici… Je ne voulais pas que tu sois déchiré parce que tu as une fille mais que je ne peux pas la voir et t’en occuper… Poursuis-je mon explication, le cœur serré, stressée, ne sachant comment vont se passer les choses ensuite.
-Je… Je suis désolé que tu ais eu à affronter ça toute seule. Finit-il par soupirer après un silence. C’était pas évident pour moi non plus mais j’étais loin d’imaginer …
-Je sais… Et je suis désolée de t’avoir caché son existence. Quand je t’ai revu l’autre jour, et que j’ai réalisé que tu pouvais tomber sur elle, un jour, totalement par hasard, j’ai préféré t’en parler.
-Oui… Ca valait mieux en effet.. Me répond-t-il vaguement. Excuse-moi, il me faut un peu de temps pour digérer ça.
-Oui, bien sûr.. Je comprends…

Nous terminons le repas presque en silence. Nos brefs échanges se limitent à quelques banalités. Sven me pose quelques questions sur Joy, pour en apprendre plus sur elle. Petit à petit, il semble se détendre. Sans doute qu’il assimile mieux le fait qu’il ait une fille.
Quant à moi, je ne me sens pas forcément mieux. Quelque part, je me dis que c’est mieux qu’il soit au courant. Au moins, il pourra prendre une décision sur son implication dans la vie de Joy en connaissance de cause. D’un autre côté… Je suis stressée… Je ne sais pas de quoi demain sera fait et cela me perturbe. Ne plus avoir la main sur ma vie, une nouvelle fois, me gêne et me stresse.
Notre repas terminé, nous payons et Sven remet son manteau et son bonnet puis enlève ses lunettes pour éviter d’être gêné par la buée lorsqu’il va rentrer.
-Je ne sais pas comment tu fais pour rester en pull alors qu’il fait un froid de canard.
-Je suis résistante au froid, que veux-tu. Lui dis-je en souriant timidement. Tu sais… C’est bientôt l’anniversaire de Joy… Alors… Si tu veux faire sa connaissance, tu… Tu pourrais venir si tu veux… Enfin, si tu es encore là à ce moment-là, bien sûr. Lui proposé-je ensuite, lui offrant ainsi l’occasion de rencontrer, enfin, sa fille.
-Je vais m’arranger.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 13

Le temps reprend petit à petit son cours, suite à l’enterrement de Maman. Ryan ait même passé à la maison après s’être recueilli ce jour-là, faisant ainsi la connaissance de Joy. Elle se demandait qui était cet homme inconnu mais il a fini par réussir à l’apprivoiser. Je crois qu’un regard a suffi pour le rendre fou de sa nièce.
En même temps, elle est mignonne, ce n’est pas bien compliqué.
Je n’ai pas vu Roxane par contre dans les jours suivants. Ryan m’a dit qu’elle n’a pu passer qu’en coup de vent, le temps d’aller au cimetière dire au revoir à maman. Elle n’a pas été le voir avant de repartir. Elle n’était pas très heureuse de ça d’après Ryan, mais apparemment, elle n’a pas eu le choix. Avec son travail, elle a un planning très serré en ce moment.
Quant à moi, j’ai repris le travail. Mes responsables m’ont proposé de prolonger mon congé mais j’ai refusé. J’ai besoin de travailler. Cela me fait du bien et cela me permet de penser à autre chose. Et puis, Maman n’aurait pas voulu que je continue à me morfondre éternellement. Elle voudrait que je continue à vivre ma vie.

Alors, je profite de mes journées en dehors de la maison, à San Myshuno. Lorsque j’ai terminé mes tâches, je continue de découvrir de nouvelles spécialités culinaires. J’adore ça et ça permet de varier les plaisirs ! Même si je ne suis pas encore très douée avec les baguettes, lorsque je mange des spécialités asiatiques.
Eh beh, c’est pas votre fort les baguettes ! Me taquine un jeune homme, assis en face de moi à table, face au stand de nourriture.
-On fait ce qu’on peut ! Haussé-je simplement les épaules. En même temps, c’est plus facile de manger avec une fourchette !
-Faut pas manger asiatique si vous préférez les fourchettes !

Je lève les yeux au ciel face à sa réponse, mais je suis loin d’être vexée. Je vois bien qu’il plaisante. Nous discutons même un moment à table pendant que nous déjeunons. Même lorsqu’il a fini de manger, il continue de me tenir compagnie.
En toute honnêteté, je crois qu’il a une idée derrière la tête. Son ton, amical dans un premier temps, se fait plus charmeur au fil de notre conversation. Je fais mine de ne pas l’avoir remarqué mais je me prête volontiers au jeu. Cela m’amuse et je dois avouer qu’il est tout à fait charmant. Il n’y a rien de mal à s’amuser !

Je ne vois pas le temps passer, en sa compagnie. Je ris à ses blagues, je l’écoute avec attention et je me laisse charmer petit à petit. Cela me vide l’esprit, de flirter avec lui. J’oublie que je viens de perdre ma mère, et que je suis encore en deuil. Je me sens un peu plus légère, oubliant que la nuit est en train de tomber. J’envoie même un petit SMS à mon père pour lui dire que je vais rentrer tard, pour ne pas qu’il s’inquiète.
Et puis, dans un élan de folie, j’embrasse cet inconnu. Il est surpris, mais ne se plaint pas. Quant à moi, cela me fait plaisir et ça m’amuse.

Il finit par répondre à mon baiser. Et nous continuons à nous embrassons, s’amusant de l’effet que nous faisons à l’autre. Mon esprit est ailleurs et cela fait du bien. Je me fiche que je ne le connaisse pas, le courant passe entre nous et c’est tout ce qui m’intéresse. Je le reverrai probablement jamais et cela me convient parfaitement.
A un moment, il m’avoue qu’il habite dans l’immeuble d’à côté et me propose un dernier verre. Sur un coup de tête, un coup de folie, j’accepte, sachant parfaitement où je mets les pieds. J’en ai envie, alors, à quoi bon se prendre la tête ? Je veux simplement m’amuser et lui aussi. Nous sommes deux adultes consentants, et c’est tout ce qui importe.

Je suis rentrée dans la nuit pour ne pas inquiéter mon père, mais j’ai passé une excellente soirée. Cela m’a fait du bien de passer du temps dehors et de penser à autre chose. Et je n’ai pas envie de me prendre la tête…
Mais le lendemain, je culpabilise un peu. En passant dans le couloir, j’entends que mon père est dans la salle de bain, sans doute en train de prendre son bain. Je l’entends pleurer… Je n’aurais peut-être pas du le laisser seul hier soir… Mon cœur se serre en l’entendant. Il prend sur lui devant Joy et moi, mais je sais que le décès de Maman le bouleverse et le perturbe, plus qu’il ne le veut bien le montrer. Je m’inquiète pour lui et pour sa santé… Rien qu’hier matin, il m’a dit trois fois qu’il allait faire beau, et pas trop froid. J’espère qu’il finira par aller mieux et que ces petites pertes de mémoire ne sont pas irréversibles…

Après le travail, Manon m’appelle pour me proposer de passer chez elle. N’étant pas pressée, Papa étant parti à Brindleton Bay avec Joy pour garder les triplés de Ryan, j’accepte sans hésiter. Dès que je débauche, je me rends directement au Quartier de la Mode pour aller à l’appartement de ma meilleure amie et sa petite amie.
Oui, parce que Caroline et Manon forment un couple et ont décidé de s’installer ensemble. Le propriétaire de l’ancien appartement de Manon vendait et elles ont saisi l’occasion. D’autant plus que Caroline était plus que ravie d’avoir de la compagnie chez elle après le décès de son père.
-Salut salut ! Tu vas bien ? Salué-je mon amie en entrant dans l’appartement, tandis que Manon est devant la télévision.
-Nickel et toi ? J’allais mettre un film sur Simflix, ça te tente ? Me répond-t-elle joyeusement.
-Ca va aussi et ma foi pourquoi pas ! Elle n’est pas là, Caro ?
-Non, elle est passée voir sa mère. Pas sûre que tu la vois aujourd’hui !

-Elle s’en sort d’ailleurs, maintenant qu’elle est toute seule ? Lui demandé-je alors, en faisant référence à la mère de Caroline.
-Oh oui, je crois qu’elle est plutôt soulagée de ne plus avoir son mari dans les pattes ! Me répond avec franchise Manon. D’après Caro, l’ambiance est meilleure depuis qu’il n’est plus là. Et puis, elle n’est pas vraiment toute seule, puisque Pierre vit toujours là-bas.
-Sérieux ? Il n’a toujours pas quitter le nid depuis le temps ? Ca me fait penser que ça fait un baille que je ne l’ai pas vu cet andouille !
-Il a trop peur que tu lui parles de couches et de biberons toute la journée ! En plaisante aussitôt Manon. Et oui, il est bien parti pour être un Tanguy car il n’a aucun envie de partir de chez sa mère.
-Et il espère trouver une copine comme ça ?
-Je crois que ça l’arrange, au contraire ! C’est le seul des trois qui n’est pas fichu de se caser !

Je passe un bon moment avec Manon, devant un film d’action qu’elle a choisi sur Simflix. Ce n’est pas tellement ma tasse de thé mais je fais rarement ma difficile sur le programme télé. L’important est de passer un bon moment entre amies, et nous sommes tellement occupées à nous moquer gentiment de Pierre le Tanguy que je ne prête pas grande attention au film.
Cela me fait penser que je devrais le revoir un jour. Autant j’ai pu croiser Paul rapidement lorsqu’il est rentré pour l’enterrement de son père, Pierre était au abandonné absent. D’après Caroline, il avait soit disant mieux à faire. A mon avis, il est parti oublier dans un bar ou dans les bras d’une jolie fille. Fidèle à lui-même quoi.

C’est le cœur léger que je finis par quitter l’appartement. Manon a reçu un appel de Caroline, lui proposant de la rejoindre chez sa mère à Oasis Springs. Je pars avant elle afin de la laisser tranquillement se préparer à partir.
Cela me fait plaisir de l’avoir vu, même si j’aurais aimé voir Caroline aussi. Elles forment toutes les deux un joli couple et cela m’a fait plaisir d’apprendre qu’elles sont ensembles. Elles méritent toutes les deux d’être heureuse et cela a l’air d’être visiblement le cas. En tant cas, je n’ai jamais vu Caroline aussi épanouie.

Il fait encore jour lorsque je sors de l’immeuble. Je dois avouer que je suis assez embêtée car je ne sais absolument pas quoi faire de ma journée. Je pourrai rejoindre Papa à Brindleton Bay, mais il sera probablement sur le départ le temps que j’arrive là-bas. Et je n’ai pas spécialement de me retrouver toute seule à la maison.
Alors, je fais un tour dans le quartier de la mode. Je visite un peu, regarde les devantures de magasin. Tout est hors de prix ici mais il n’y a rien de mal de rêver un peu.
Il m’arrive aussi de croiser des gens qui me reconnaissent, de par les actions que je mène dans l’association. Cela me fait plaisir de les voir, ou revoir, et de discuter un peu avec eux. Si je peux parler des prochaines actions de sensibilisation aux droits des femmes, je ne vais pas me gêner !

Puis, je me pose sur un banc. J’observe le décor urbain autour de moi. J’aimerai beaucoup vivre ici. Un jour peut-être, mais pas toute suite. Je ne me sens pas encore de vivre toute seule avec Joy… Mais j’ai surtout peur pour mon père. Il fait des efforts mais je sais qu’il ne s’est pas encore remis de la mort de Maman et sa mémoire se fait défaillante. Je n’ai pas envie de partir pour ensuite apprendre qu’il est mort dans un incendie parce qu’il aura oublié un truc sur le feu…

Je laisse mes pensées divaguer, essayant de penser à autre chose. La santé de mon père a tendance à me préoccuper et je ne veux pas me laisser submerger par mes inquiétudes. Malgré ses étourderies, il est encore parfaitement autonome et il n’a pas lieu de s’inquiéter pour le moment. C’est juste le temps qu’il se fasse à l’absence de Maman…
-Rosie ? M’interpelle soudainement une voix masculine, en sortant brusquement de mes pensées.
Aussitôt, je sursaute. Je ne m’attendais pas à ce qu’on vienne me parler. Surtout par mon surnom, et non mon prénom. Curieuse, je lève alors la tête vers …
Je me fige, n’en croyant pas mes yeux. Mais comment est-ce possible ? Ce n’est pas possible ! Ca ne peut pas être lui ! Il ne peut pas être ici ! C’est impossible !
Et pourtant…

-Sven ?!

… Il est bel et bien devant moi.

-Bonsoir, Rosie…. Me salue-t-il, sur un ton embarrassé.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 12

Les jours ont passé depuis le décès de Maman. Son absence règne en maître dans la maison et j’ai encore du mal à accepter l’idée qu’elle ne soit plus là. Comment peut-on être ici, plein de vie et en bonne santé et l’instant d’après, n’être plus qu’un corps sans vie ? Cela me parait tellement insensé, alors que cela fait seulement partie de la vie.
Je fonctionne au ralenti depuis ce jour. J’ai appelé mon travail, mes responsables m’ont accordé quelques jours de congés exceptionnels. Une collègue est passée un soir à la maison avec un énorme bouquet de fleurs, de la part de toute l’association. Ils sont vraiment adorables et je reçois sans cesse des massages de soutien de leur part. Cela ne remplace pas l’absence de ma mère, mais cela me réchauffe un peu le cœur.

Aujourd’hui, c’est le jour de l’enterrement de Maman. La Faucheuse nous a laissé son urne mais ils nous a fallu quelques jours avec Papa pour organiser une petite cérémonie, pour pouvoir lui dire au revoir une dernière fois.
Papa… Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Il fait des efforts pour paraître fort devant Joy et moi, mais je ne suis plus une enfant. Je vois bien qu’il est perturbé. Je remarque bien qu’il s’embrouille dans ses paroles et il commence à radoter. Cela me serre davantage le cœur de le voir ainsi. Je ne m’étais pas préparée à ça. De voir ma mère partir, d’aider mon père du mieux que je pouvais…
Et de gérer Joy …

J’étais désemparée par la mort de Maman. Après le départ de la Faucheuse, il est resté assis sur le lit, enfermé dans son mutisme. Nous étions là, tous les deux, à observer l’urne qui contient les restes de Maman. Et puis, le visage de ma fille s’est imposée dans mon esprit. Je n’arrivais pas à la gérer au quotidien, comment pourrai-je lui annoncer une nouvelle pareille ?
Mais je n’ai pas eu le choix. Je suis sa mère, c’est mon rôle de prendre sur moi et de lui expliquer ce genre de chose. Et mon père n’était pas en état….
Alors, je suis allée dans la chambre de ma fille. Sans surprise, sans doute réveillée par nos cris, Joy était déjà réveillée. Elle m’observait avec ses grands yeux bleus et une moue inquiète. Elle devait sentir que quelque chose d’anormal était en train de se passer.
-Joy… ma puce… Lui ai-je soufflé d’une voix douce, en m’agenouillant devant elle pour me mettre à sa hauteur.
-Mamie ! Je veux Mamie ! S’exclamait-t-elle aussitôt en secouant la tête de droite à gauche. Mon cœur s’est serrée, repensant au drame qui venait de se passer. Comment pouvais-je expliquer ça à une enfant aussi jeune ?
-Joy… Mamie n’est plus là. Elle… Elle est partie au ciel.
-Elle revient quand Mamie ? Pourquoi Mamie Partie ?
-Elle ne reviendra pas ma puce. Quand on part au ciel… On.. On ne peut pas revenir. Un jour, on finit tous par partir là-haut… Ai-je tenté de lui expliquer, maladroitement.

-Non ! Pas d’accord ! Je veux Mamie ! A-t-elle commencé à pleurer. Elle a tapé du pied et elle criait plus fort. Comme un caprice dont elle n’obtiendra jamais satisfaction.
-Cela fait partie de la vie ma puce… Mais, même si elle n’est plus parmi nous, Mamie sera toujours dans ton cœur, là. Essayais-je de la consoler, tout en posant doucement un doigt sur sa poitrine. Et au ciel, elle veillera toujours sur toi. Elle t’aimait beaucoup, tu sais.
-Je veux Mamie ! Je veux ma Mamie ! Continuait-elle à persister, s’en-tétant à demander sa grand-mère. J’étais complètement perdue, dépassée. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Elle est trop jeune pour comprendre…

Alors, je l’ai prise dans mes bras. J’ai serré son tout petit corps contre le mien, espérant sincèrement pouvoir consoler son chagrin. Je ne suis pas la meilleure mère du monde, mais je n’aime pas la voir aussi triste. J’ai donc essayé du mieux que j’ai pu d’apaiser sa tristesse.
Elle s’est laissée faire, mais elle continuait de pleurer. Je l’ai gardé contre moi, me sentant étrangement mieux, moi aussi. Comme si prendre ma fille dans mes bras me rappelait que je ne suis pas toute seule dans cette épreuve. Ma mère est partie, mais j’ai toujours ma fille, qui compte sur moi pour continuer à veiller sur elle.
-Maman est là ma puce, Maman est là…

En repensant à ces derniers jours, je ne peux m’empêcher de pleurer. Je suis dans le caveau avec mon père. Nous nous recueillons devant l’urne de Maman, sans oser partir d’ici. Partir serait lui dire adieu. Et c’est beaucoup trop dur. J’aimerai être forte pour soutenir Papa, mais je n’y arrive pas. D’autant plus que je suis toute seule.
Ryan a pourtant dit qu’il viendrait, mais je crois qu’il a eu des problèmes avec ses triplés à gérer. Papa m’a dit qu’il aurait un peu de retard et qu’il viendrait se recueillir dès qu’il pourrait. Personnellement, je pense plutôt qu’il veut être sûr de ne pas me croiser…
Quant à Roxane, Papa m’a dit qu’elle était dévastée, au téléphone. D’autant plus qu’elle était en tournée à l’autre bout du monde. Organiser son départ précipitée a été compliqué et à cela s’ajoute des grèves à l’aéroport et le temps de trajet… Du coup, elle n’est pas là aujourd’hui. Elle sera dans deux jours pour venir dire au revoir à Maman.

-Ma chérie, calme-toi… Ta mère ne voudrait pas que tu sois si triste. Me sort soudainement de mes pensées mon père. Je n’ai pas remarqué qu’il s’est tourné vers moi. Il me prend par les épaules, prenant sur lui pour me consoler.
-Je sais… Mais c’est tellement dur… Lui réponds-je dans un souffle.
-J’en ai conscience ma chérie, mais tu es forte. Tu surmonteras cette épreuve et ta mère voudrait que tu continues à vivre ta vie. Ce serait le plus bel hommage que tu pourrais lui faire.
-Je me sens minable Papa… Lui avoué-je d’une petite voix. J’aimerai être plus forte pour pouvoir t’aider …
-Oh ma puce, pense un peu à toi avant de penser à ton vieux père. Tente-t-il de me rassurer. Avec ta mère, nous nous sommes préparés à ça, nous savions que cela allait arriver un jour. C’est dur pour moi de la laisser partir, mais je m’y suis préparé. Je reste ton père, c’est à moi de sécher tes larmes, pas l’inverse.

Suite à ses mots, il me prend dans ses bras. Je m’y sens si bien. Cela me rappelle des souvenirs, quand il essayait de me rassurer après que j’ai fait un cauchemar. J’ai l’impression que plus rien ne peut m’arriver tant qu’il est là, toujours prêt à veiller sur sa fille.
Et cela me rappelle que même si ma mère n’est plus là, j’ai toujours mon père. Et que je dois profiter de chaque instant, tant qu’il est toujours là.
-Aller, rentrons. Finit-il par me dire. Il faut libérer ton amie, euh…
-Caroline. Lui rappelé-je doucement. En effet, Caroline s’est gentiment proposée de garder Joy, le temps qu’il fallait pour la cérémonie. Je lui en suis infiniment reconnaissance pour sa proposition, alors qu’elle aussi, vit un moment difficile…

Nous sortons donc du caveau avec Papa. Aujourd’hui est une belle journée d’automne. Le cimetière est calme et presque chaleureux avec les feuilles orangées qui jonchent le sol. Ma mère ne pouvait espérer de plus bel endroit pour reposer pour l’éternité.
Nous nous avançons tranquillement dans les allées et au moment de passer la grille, je remarque la présence de mon frère à l’entrée du cimetière. Il est là, devant, sans bouger, comme s’il n’osait pas bouger… A moins qu’il nous attendait.

-Bonjour mon grand. Va aussitôt à sa rencontre mon père. Il s’approche de Ryan et le serre dans ses bras. Comment tu te sens ?
-Je fais aller… Soupire-t-il en réponse. Au son de sa voix, je devine qu’il cherche lui aussi à faire des efforts pour ne rien laisser paraître.
-Et tes enfants ?
-Ils… Ils sont tristes d’avoir perdu leur grand-mère. Et je crois qu’ils comprennent pas trop non plus. C’est la première fois qu’ils sont confrontés à la mort.
-Les enfants sont plein de ressources tu sais, ils finiront par aller mieux avec le temps…

Je n’interviens pas dans leurs échanges. Je reste en retrait, attendant patiemment le moment de rentrer à la maison. Ryan se libère de l’étreinte de Papa et je vois son regard se poser sur moi. Son visage témoigne de la tristesse qu’il doit ressentir. D’autant plus que lui aussi, a du apprendre le décès de son géniteur, Don Lothario…
Quand j’ai appelé Caroline pour lui annoncer le décès de ma mère et chercher un peu de soutien de ma meilleure amie, elle était chez ses parents. Je l’ai entendu parler avec eux, et leur expliquer la situation avant de partir de chez eux pour venir me voir en vitesse. Le lendemain, c’est elle qui m’a appelé, pour m’annoncer le décès de son père.
Est-ce une coïncidence ou n’a-t-il pas supporté d’apprendre le décès de ma mère, avec qui il a eu une histoire ? Personne ne pourra jamais le dire à présent… En tout cas, je sais que j’en ai parlé à mon père, et il a certainement du avertir les jumeaux… Je n’ose pas imaginer ce que ça doit être, d’apprendre que son géniteur est décédé, bien qu’il n’ait jamais cherché à connaitre ses enfants de l’ombre.
-Bonjour, Rosie. Me salut subitement Ryan, me faisant sursauter. S’adresse-t-il vraiment à moi ? En m’appelant « Rosie », chose qu’il ne fait plus depuis des années ? Tu as une minute ? J’aimerai te parler…
-Je vous laisse. Intervient alors mon père, pour nous laisser tous les deux. Je vais aller m’occuper de Joy. Ryan, si tu veux passer, la porte est ouverte….

-Qu’est-ce que tu veux ? Lui demandé-je alors après que mon père soit parti. Je demande cela sans aucune animosité. Je suis trop triste pour avoir la force d’attaquer sans chercher à comprendre. Je n’en ai pas la force… Même si je suis lasse de l’entendre se justifier de ses agissements, je n’ai pas le courage de l’envoyer sur les roses.
-Je voudrai m’excuser. M’avoue-t-il sans aucune hésitation.
-T’excuser ? M’étonné-je alors, vraiment surprise.

-Oui, m’excuser de mon comportement envers toi. Confirme-t-il alors qu’il me semble si fatigué et dépité tout d’un coup. J’ai beaucoup réfléchi, depuis la mort de maman… Non, en vérité, ça fait un moment que j’y réfléchis. Rectifie-t-il après une minute de réflexion. Depuis que mes enfants ont grandi en fait… Je me suis rendu compte que j’ai été injuste avec toi.
-Comment ça ? Ne compris-je pas, un peu perdue par ses propos décousus. Que viennent faire ses enfants dans cette histoire ?
-Quand je vois mes enfants aussi proches les uns des autres, m’explique-t-il, ça me rappelle nous, quand nous étions enfants. Et ça me montre la relation que nous aurions pu avoir, si nous n’avions pas laissé la jalousie de Roxane contrôler nos vies… Enfin, je n’avais pas laissé sa jalousie me contrôler. Je me rends compte que j’ai été stupide et que te laisser de côté pour préserver Roxane, c’était du n’importe quoi. Et avec la mort de Maman, je me rends encore plus compte que c’était n’importe quoi. A cause de ma bêtise, je t’ai laissé toute seule durant tout ce temps… Alors que tu avais besoin d’aide… Et je le regrette profondément. Finit-il par me dire, sa voix se brisant sur la fin de sa tirade.

J’ai du mal à en croire mes oreilles. Mon frère revient vers moi après toutes ces années, exprimant des remords ? J’en ai tellement rêvé, il fut un temps. Mais aujourd’hui, je n’espérais même plus d’excuses. J’ai appris à vivre sans lui, sans mon frère. J’ai appris à vivre avec ma rancœur.
-Ryan, est-ce qu’au moins tu as conscience du mal que tu m’as fait, quand tu m’as laissé tomber ? Moi ? Ta sœur ? Alors que je n’ai jamais rien fait pour mériter ça …
-J’en ai conscience Rosie, et crois-moi, je le regrette. Soupire-t-il. Si je pouvais revenir en arrière et corriger mes erreurs, je le ferai sans hésiter. Je suis tellement désolé, Rosie… J’ai été bête, et je me sens d’autant plus con de ne pas avoir réagi plus tôt, quant tu allais mal après le départ de ton petit-ami et la naissance de ta fille… Ajoute-t-il, me faisant comprendre qu’il est au courant de toute ma vie. Sans surprise, les parents lui ont sans doute donné de mes nouvelles alors que je refusais de lui parler. J’aurais du être là, pour toi… J’ai parfaitement conscience de ce que je pourrai dire ou faire ne pourra changer ça…. Mais j’aimerai faire partie de ta vie. J’aimerai pouvoir connaître ma nièce, et qu’elle puisse connaître ses cousins. Et que toi aussi, tu puisses être vraiment une tante pour tes neveux et nièce.
-Ils… Ils ont du bien grandir, depuis le temps. Me contenté-je de lui dire, après un silence. Je lui fais un timide sourire, incapable de dire autre chose. Au final, je me rends compte que tout ce que j’ai attendu de lui depuis tout ce temps, ce sont des excuses. Même s’il va me falloir un peu de temps pour lui pardonner complètement, je n’ai pas envie de le tenir à l’écart de ma vie éternellement.
-Oh oui. Ce sont des vrais terreurs, à l’école. J’ai plein de photos d’eux, sur mon téléphone, si tu veux les voir…

Je lui souris, en hochant la tête. Il sort son téléphone de son manteau et me montre des photos de ses enfants. Ils sont vraiment adorables, tous les trois. Les garçons ressemblent à leur mère, alors que Sarah est vraiment une Opaline, à ne pas en douter. La tension semble retomber, et je dois avouer que cela me fait du bien. J’ai perdu ma mère mais aujourd’hui, j’ai retrouvé mon frère. De là où elle est, je suis certaine que Maman doit être la plus heureuse des mères de nous avoir ainsi.
-Cela m’a fait plaisir de te voir, Rosie. M’avoue Ryan tout en me prenant dans ses bras. Je suis un peu mal à l’aise face à ce geste auquel je ne m’attendais pas, mais je me détends en quelques secondes. Cela me fait du bien, d’être à nouveau proche de mon grand-frère.
-A moi aussi. Il faudra que tu passes à la maison, pour voir Joy. Tu verras, elle est adorable.
-Je n’en doute pas et ça sera avec plaisir.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 11

Aujourd’hui, c’est la Fête des Récoltes. Nous avons fait ça en toute simplicité, tous ensemble… Ou presque. Les jumeaux sont absents. Ryan célèbre cette fête dans la famille de Juliette et Roxane est en tournée avec son orchestre à l’autre bout du monde. Personnellement, cela ne me fait pas grand chose mais je vois bien que c’est plus compliqué pour mes parents. Ils font bonne figure, mais je vois dans leur regard que cela les attriste.
Je réalise que cela fait un moment que je ne les ai pas vu. Ils me manquent, un peu, mais j’ai appris à vivre sans eux. Ils restent dans leur coin, font leur petite vie et vu leur attitude à mon égard, c’est peut-être mieux comme ça. Même si, au fond, j’aurais préféré que notre relation soit toute autre et qu’on puisse être tous ensemble pendant les fêtes.
Mais je ne me laisse pas miner le moral et je profite de cette journée avec mes parents et ma fille.

Cette année, Papa a préparé une dinde végétarienne merveilleuse. Et, pour sa première Fête des Récoltes, Joy profite également de la nourriture végétarienne…. Mais pas forcément de la manière que l’on imagine.
En effet, elle passe plus de temps à jouer avec sa nourriture qu’à la manger. Je soupire en la voyant faire car elle en met partout. Mais je ne sais pas trop comment réagir vis-à-vis d’elle… Je m’occupe tellement peu d’elle que j’ai peur de lui demander d’arrêter… Je n’ai pas envie qu’elle se mette à penser que je m’intéresse à elle seulement lorsqu’elle fait des bêtises…
-Joy, mange proprement s’il te plait. Finit par intervenir mon père, alors que ma fille lui offre son plus sourire innocent.
Comme si elle est un ange, ne faisant jamais de bêtise. Comme si on pouvait y croire !

Après le repas, mon père s’empresse d’aller libérer Joy de sa chaise haute. Alors qu’elle pense sans doute pouvoir vadrouiller à sa guise, mon père la récupère aussitôt sur son dos pour commencer à jouer avec elle. Les voilà qu’ils font l’avion !
-Hey Miss Joy ! Bienvenue sur la compagnie Opaline Air Lines et c’est partie vers votre voyage au pays des jeux ! Wrrrrrroooooooummmm !!!! Commence-t-il à s’exclamer, faisant rire aux éclats ma fille qui tend elle-aussi les bras, prête à s’envoler.
Je vois ma mère leur lancer un regard amusé et attendri. Je ne peux qu’avouer que les voir ainsi, aussi proche, me touche également. Leur relation est tellement belle et Joy a de la chance d’avoir ses grands-parents, et qu’ils soient aussi merveilleux. Je suis presque sûre qu’elle ne serait pas aussi souriante si elle m’avait juste eu moi….
Je secoue la tête, chassant mes pensées négatives habituelles. Je dois arrêter de me prendre la tête et profiter de l’instant présent si je veux pouvoir avancer. Ressasser sans cesse la même chose n’est bon ni pour moi, ni pour elle.

Après avoir fait un tour de la table avec Joy sur son dos à faire l’avion, mon père s’empresse de la reprendre dans ses bras pour être certain qu’elle ne tombe pas. Il faut dire qu’elle commençait à glisser et que mon père n’est plus tout jeune … Supporter une petite fille sur son dos ne doit pas être évident.
Mais cela ne veut pas dire qu’il a fini de jouer avec elle. Bien au contraire ! Il s’amuse à la faire tourner dans les sens, si bien qu’elle finit même par avoir la tête à l’envers.
-Wrrrouuuummmm ! Attention turbulences ! Accrochez vos ceintures ! Nous allons faire des loopings !! Continue-t-il sur la même lancée. Loin d’être effrayée, Joy continue de rire sans s’arrêter. Elle se prête au jeu sans le moindre problème et j’avoue que son rire sonne comme une douce mélodie dans mes oreilles.
Même si je ne le montre pas forcément, je suis ravie de voir ma fille heureuse. J’espère qu’un jour, je serai capable de la faire rire autant que mon père.

Après ce moment jeu entre Papy et petite-fille, c’est l’heure de la sieste. Cette fois-ci, c’est ma mère qui se charge d’emmener Joy dans sa chambre pour lui lire un histoire. Elle râle aussitôt quand ma mère lui annonce qu’il est temps pour elle d’aller dormir un peu…

Mais elle se calme rapidement quand ma mère lui promet de lui lire son histoire préférée : « Wouf va dans l’espace » ! Je crois que ma mère lui a un peu trop monté la tête avec ses histoires d’extraterrestre… Mais cela fait plaisir à Joy d’écouter ses histoires alors, pourquoi pas après tout… Tant qu’elle ne finit pas traumatisée.

Décidant de profiter du calme de la maison, je vais dans ma chambre pour me changer. Je veux entretenir ma ligne et pour cela, je n’ai pas d’autres choix que de faire du sport. Il fait encore relativement bon pour la saison, alors je vais profiter de l’extérieur et des couleurs automnales en allant faire un footing. Lorsque j’ai mis le nez dehors, j’ai vu que mon père est en train de ratisser les feuilles mortes. Maniaque comme il est, il ne doit pas supporter que le jardin soit en désordre.
-Tu n’as pas froid comme ça ? S’étonne-t-il en me voyant passer devant lui, vêtue d’un short, d’une brassière et d’un gilet sans manche.
-Du tout ! Et je vais me réchauffer en courant ! Bon courage avec tes feuilles !

Mais cette nuit, il se passe quelque chose d’étrange. Il fait nuit noir dehors, tout le monde dort. Mais soudain, je suis réveillée par une forte lumière blanche, provenant de l’extérieur. Je me frotte les yeux, aveuglée par cette lumière indésirable. Puis, je me mets à genoux sur mon lit pour regarder ce qu’il se passe par la fenêtre. Et là, je suis surprise de constater que ma mère est dehors ! Mais que fait-elle là ?

Mon cœur bat à une vitesse folle, stressée de savoir ma mère dehors avec cette lumière étrange et inconnue… Et je manque d’hurler lorsque je constate que ma mère est comme aspirée par cette lumière ! Je la vois s’envoler dans les airs … pour… disparaître … dans… une soucoupe volante ! Je n’y crois pas mes yeux ! Je me pince le bras pour être sûre de ne pas rêver avant de foncer voir mon père dans sa chambre.
-Oh c’est rien ! Les aliens sont juste venus la chercher pour lui parler. Ca arrive de temps en temps. Ils m’ont même enlevé une fois. Mais t’inquiète pas, elle va revenir dans deux ou trois heures. Retourne dormir. M’assure mon père en bâillant lorsque je l’ai réveillé pour l’avertir de ce que je viens de voir.
Je suis éberluée par ce qu’il me dit, avec une telle désinvolture. Visiblement, il a l’habitude de voir ma mère disparaître au beau milieu de la nuit et ne semble pas être plus inquiet que ça.
Personnellement, je ne suis rassurée et je n’arrive pas à me rendormir… Jusqu’à ce que j’aperçoive à nouveau la même lumière, et que je vois ma mère rentrer tranquillement à la maison, comme si de rien n’était.
Bon, visiblement, il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

Le lendemain matin, je ne suis pas très réveillée. Je maudis ma mauvaise nuit ! Mes yeux ne sont pas en face des trous qu’au lieu de prendre un reste de toasts avec des œufs, j’ai pris les restes de dinde de la veille…
Maudits soient les aliens !

-Alors, tu t’es remise de tes émotions ? Me taquine mon père en venant me rejoindre. Lui, contrairement à moi, est en pleine forme. Je l’envie tellement !
-Ouais… Mais je suis crevée… Soupiré-je en réponse avant de regarder bizarrement le contenu de mon assiette. La dinde au tofu au petit déjeuner, ce n’est pas terrible. Testée et non approuvée. Ca te fait rien que Maman se fasse enlever par les aliens comme ça ?
-La première fois, cela m’a fait bizarre, comme toi cette nuit. M’avoue-t-il avec honnêteté. Mais ta mère m’a expliqué la situation, et à force, j’ai fini par m’y habituer. Le plus dur a été quand j’ai été enlevé à mon tour ! Là, pour le coup, je m’y attendais pas !
-Brrr ! J’espère qu’ils vont nous laisser tranquille avec Joy ! J’ai pas envie d’être la cible de…

*BOUM*

-Papa ? C’était quoi ce bruit ? M’inquiété-je subitement, alors que mon père scrute le baby phone.
-Ca ne vient pas de la chambre de ta fille en tout cas… Souffle-t-il, alors qu’un mauvais pressentiment m’assaille subitement. Je ne le sens pas du tout, ce coup-là.
-Je… Je vais aller voir… Lui signalé-je, sans savoir ce qui m’attendait au même moment, à l’étage…

Je monte les escaliers d’un pas lent. J’ai peur de découvrir ce qui se passe. Mon cœur se serre au fur et à mesure que j’avance. Pour me rassurer, je vais dans la chambre de Joy dans un premier temps. Elle dort calmement dans son lit, loin de se préoccuper de ce qui se passe. Je vais dans la salle de bain, personne. J’ai du mal à respirer. Terrifiée, je m’avance vers la chambre de mes parents. Ma main tremble lorsqu’elle s’approche de la poignée, et la porte semble peser une tonne au moment où je l’ouvre.
-MAMAN ! Ne puis-je m’empêcher d’hurler.

Je n’arrive pas à y croire. Je ne veux pas voir ça. Mais je suis pétrifiée, et incapable de bouger.
Devant moi, je découvre le corps sans vie de ma mère étendue sur le sol. Je le devine aisément, je ne la vois pas respirer.
Non… Non ce n’est pas possible … Pas maintenant. Je ne suis pas prête… J’ai encore besoin d’elle… Elle ne peut pas partir maintenant …..
Maman, reste avec moi… J’ai besoin de toi…

-Rosie ? Qu’est-ce qui … Commence mon père, essoufflé, avant de stopper de lui-même sa phrase.
En m’entendant hurler, il a du courir les escaliers pour me rejoindre. Mais comme moi, en entrant dans la chambre, il se fige. Je devine qu’il est aussi choqué que moi par la scène qui s’offre à nous.
-Papa… C’est pas possible … Maman ne peut pas… Soufflé-je, ne voulant pas y croire. Je ne peux pas perdre ma maman… Pas maintenant…
-Je.. Je suis désolé ma puce… Bredouille-t-il simplement, comme s’il était dans un état second.

Mon père reste ainsi pendant un temps, les yeux rivés sur ma mère. Et soudain, il explose. Il pleure, réalise qu’il est en train de perdre sa femme et que nous ne pouvons rien y faire.
Je crois que c’est la première fois que je vois mon père pleurer… Mon cœur se serre, tandis que je suis incapable de manifester aucune émotion. Je ne réalise pas. Je ne veux pas y croire. Peut-être que si je refuse l’idée suffisamment fort, ma mère restera parmi nous ?
Comme pour anéantir mes espoirs, un froid glacial entre dans la pièce. Une forme sombre et terrifiante se manifeste justement devant nous. Je sors brusquement de ma léthargie en la voyant. Je sursaute de frayeur. Qu’est-ce que c’est que ce truc ?

Puis, je réalise. J’ai déjà vu cette créature, une fois. C’était au mariage de mes parents. Elle était venue emporter Charlotte.
Je me fige une nouvelle fois, réalisant ce que ça signifie. Elle vient chercher ma mère.
Ma mère…
Maman…
Non … Non … Non non non non !
Aussitôt, je fonds en larmes, alors que la Faucheuse s’empare de l’esprit de ma mère…

… Il ne reste plus de son passage qu’une urne dorée, enfermant les restes de ma mère.
Je tombe à genoux sur le sol à l’instant où la Faucheuse disparaît, après qu’elle ait jeté un regard sur mon père. Comme si elle lui disait qu’elle allait bientôt revenir.
Je pleure, et je tente de me consoler en me disant que ma fille n’a pas assisté à ce terrible spectacle, protégée par les bras de Morphée….

….

Oh non Joy… Comment vais-je pouvoir lui annoncer ça ?

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 10

Après ma réunion à l’association, j’ai décidé d’aller me détendre dans un bar. Ce n’est pas forcément une sage décision mais je n’ai aucune envie de rentrer à la maison. Qui sait ce que ma mère a bien pu trouver comme idée pour tenter de me rapprocher de ma fille…
Je soupire en attendant mon verre. Je sais qu’elle veut bien faire. Elle ne veut que mon bonheur et que j’aille de l’avant… Et que je surmonte mon blocage vis-à-vis de ma fille.
Mais pour le moment, je n’y arrive pas. C’est plus fort que moi.
Alors, je fuis.

Je soupire une nouvelle fois en récupérant mon verre. Je me donnerais des baffes parfois. Non, même tout le temps. Je ne suis pas possible d’agir et de réagir ainsi. Je devrais grandir un peu et assumer mes responsabilités. Mes parents ne m’ont pas élevée ainsi, j’en ai bien conscience. Et j’ai une chance inestimables de les avoir à mes côtés pour m’aider.
Mais lorsque je suis devant Joy, toutes mes bonnes résolutions s’envolent et je me retrouve paralysée devant elle. J’ignore pourquoi je réagis ainsi, d’où peut venir ce blocage. Si seulement je pouvais trouver la solution…
Soudain, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. Je m’empresse de le prendre pour regarder mon message.
Un SMS de Caroline, qui me propose de venir la rejoindre chez elle… A San Myshuno. Je souris et j’accepte aussitôt.

Il me faut un peu de temps pour arriver là-bas par les transports en commun, et j’en profite pour prévenir ma mère que je rentrerai plus tard que prévu. Elle ne trouve pas d’objection à me dire. Après tout, Caroline est toute fière de son premier appartement et c’est normal qu’elle m’invite chez elle pour me le montrer.
En arrivant dans le quartier de la mode, je suis saisis par les différences avec le quartier des Épices, dans lequel je passe le plus clair de mon temps. C’est un charme différent.
Je ne tarde pas à sonner à l’interphone et j’entre dans l’immeuble. Arrivée au bon étage, je découvre que Caroline m’attend dans le couloir lorsque je sors de l’ascenseur.
-Hey ! Je suis contente que tu ais pu venir ! S’exclame-t-elle joyeusement, affichant un grand sourire radieux.
-Je n’aurais refusé l’invitation pour rien au monde ! Depuis le temps que tu voulais déménager !
-C’est clair ! Bon, tu verras, ce n’est pas gigantesque mais cela suffit amplement ! M’annonce-t-elle avant de me conduire jusqu’à son appartement.

L’appartement n’est, en effet, pas immense et cela doit lui changer de sa villa à Oasis Springs. Mais il y a largement ce qu’il faut pour y vivre correctement. Un salon avec une cuisine ouverte, une petite salle de bain, une chambre et un bureau. La décoration est plutôt moderne et on voit qu’elle a mis du soin dans l’ameublement.
Caroline rayonne. Je ne l’ai jamais vu comme ça je crois. Depuis qu’elle a intégré l’association, je l’ai vu changer du tout au tout, comme si elle s’est révélée à elle-même. Elle a gagné en assurance et en confiance en elle. Elle a même opté pour un changement de look, plus adulte, et je dois avouer que cela lui va bien.
Après avoir fait le tour de son appartement, nous nous sommes installées sur le canapé pour papoter et jouer aux jeux vidéos. Je ne suis pas une experte mais c’est toujours un plaisir de passer du temps avec ma meilleure amie.

-Je t’ai battu ! Se vante-t-elle d’ailleurs, un peu plus tard.
-En même temps, ce n’est pas bien compliqué ! Ne puis-je m’empêcher de rire à mon tour.
-Tu veux rester dîner ? J’ai de quoi faire dans le frigo ! Et… Y’a Manon qui doit passer ce soir aussi. Ah et il faut que je te montre les photos que m’a envoyé Paul ! Qu’est-ce que c’est beau Selvadorada ! Et sa copine ! Elle est adorable ! J’ai parlé avec elle sur Skype ! Enfin j’ai essayé car mon espagnol est un peu rouillé ! S’exclame Caroline à vive allure, si bien que j’ai du mal à suivre.
-Désolée, je ne peux pas, il va falloir que je rentre, mais c’est gentil. Vous vous entendez bien avec Manon dis donc. J’ai l’impression que vous passez pas mal de temps ensemble. Relevé-je, intriguée, passant le fait que Paul donne régulièrement des nouvelles à sa sœur. C’est une chose normale mais je suis un peu déçue. Il faut dire qu’il n’est pas très loquace avec moi, lorsqu’il me donne de ses nouvelles. Il m’a brièvement dit qu’il a une copine, en effet, mais il ne m’en a pas dit plus.

-Eh bien, elle est gentille, c’est tout ! Et puis, on se connait depuis le lycée, donc c’est facile de bien s’entendre ! Se contente-t-elle de me répondre, bien que je perçois un léger rougissement sur ses joues.
-Ho ho ! Y’a anguille sous roche dis moi !! M’empressé-je de la taquiner, mais ravie pour elle. Surtout si leur relation s’est concrétisée.
-Il y a rien sous roche, tu racontes n’importe quoi ! On est juste amie ! Se défend-t-elle aussitôt.
-Alors pourquoi tu rougis ? Relevé-je avec un sourire taquin, alors qu’elle me balance un coussin en plein visage.
-Comment va ta fille au fait ? Elle a du bien grandir ! Je suis sûre qu’elle est craquante !
-Elle va bien. Elle ressemble beaucoup à son père… Soufflé-je, perdant un peu de ma bonne humeur.
-Tu… Tu es sûre que tu ne veux toujours pas parler de Joy à Sven ? Me demande alors Caroline après un silence entre nous, légèrement inquiète pour moi. Ca t’aiderait peut-être de savoir qu’il est au courant, qu’il n’y a plus de secret entre vous.
-Après tout ce temps ? Soupiré-je, dépitée. Non, c’est trop tard. Il a sa propre vie maintenant. Je n’ai pas envie de revenir et de tout gâcher….
-Il n’est jamais trop tard, tu sais ?

Un peu ailleurs, je finis par laisser Caroline pour rentrer chez moi. Il commence à faire nuit et j’aimerai éviter de rentrer trop tard.
J’ai eu l’esprit dans le vague, sur le trajet retour vers Willow Creek. Et si j’étais plus perturbée que je veux bien l’admettre sur l’absence de Sven dans la vie de Joy ? Si mon choix de le laisser dans l’ignorance, sans savoir comment il réagirait à l’annonce qu’il a une fille, avait un impact sur ma relation actuelle avec ma fille ?
Je suis incapable de le dire, d’autant plus que je suis toujours convaincue d’avoir fait le bon choix. Et puis… Sven vivant en Suède, même s’il était au courant, il ne pourrait pas être présent dans la vie de sa fille. Comment agir comme un père quand on vit à des milliers de kilomètres ?

-Tu vas bien ma chérie ? Me demande ma mère en s’installant à table avec moi. Tu es ailleurs depuis que tu es rentrée. Ca s’est mal passée ta réunion ?

-Ca a été, comme d’hab. Je suis juste un peu fatiguée. Lui dis-je en réponse. D’autant plus que j’ai fait un détour avant de rentrer du coup.
-Ah oui, et comment va Caroline d’ailleurs ?
-Elle va bien. Son appart’ est chouette d’ailleurs. Soufflé-je, n’osant avouer le fond de ma pensée. Car l’appartement de ma meilleure, c’est le genre d’appart’ que j’aurais aimé avoir… Si je n’avais pas eu Joy. Si j’avais pu partir de chez mes parents et profiter de mon indépendance.
Mais aujourd’hui, c’est impossible, car il faut bien admettre que je serai incapable de m’occuper de Joy toute seule et je ne peux décemment pas l’abandonner chez mes parents.

-Où est Papa ? Demandé-je soudain, pour changer de sujet.
-En haut, en train de s’occuper de Joy.
-Elle a été sage aujourd’hui ?
-Très, un vrai petit ange. Me confirme ma mère avec une pointe de fierté dans la voix.

A la fin du repas, je décide donc de monter pour rejoindre mon père et ma fille. Il faut que je fasse des efforts, pour elle. Elle me rappelle beaucoup son père, certes, mais elle est aussi la seule chose qui me reste de lui. Alors, même si je me sens pas capable de m’occuper d’elle, cela ne veut pas dire que je dois être absente de sa vie.
-Ca va Papa ? Lui demandé-je en entrant dans la salle de bain, tandis qu’il essaie d’apprendre l’air de l’utilisation du pot à Joy.
-Ca va, ça va. J’attends que Joy comprenne qu’elle doit faire popo dans son pot mais elle n’a pas l’air décidé pour le moment. Qu’est-ce que tu fais avec ton assiette dans la main ?
-Je voulais venir te voir alors autant la laver ici. Haussé-je les épaules comme si la réponse est évidente. Elle n’a peut-être pas envie ?
-J’ai un gros doute, vu comment elle se tortille dans tous les sens !

Je ne peux m’empêcher de sourire à cette réflexion, essayant d’imaginer Joy en situation. Et puis, quand je la regarde sur son pot, je ne peux m’empêcher de rire.
-Qu’est-ce qui te fait rire ? Me demande mon père, visiblement étonné.
-Sa tête ! Elle fait preuve d’une intense concentration ! Lui signalé-je, pour qu’il observe à son tour la bouille de sa petite-fille.
Yeux plissés, sourcils froncés, lèvres pincées, Joy semble effectivement très concentrée sur sa tâche. Mon père ricane à son tour, tout en étant attendri par la bouille de Joy.
-Pas drôle ! Pas zenti ! Boude-t-elle d’ailleurs, comprenant être la source de nos rires.

Après que Joy daigne enfin faire « popo » dans son pot, comme dirait mon père, elle commence à manifester son petit caractère. Tandis que mon père la rhabille, cette dernière continue de gesticuler dans tous les sens. Et le pire vient quand il annonce qu’il est l’heure d’aller dormir…
-Non ! Ze veux jouer ! Exige Joy en pleurant de chaudes larmes de crocodile. En l’entendant crier ainsi, je ne peux m’empêcher de grimacer. Mes pauvres oreilles…
-Non Joy, il est l’heure de dormir ! Tu es fatiguée ça se voit ! Se montre ferme mon père, loin de se laisser impressionné par un bambin en crise. Il faut dire qu’il en a vu d’autres.
-Zouzou !
-Non Joy ! Je te mets en pyjama, et au lit ! Je te raconterai une histoire, mais seulement si tu te calmes !
-….Doudou ? Marmonne-t-elle d’une petite voix implorante après un silence, tout en lançant un regard digne du Chat Potté à son grand-père.
-Oui, je vais te donner ton doudou. Aller, au dodo !

Le lendemain, j’ai du partir tôt au travail. En plus, j’ai du filer précipitamment, n’étant pas en avance pour me rendre à San Myshuno.
Néanmoins, en partant, je surprends une conversation entre mes parents. Ils sont tous les deux installés sur le canapé à regarder la télé, le baby phone posé non loin pour guetter le réveil de Joy. Et apparemment, je suis le centre de leur conversation.

-Nick, tu crois qu’elle va finir par y arriver ? Semble s’inquiéter ma mère.
-J’en suis convaincu. Essaie-t-il de la rassurer. Regarde, elle ne sort plus systématiquement de la pièce quand il y a Joy. Elle observe juste, certes, mais c’est déjà un début…
-C’est sûr qu’avant, elle ne pouvait pas regarder sa fille plus de 5 minutes. Soupire ma mère. Mais j’ai tellement peur qu’elle regrette plus tard, de ne pas avoir profité de ces moments-là avec sa fille. Et puis, nous ne sommes pas éternels, que se passera-t-il quand…
-Ne t’inquiète pas. Rosie est forte, elle saura gérer quand le moment sera venu. Reste confiant mon père alors que mon cœur se serre. Il est vrai que j’ai tendance à oublier qu’un jour, mes parents ne seront plus là. Cette idée m’est insupportable, inconcevable. Ils ont toujours fait partie de ma vie, et c’est comme s’ils étaient immortels dans mon esprit. Mais que ferai-je, le jour où leur heure sera venue ?
Chassant cette idée de mon esprit, je ne tarde pas à sortir de la maison pour ne plus y penser.

-Ah, on dirait que Joy est réveillée ! Fini de manger tranquille, je m’en occupe ! S’exclame alors Maetha.
Laissant son époux finir de déjeuner sur le canapé, Maetha se rend rapidement à l’étage pour rejoindre la chambre de Joy. La fillette est tranquillement en train de jouer avec ses cubes en bois, s’amusant à faire des tours avec. En voyant sa grand-mère, elle affiche un grand sourire innocent.

-Eh bien ma puce, on dirait que tu es bien réveillée ! Aller, c’est l’heure du bain ma grande !
-Non ! Veux pas prendre de bain ! Proteste aussitôt Joy en secouant la tête de droite à gauche en affichant une moue boudeuse.
-Si si, au bain ! Sinon, Mamie va appeler les aliens ! Fait-elle mine de menacer. Aussitôt, les yeux de Joy s’arrondissent comme des soucoupes.
-Des a-li-ens ? S’exclame-t-elle en articulant chaque syllabe.
-Oui les aliens ! Et ils adorent les petites filles qui sentent mauvaises ! Et tu peux me croire, je les ai déjà vu !
-Bain ! Bain !
-J’aime mieux ça !

Maetha n’est pas forcément très fière d’utiliser ce subterfuge pour contraindre à sa petite fille à prendre son bain. Ce n’était pas la première fois qu’elle menaçait de faire venir les aliens et cela marche à tous les coups. Mais, Joy semble davantage fascinée que terrifiée. Elle pose, ou du moins essaie, plein de questions à sa grand-mère sur ces mystérieux aliens, venant d’un autre monde et adore l’entendre raconter ses histoires.
-Bouaaah ! Le méchant alien éponge vient t’attaquer ! S’exclame joyeusement Maetha en utilisant une voix grave tout en approchant l’éponge de Joy pour lui mettre de la mousse sur le bout du nez.
-Aaah ! Cana aide moi !! Se prête-t-elle au jeu en tendant son canard en plastique vers l’éponge maléfique.
-Canard ma puce, ca-nard. La corrige aussitôt Maetha. Les aliens ont besoin de précision pour avoir peur !
-Bouh ! Réplique alors Joy en éclaboussant sa grand-mère.

-Mamie, sont comment les a-li-ens ? L’interroge Joy après que Maetha l’ait sorti du bain et habillée d’une adorable petite robe jaune.
-Ils sont tout vert ! Ou tout bleu … Ca dépend desquels. Et ils vivent dans l’espace ! Mais ne t’inquiète pas, maintenant tu es toute propre, ils ne viendront pas te chercher ! Lui assure-t-elle avant de se pencher pour lui avouer, comme une confidence. Mais pour tout t’avouer, les aliens, ils ne sont pas si vilains que ça.
-Oooooh ! Gentil a-li-ens ?
-Oui, c’est ça, gentils !

Après ce bon bain, Joy se dépêche de retourner dans sa chambre pour profiter de sa maison de poupées. Et il ne faut pas très longtemps pour réclamer sa grand-mère, afin qu’elle vienne jouer avec elle.
Maetha ne se fait pas prier. Elle se dépêche de rejoindre sa petite-fille et s’installer avec elle sur le sol. Elle sait que ce n’est pas forcément une bonne idée, qu’elle aura beaucoup de mal à se relever au vue de son grand âge, mais ce n’est pas grave. Elle renoncerait pour rien au monde de jouer avec sa petite fille ! Et puis, Nick l’aidera à se relever ! Elle n’aura qu’à crier au secours !
-Mamie, a-li-ens ! S’exclame Joy en tendant une poupée à Maetha.
-C’est une alien ? D’accord ! Mouahahahahaha je viens conquérir le monde !!
-Non ! Gentil a-li-en !! Proteste aussitôt la fillette.
-Oups ! Pardon ! Hey coucou ! Je viens faire du tourisme ! Il y a quoi à visiter par ici ? Il y a du gloubi-boulga à manger ?
-Beeeeh non !! Grimace aussitôt Joy à l’entente de ce mot bizarre, faisant rire sa grand-mère, attendrie par sa frimousse et son petit nez froncé.