Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 6

Je n’en peux plus de cette grossesse. J’entame la dernière ligne droite et j’ai hâte que la crevette sorte de mon ventre. Je suis constamment malade, fatiguée et j’ai mal au dos à cause du poids du bébé. Mon ventre est énorme et je peine à me souvenir de ma silhouette avant que je sois enceinte. J’aimerai tellement retrouver ma ligne d’avant … Mais pour le moment, la crevette ne semble pas pressée de sortir et cela commence à peser sur mes nerfs.
Contrairement à ma mère qui est tout excitée par l’arrivée du bébé. Je crois qu’elle est ravie de devenir une nouvelle fois grand-mère. Cela me fait tout bizarre de la voir ainsi, alors que pour moi, le malaise grandit au fur et à mesure que l’accouchement est imminent. Serai-je une bonne mère, comme ma mère l’a été avec moi ?

Cette après-midi, mes parents gardent les triplés de Ryan. Lui et Juliette travaillent et la garderie est exceptionnellement fermée suite à un dégât des eaux survenu dans la matinée. Maman s’est faite un plaisir de leur proposer de les garder en urgence.
Du coup, Ryan est passé en coup de vent à midi pour déposer les enfants. Visiblement, ils sont tous les trois d’une humeur massacrante. A peine Ryan parti travailler, ils se sont mis à pleurer et à courir partout pour chercher leur père. Je crois que l’on va tous devenir sourds d’ici la fin de la journée !

De plus, les triplés courent vite et entre mes parents qui ne sont plus tout jeune et moi qui suis enceinte jusqu’au cou, nous avons bien du mal à les suivre. Si bien qu’ils profitent de leur avantage pour faire des bêtises dès que nous avons le dos tourné.
Surtout Kylian, qui est une vraie canaille. Nous l’avons perdu de vu et je l’ai retrouvé dans la salle de bain, en train de jouer avec l’eau des toilettes.
-Kylian ! Joue pas avec ça, c’est sale ! Le grondé-je avant de le soulever péniblement.
Laisse-moi Tata, laisse-moi ! Piaille-t-il aussitôt avec sa voix stridente tandis que j’essaie tant bien que mal de lui laver les mains. Chose qui n’est pas évidente avec cette boule de nerfs et avec mon gros ventre.
Fort heureusement, alerté par les cris, Papa vient vite à ma rescousse et prend le relais avec Kylian qui continue de gesticuler dans tous les sens.
Mais comment font-ils pour gérer les gérer, ces terreurs ?

Quant à Maman, elle essaie de se rapprocher de ses petits enfants. A commencer par Sarah, mais cette dernière n’a pas l’air très motivée par subir les câlins de sa grand-mère. Elle est aussi têtue que mignonne et ne se laisse absolument pas décidée à se laisser approcher.
-Non non non ! Pas touchée Mamie ! Pas touchée !
-Mais tu aimes bien que je te fasse des câlins d’habitude ! S’en étonne alors ma mère, un peu déçue et gênée par la bouille attristée de Sarah.
-Je veux Papa ! S’écrit aussitôt la petite en secouant la tête.
-Papa est au travail ma puce. Il viendra vous chercher ce soir. C’est bien aussi d’être chez Papy et Mamie, non ?
-Non ! Je veux Maman !!!

Maman soupire et finit par apporter un jouet à Sarah pour qu’elle puisse s’occuper toute seule. A sa tête, je devine que les triplés l’épuisent à crier tout le temps.
Papa essaie une approche plus en douceur, en lisant une histoire à Alexandre. Il reste sagement assis sur le canapé, sans tenter de s’échapper, mais il ne semble pas plus ravi d’être ici. Il affiche une moue triste sur son visage et l’histoire ne lui fait apparemment pas plaisir.

-Elle est nulle l’histoire ! Tu racontes pas comme Maman ! Boude-t-il alors, profitant d’une pause de son grand-père quand il tourne la page.
-Elle raconte comment ta maman ? Je peux tenter de faire comme elle.
-Elle, elle fait des voix rigolotes ! Je veux Maman !! S’en-tête Alexandre, faisant soupirer mon père.

Les triplés sont adorables en temps normal mais là, ils sont intenables. Les entendre crier à tout bout de champ me donne mal au crâne et me fatigue. J’ai du mal à tenir debout et mon père m’invite très vite à monter dans ma chambre pour me reposer. J’hésite un instant, car ils sont deux pour s’occuper de trois petits monstres mais il insiste et je ne me fais pas prier davantage. Je vais aussitôt dans ma chambre et je m’allonge avec bonheur sur mon lit.
Enfin un peu de calme, même si je parviens à entendre les cris provenant du rez-de-chaussée. La maison est bien isolée et les bruits sont suffisamment étouffés pour que je puisse me reposer. Ils sont de véritables contraceptifs ambulants et je me mets à prier que ma crevette soit plus calme.
-Tu seras plus calme que tes cousins, hein ? Soupiré-je en posant une main sur mon ventre tout en fermant les yeux. Faut pas prendre exemple sur eux, ils sont terribles. Continué-je en commençant à m’endormir, essayant de faire taire mes craintes quant au caractère de ma crevette. Et si c’est une terreur, elle aussi ? A faire des bêtises tout le temps et à crier au lieu de parler ? Et si la crevette ne m’accorde aucun répis ?

En bas, mes parents semblent parvenir à canaliser les petits monstres, même si leur humeur n’est pas encore à la fête. Sarah joue tranquillement avec des cubes en bois tandis qu’Alexandre continue d’écouter l’histoire raconté par son grand-père. Seul Kylian semble un peu perdu au milieu de cet environnement et ne sait pas quoi faire.
-Tu ne veux pas jouer avec ta sœur, Kylian ? Lui propose doucement ma mère alors qu’il regarde avec envie les cubes.
-Non ! Elle est nulle Zarah ! Refuse-t-il en tapant du pied.
-Kylian ! On ne doit pas ça, c’est pas gentil ! Le gronde ma mère. Tu veux écouter l’histoire de Papy ?
-Non !
-Ah ! La période du Non ! Soupire mon père en regardant ma mère avec un regard complice. C’est qu’on aurait oublié, depuis le temps !

Après ma sieste, je finis par redescendre pour aider mes parents à s’occuper des petits monstres. Je me charge donc d’essayer d’occuper Kylian. Visiblement, il veut avoir quelqu’un pour s’occuper que de lui, sans partager avec son frère et sa sœur. Visiblement, c’est un trait de caractère de famille mais je m’abstiens de faire tout commentaire.
Je me contente seulement de sortir un jeu de carte et de faire deviner ce qu’elle représente à mon neveu.

-Alors Kylian, qu’est-ce que c’est ?
-Dodo ! S’exclame-t-il en réponse.
-Oui c’est pour faire dodo. Mais ça s’appelle comment ?
-Euh…

Je ne sais pas si ce que je lui propose l’intéresse réellement, car il semble intrigué par ma demande. Comme s’il se demandait où je veux en venir. Je persiste cependant, car en attendant, il semble s’être calmé. Et le calme, cela fait du bien.
-Un lit ? Ose-t-il enfin.
-Oui c’est ça ! Bravo Kylian ! M’exclamé-je joyeusement, me sentant ridicule. Le mot lit est tout simple et cela me fait bizarre de le féliciter pour cela.
En fin d’après-midi, c’est Juliette qui vient chercher les petits monstres. Elle reste un peu avec nous pour nous remercier de les avoir dépanné à la dernière minute. Mes parents restent polis en disant qu’ils ont été adorables.
Je lève les yeux au ciel face au politiquement correct et je finis par leur fausser compagnie pour aller me reposer. Mon ventre est douloureux et je n’ai qu’une envie : me coucher en attendant que cela finisse par passer.

Sauf que cela ne se calme pas, au contraire. Le soir, j’ai du mal à m’endormir et je tourne en rond dans mon lit. J’essaie de me masser le ventre mais rien ne me soulage. Par moment, la douleur se calme pour revenir de plus belle quelques minutes plus tard. Plus le temps passe, plus la douleur est insupportable.
Je finis par renoncer à dormir et je me lève. J’ai du mal à tenir sur mes jambes. J’essaie de respirer calmement mais c’est difficile quand la douleur revient.
Je crois que c’est le moment. La crevette se décide enfin à montrer le bout de son nez.
Mon cœur bat à toute vitesse. Je ne sais pas quoi faire. J’avance doucement vers la sortie de ma chambre, mais j’ai trop mal. Je ne sais pas si je parviendrai à aller jusqu’à la chambre de mes parents toute seule. Je finis par crier. J’appelle ma mère au secours. Elle ne tarde pas à arriver en courant, avec mon père et comprend très vite qu’il faut m’emmener à l’hôpital.

Ma mère m’aide donc à m’habiller et me guide jusqu’à la voiture. Elle m’emmène toute suite à l’hôpital tandis que mon père reste à la maison pour préparer des affaires et la chambre de la crevette.
Ma mère me dit de respirer dans la voiture. Elle essaie de me rassurer tandis que je souffre sur le siège passager. Je me demande si c’est normal d’avoir aussi mal. Ma mère me dit que ça ira mieux avec la péridurale.
Nous finissons par arriver devant l’hôpital. Je commence à paniquer. J’ai peur de cet accouchement à venir. Un mauvais pressentiment m’assaille.
-Ne t’inquiète pas ma puce, tout va bien se passer. Des femmes accouchent tous les jours sans problème ! Me serre dans ses bras ma mère, pour essayer de me calmer.
-Tu restes avec moi ? Lui demandé-je, apeurée devant l’immense bâtiment. J’ai l’impression d’être une enfant qui a peur d’aller voir le médecin. Mais en cet instant, je m’en fiche. J’ai besoin de ma maman.
-Ne t’inquiète pas, je resterai avec toi jusqu’au bout.

Ma mère m’aide à entrer à l’intérieur de l’hôpital. En entrant, elle semble soulagée de voir une jeune femme à l’accueil. Elle me raconte alors que la personne qui était à ce poste lorsqu’elle-même a accouché était une incompétente qui passait plus de temps sur un magazine qu’à s’occuper des patients qui arrivaient.
Un peu stressée, je m’approche du bureau et la jeune femme me regarde avec le sourire.
-En quoi puis-je vos aider madame ?
-Je… Je vais accoucher… Balbutié-je timidement, en essayant de respirer régulièrement.
-J’appelle tout de suite un médecin !
-Voilà quelqu’un qui fait son travail ! En est ravie ma mère. Tu vois, c’est bon signe ça ! M’assure-t-elle ensuite en me souriant, espérant me rassurer de cette manière.

Nous sommes très vite accueillies par un médecin, qui prend le temps de m’ausculter à la maternité. Elle en conclue très rapidement que le travail a effectivement commencé et qu’il est même temps de passer en salle de travail. Elle me parle avec calme et bienveillance mais cela ne me rassure pas pour autant. Une infirmière m’aide à me déshabiller et à enfiler une blouse, pour ensuite m’emmener dans une nouvelle pièce, avec une grosse machine étrange et terrifiante.
Je m’installe dessus, pas franchement rassurée par cette machine de torture. Pourvu que l’accouchement soit rapide !

Ma mère entre rapidement dans la salle à son tour, bien décidée à ne pas me laisser seule une seconde. Elle reste près de moi, et fait tout pour me rassurer. Cela me rappelle quand j’étais petite et qu’elle essayait de me consoler après un cauchemar. Oh ma petite maman, qu’est-ce que je te fais subir encore ?
Je vois bien qu’elle est inquiète pour moi, même si elle fait tout pour ne rien montrer. Cela ne doit pas être évident pour elle de voir sa fille souffrir sans ne pouvoir rien faire. Mais elle continue à se montrer forte, pour ne pas me causer davantage de soucis.
J’ai vraiment une mère en or. Parviendrais-je à être à son niveau avec ma crevette ?

Le travail commence et le médecin m’encourage. Ma mère me tient la main, et fait tout m’aider à me détendre. Mais c’est dur, j’ai mal, je fatigue. J’en ai marre de cette situation. L’accouchement s’éternise et je n’en peux plus. Je me demande si tout est normal. Pourquoi cela dure si longtemps ? Et pourquoi le médecin fronce les sourcils de cette manière ? Qu’est-ce qui se passe ?
Je me sens mal, si mal… J’ai soudain l’impression d’être déconnectée de la réalité. Je repose ma tête et le plafond me parait flou. Je ferme les yeux pour respirer un grand coup… Et puis, c’est le trou noir…

-Madame Opaline, je vais vous demander de sortir. Ordonne brusquement le médecin, tandis qu’une infirmière va à la rencontre de Maetha pour la guider vers l’extérieur de la salle de travail. Maetha la repousse, terriblement inquiète pour sa fille qui vient tout juste de perdre connaissance devant ses yeux.
-Pas question ! Pas sans savoir ce qui arrive à ma fille !! Dites moi ce qui se passe !!
-Je ne sais pas Madame. Mais si vous voulez que je puisse m’occuper de votre fille, je vous prie de bien vouloir sortir immédiatement ! Reste ferme le médecin, dont le stress se percevait dans la voix.
Maetha finit par obtempérer. Elle se rend dans la salle d’attente mais elle est incapable de tenir en place. Elle appelle Nick pour le tenir au courant de la situation et il essaie de se dépêcher pour venir la rejoindre à l’hôpital. Elle tourne en rond dans la salle, donnant le tournis aux autres personnes qui attendent. Certains lui demandent de s’asseoir, mais elle les envoie paître. Comment pourrait-elle rester calme alors qu’elle ignore comment se porte sa fille ? Elle ne pourra pas trouver le repos tant qu’elle ne saura pas comment elle va !
Un médecin finit par venir la voir. Maetha ignore depuis combien elle attend. Elle n’a pas regardé l’heure et cela lui a paru terriblement long.
-Comment se porte ma fille ? Lui demande directement Maetha, inquiète.
-Madame Opaline, votre fille et son bébé se portent bien et tout ira bien, ne vous inquiétez pas. Cependant ….

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 5

Le temps file à toute vitesse. J’ai du mal à m’en rendre compte mais mon ventre qui s’arrondit de plus en plus est un rappel permanent que personne n’échappe au temps qui passe.
Un rappel de mon inconscience, aussi, mais cela, j’évite encore plus d’y penser.
Ma mère m’emmène à mes rendez-vous avec le médecin, qui suit ma grossesse. Je crois qu’elle est plus stressée que moi avant chaque rendez-vous. Le pauvre médecin doit nous redouter car ma mère est intenable. Il a beau répéter que tout va bien, que le bébé est en bonne santé et qu’il y en a bien qu’un seul dans mon ventre, il est bien obligé de répéter trois fois la même chose à chaque fois.
Elle exagère, mais elle trouve toujours le moyen de se justifier. Selon elle, entre elle qui a eu des jumeaux et mon frère qui a eu des triplés, il y a de quoi se méfier du contenu de mon utérus.
Elle essaie également de soudoyer le médecin pour savoir si le bébé est une fille ou un garçon, mais il est bien décidé à respecter ma décision de ne rien savoir. Elle boude un peu car elle ne sait pas comment décorer la future chambre du bébé. Je lui ai dis de tout peindre en jaune, comme ça, ça ira autant pour un garçon que une fille et elle arrêtera de se prendre la tête pour des détails. Je crois que l’idée lui a plu car depuis, elle ne m’en parle plus.
En sortant d’un rendez-vous avec le gynécologue, je laisse ma mère rentrer seule à Willow Creek et je rejoins Caroline à San Myshuno. Ma mère a essayé de me convaincre de m’accompagner, mais je lui ai rappelé que je suis enceinte, pas handicapée.

-Salut toi ! Dis donc, ça pousse bien là-dedans ! S’exclame ma meilleure amie en me voyant arrivée, tout en louchant sur mon ventre.
-Coucou ! M’en parle pas, j’en peux plus ! J’ai tout le temps mal au dos ! J’ai hâte que cette crevette sorte !
-Tu m’étonnes ! Aller on rentre à l’intérieur comme ça tu pourras t’asseoir !
-Super !

Je suis avec plaisir Caroline à l’intérieur du bar karaoké. Nous nous posons directement sur une table de libre et je soupire d’aise en m’asseyant sur ma chaise. Ce bébé pèse une tonne dans mon ventre et c’est un véritable plaisir de se poser un peu !
Un serveur vient nous voir pour prendre notre commande et repart aussi sec. Je me surprends à envier Caroline qui veut commander ce qu’elle veut alors que je suis obligée de faire attention.

-Il te reste combien de temps avant la délivrance ? Me demande-t-elle avec le sourire.
-Deux mois, normalement. Deux longs mois … Soupiré-je. J’étais bien dans le déni finalement…
-Ne t’en fais pas, ça va arriver vite ! Ne peut s’empêcher de rire Caroline. Tu n’es toujours pas décidée à en parler à Sven ? Semble-t-elle s’inquiéter ensuite.
-Non, toujours pas. Me renfrogné-je aussitôt. Je sais qu’il a le droit de savoir, que la crevette va me poser des questions plus tard, mais j’assumerai en temps voulu. Il est en Suède maintenant, lui annoncer la nouvelle fera plus de mal que de bien. C’est mieux pour tout le monde. On peut parler d’autres choses ? J’ai déjà mes parents à la maison qui essaie de me convaincre de le contacter. Soupiré-je, lassée par toute discussion sur ma décision par rapport à Sven. Tu as des nouvelles de Paul ? Cela fait un baille que je n’ai plus de nouvelle. Depuis qu’il est parti en fait…

-Il est sans doute trop occupé à roucouler si tu veux mon avis. En plaisante alors Caroline avec lueur taquine dans le regard.
-Tu penses qu’il a une copine ? M’étonné-je alors. Paul a toujours été un garçon réservé et je ne l’ai jamais vu draguer une fille. Alors, qu’il se trouve quelqu’un quelques mois après être parti d’ici me parait surprenant.
-Je ne pense pas, j’en suis sûre. Me sourit-elle, amusée. Il est tombé sous le charme d’une selvadoradienne. Il nous l’a dit, à Pierre et à moi, la dernière fois que nous l’avons eu sur Skype. Apparemment, c’est réciproque et ça a l’air de bien commencer. A mon avis, il va rester sur Selvadorada pendant un petit moment !
-Eh bien, c’est super pour lui ! Lui qui avait besoin de s’évader, il trouve même l’amour dans un pays exotique ! M’exclamé-je, ravie pour mon ami. J’ai tout de même un petit pincement au cœur, déçue qu’il ne me l’ait pas annoncé de lui-même. Peut-être qu’il finira par le faire, un jour, quand ce sera plus sérieux avec elle.
-J’espère quand même qu’il prendra la peine de nous la présenter un jour ! Même s’il ne porte pas Papa dans son cœur !
-Tout va bien pour toi d’ailleurs ? Tu vis toujours chez tes parents ?

-Ca peut aller… J’aimerais partir car l’ambiance est affreuse à la maison. Maman et Papa ne se parle plus et quand Papa l’ouvre, c’est juste pour dire des reproches. Plus il vieillit, plus il a un caractère de cochon… Soupire-t-elle alors que mon cœur se serre pour elle. Décidément, ses parents auront passé leur temps à se déchirer depuis qu’ils sont nés.
-Qu’est-ce qui t’empêche de partir dans ce cas ?
-J’ai pas trouvé de boulot encore. Et je t’avoue que je ne sais pas trop quoi faire. Je sais que ma mère pourrait m’aider à m’installer, le temps que je trouve quelque chose, mais je n’ai pas envie de dépendre de mes parents… Je veux pouvoir me débrouiller toute seule, tu vois ?
-Je vois oui… Lui confirmé-je, en commençant à réfléchir. Tu sais, j’ai entendu dire que la branche écologique et celle des droits LGBT cherchaient quelqu’un, dans mon association. Si ça t’intéresse, je peux parler de toi.
-Tu ferais ça ? S’étonne-t-elle, surprise par ma proposition, les yeux brillant d’espoir.
-Bien sûr, tu es ma meilleure amie. Et l’ambiance est sympa au boulot donc, si tu es motivée, tu as toutes tes chances.
-Motivée ? Je le suis ! Ca serait cool si tu peux m’obtenir un poste !
-J’irai les voir lundi alors. Lui promis-je en lui souriant. Je viens de lui redonner le sourire et de l’espoir pour l’avenir et pour moi, cela n’a pas de prix.

Nous discutons un moment à notre table, en sirotant nos boissons. Nous rions aussi des personnes qui osent affronter le regard des autres en allant chanter au karaoké. La plupart chantent comme des casseroles rouillées mais ils semblent à l’aise sur la scène, ignorant peut-être leur absence de talent ou n’en ayant que faire.
Je vois le regard plein de malice de Caroline se poser sur moi. Je suis intriguée, me demandant bien ce qui se passe dans sa petite tête blonde.
-On y va ?
-Pardon ?
-On va chanter ? Toutes les deux ?
-Mais ! Je ne sais pas chanter!
-On s’en fiche ! Rit-elle en réponse, avant de se lever. Elle me prend la main pour me forcer à me lever et nous nous dirigeons directement sur la scène.
Je prends un des micro et je la regarde avec un air interrogateur. Maintenant que nous sommes là, qu’est-ce que l’on fait ? Caroline me sourit et fait défiler les propositions de chanson sur l’écran, avant d’en choisir une.
Il parait que le ridicule ne tue pas. C’est maintenant que je vais vérifier cette théorie.

La musique commence à retentir et c’est moi qui doit commencer à chanter. Je chantonne timidement au début, n’osant pas me lâcher. Je me sens ridicule et je chante faux. Je plains les oreilles des clients du bar.
Cependant, malgré mon manque évident de talent inné, Caroline m’encourage du regard. Lorsqu’elle chante à son tour, elle y met davantage d’entrain. Elle chante tout aussi faux que moi, mais elle se laisse aller et se lâche. J’essaie de suivre son exemple, mais je mets plus de temps à ignorer le regard des autres.

Petit à petit, je me sens de plus en plus à l’aise sur la scène. Je commence à me prendre au jeu, et je lance même une nouvelle chanson. Caroline rit de plus belle et nous nous continuons de chanter. Cette fois-ci, je suis à fond et je m’amuse comme une folle.
Nous monopolisons la scène avec Caroline. Nous ne voyons pas le temps passer. Pendant un instant, je suis juste une jeune femme qui passe une après-midi entre filles avec sa meilleure amie. Je ne suis plus une future maman et cela me fait un bien fou. Je n’aurais plus de voix à la fin de la journée mais cela n’a que peu d’importance.
Alors que je m’éclate sur scène, j’oublie absolument tout. J’oublie ma vie qui part en vrille, j’oublie mes responsabilités à venir.
Et cela me fait un bien fou.

Puis, la réalité est revenue. Après cette sortie bénéfique, je retrouve mon quotidien et je m’entraîne à m’exprimer. D’après mes collègues, il faut que je travaille mon éloquence et mon argumentation, afin de convaincre les gens d’adhérer à nos idées, voire à nous faire un don afin que nous puissions développer nos actions.
Alors, je reste dans ma chambre et je m’entraîner à parler devant mon miroir. J’ai l’impression d’être ridicule à parler toute seule mais personne ne me voit et mes parents sont sortis profiter du beau temps estival. Autant en profiter donc.

Au travail, j’ai réussi à convaincre mes collègues de faire passer Caroline en entretien. Elle a davantage convaincue mes collègues des droits des personnes LGBT et même si c’est un peu cliché étant donné son orientation sexuelle, elle a intégré leur rang. J’imagine que le fait qu’elle se sente concernée à du jouer lors de l’entretien et elle a du sembler davantage motivée, en plus d’être bien renseignée. Je la croise souvent au travail même si nous nous occupons pas des mêmes problématiques. Elle est ravie d’avoir cette opportunité et tout semble bien se passer. Je suis ravie pour elle !
Mes pensées divaguent tandis que je m’observe devant le miroir. Mon regard se pose sur mon ventre. Je me tourne pour m’observer de profil. Mon ventre me semble énorme. Je pose mes mains dessus tandis que je sens la crevette bouger à l’intérieur. J’ai du mal à réaliser que je vais devenir maman. J’ai beau observer mon ventre sous tous les angles, sentir la crevette bouger, l’information a du mal à s’imprimer dans mon cerveau. Je soupire de dépit. J’aimerai me réjouir, avoir hâte de faire la connaissance de ce petit bout, mais quelque chose me bloque. Je ne saurai pas dire quoi, mais je fais un blocage.
Et tout au fond de moi, j’espère que cela finira par se débloquer avant la naissance.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 4

-Bon, Rosae, ça suffit maintenant ! M’interpelle brusquement ma mère alors que je rentre à la maison. Je sursaute en entendant le son de sa voix, ne m’attendant absolument à me faire houspiller ainsi.
-Maman ? Qu’est-ce qui se passe ?
-Ce qui se passe ? C’est que je n’en peux plus de te voir ainsi, dans le déni !
-Dans le déni ? Hoqueté-je, ne comprenant pas ce qu’elle me dit. Quelle mouche l’a piqué aujourd’hui ?
-Tu t’es regardée dans un miroir récemment ? Tu as vu ton ventre ? Me demande-t-elle alors, en réponse, en me désignant mon ventre arrondi par l’overdose de samoussas et les ballonnements.

-Je ne comprends pas Maman… Tu me trouves trop grosse ? Je me suis peut-être trop réfugiée dans la nourriture dernièrement mais quand même, ce n’est pas une raison pour m’engueuler comme ça à peine rentrer à la maison…
Elle me regarde alors avec étonnement. Une surprise qui laisse ensuite place à un profond soupir. Elle secoue la tête de droite à gauche, comme si mon attitude la désespère. Je ne sais plus où me mettre. Je ne comprends rien à la situation.
-Tu trouves vraiment que ton ventre est celui d’une femme en surpoids ? Tente-t-elle quelque chose, me faisant froncer les sourcils. Où veut-elle en venir ?
-Bah … euh …
-Rosae, je vais être directe. Tu ne penses pas que tu pourrais être enceinte ? Me suggère-t-elle. Mon cœur rate un battement et je suis choquée par son hypothèse.
-Enceinte ? Mais ça va pas ! Tu en as de ces idées !

-Rosie, il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux, non ? Cela fait un moment que j’ai des doutes et j’espérais que tu finisses par t’en rendre compte… Se radoucit ma mère, en employant un ton plus doux. Mais je vois bien que rien ne change et cela m’inquiète de te voir ainsi, dans le déni. Il faut que tu ouvres les yeux pour pouvoir te préparer à l’arrivé d’un bébé.
-Maman, c’est ridicule, je ne suis pas enceinte ! Je vais me mettre au sport si tu veux pour perdre mon ventre et tu verras que tu te fais des films. Persisté-je, trouvant l’idée complètement surréaliste. Moi ? Enceinte ? Je m’en serai rendue compte si c’était le cas. Surtout depuis le départ de Sven, quand même.
-Je t’ai acheté un test de grossesse. Vu tu en es, il n’y a pas le moindre doute mais je pense que cela te permettra d’ouvrir les yeux.
-Maman…
-Fais-le. S’il est négatif, promis, je ne t’embêterai plus. Insiste-t-elle en me mettant la boite dans la main. Son regard est sévère et ne laisse aucune possibilité de négocier. Je soupire, et je me rends l’étage.

Résignée et sachant que ma mère ne me lâchera pas tant que je n’aurais pas faire pipi sur ce bout de plastique, je m’exécute. Cela ne me coûte rien après tout et c’est sans doute le seul moyen de lui prouver qu’elle a tort.
Assise sur la cuvette des toilettes, j’attends patiemment le résultat, prête à ne voir qu’une seule barre apparaître. En quelques secondes, la barre de test apparaît, aussitôt suivi d’une deuxième barre.
Mes yeux s’arrondissent de stupeur. Deux barres. J’attends plusieurs minutes, espérant que l’une d’elle disparaisse. Mais il n’en est rien. Au bout de 5 minutes, le résultat est sans appel.
C’est positif. Je suis enceinte.
Je jette le test de grossesse à la poubelle. Sonnée, je me lave les mains. Je n’arrive pas à y croire, tandis que je me répète les mêmes mots dans mon esprit.
C’est… positif. Je suis… enceinte.

J’ai du mal à réaliser. Comment est-ce possible ? Je ne peux pas être enceinte, c’est pas possible… Cela fait si longtemps que Sven est parti et il n’y a eu personne d’autre depuis… Mon regard se pose sur mon ventre arrondi. Je prenais mon ventre pour du gras, et maintenant, je réalise qu’il s’agit d’un bébé qui grandit à l’intérieur. Au creux de mes entrailles, se développe un petit être qui n’était pas prévu au programme. Pas du tout.
Un bébé de Sven. Sven, qui est reparti en Suède. Un bébé dont le père est à l’autre bout du monde.
J’ai envie de vomir. Le sort s’acharne sur moi. Comme si le ciel cherchait à me punir pour mes choix.

Le ciel me tombe sur la tête. Tel un robot en état de choc, je m’avance vers ma chambre et je me laisse tomber sur mon lit. Je crois que je vais rester là pour toujours, espérant que la vie m’oublie un peu. Je commence à en avoir ma claque de tout ça. J’ai une sœur qui ne m’aime pas, un frère qui m’a tournée le dos, je suis tombée amoureuse d’un garçon qui a fini par retourner vivre chez lui en Suède et maintenant, je suis enceinte de lui. Ca fait trop pour une seule personne, je crois.
Je ne sais pas même si j’ai envie de devenir mère en plus. Mais vu l’état de mon ventre, il n’est plus possible de revenir en arrière.
La grosse blague.
Et pendant que je déprime, j’entends la porte de ma chambre s’ouvrir. Je devine qu’il s’agit de ma mère, qui vient vérifier un résultat qu’elle connaissait déjà. Je déteste quand elle a raison.
-Je devine que le test était positif, donc… Me dit-elle calmement. En toute réponse, je grogne un truc incompréhensible. Ne t’inquiète pas ma puce, tout va bien se passer…

-Tout va bien se passer ? M’écrié-je aussitôt en me levant d’un bond. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de mes émotions. Mais rien ne se passe bien Maman ! Comment ça pourrait bien se passer ? J’ai 18 ans, je commence à peine à bosser et je suis déjà enceinte ! Le père est en Suède et ne reviendra jamais ! Je me retrouve toute seule, avec un mioche que je ne voulais pas sur les bras ! Super ma vie ! J’ai un bel avenir devant moi dis donc !
Je lance un regard noir à ma mère, les nerfs en pelote. Mais elle ne dit rien, et continue de me regarder avec bienveillance. Sans doute met-elle ma colère sur le dos des hormones de grossesse. Elle attend que l’orage passe, tranquillement, patiemment.

-Tout va bien se passer. Confirme-t-elle une fois que j’ai cessé de crier, après un lourd silence. Car tu ne seras pas toute seule, ma puce. Nous sommes là, avec ton père, pour t’aider et t’épauler. Il ne reste pas beaucoup de temps avant la naissance, certes, mais nous n’allons pas te laisser tomber et tout faire pour accueillir cet enfant du mieux possible. Tu es notre fille, Rosie, et nous ferions n’importe quoi pour toi, ne l’oublie jamais. Ajoute-t-elle en m’offrant un sourire qui se veut rassurant.
Elle s’approche ensuite de moi pour me serrer fort dans ses bras. Ma colère s’envole et je laisse mes émotions m’envahir. Les larmes coulent toute seule et j’explose en sanglots, complètement désespérée.

-Que vais-je devenir, Maman ?
-Une femme extraordinaire. Parce que tu as ça dans le sang ! Me rassure-t-elle, avec une pointe de fierté dans la voix. Et là, je me rappelle que ma mère a bien eu des jumeaux, toute seule… Aider par mon père, certes. Comme moi, j’aurais mes deux parents, à mes côtés.

Les semaines continuent de se poursuivre. J’ai du mal à réaliser que je vais devenir mère. Je commence à ressentir les effets de la grossesse, ce qui n’était pas le cas avant avec le déni. Je ne sais pas si cela est une bonne chose ou non…
Je me suis longtemps demandée si je devais prévenir Sven ou non. Puis, je me suis dit : à quoi bon ? Que pourrait-il faire, à l’autre bout de la planète? Je ne lui créerai que des soucis et de la culpabilité en lui annonçant ma grossesse. Et je n’ai pas envie qu’il revienne juste pour assumer ses responsabilités, par obligation.
Non. Autant le préserver et le laisser dans l’ignorance. Je porterai ma croix seule.
En attendant, mes parents ont décidé de me changer de chambre. Etant donné que je vais rester à la maison plus longtemps que prévu, ils jugent qu’il est temps que j’ai une chambre plus adulte. Ma chambre n’étant pas adapté pour recevoir un lit double, ils ont redécoré l’ancienne chambre des jumeaux. Ma chambre deviendra celle de mon bébé.

Cela me fait tout drôle de dormir dans la chambre des jumeaux. J’ai eu peur de la réaction de Roxane mais je ne connaîtrais jamais la réponse. J’ignore si nos parents l’ont tenu au courant des derniers événements. Je n’ai plus de contact avec elle depuis longtemps et je n’ai que des bribes d’informations lorsque mes parents parlent d’elle. Mais cela me va et petit à petit, cela ne me fait plus rien de dormir dans cette chambre.
Et j’avoue que j’apprécie de dormir dans un grand lit, et non plus dans mon lit de petite fille.
Puis, chaque nuit, mes songes sont apaisés par la rose que Sven m’a offert, traitée pour durer éternellement dans le temps. Pour jamais devoir m’en séparer.

Maintenant que j’ai réalisé ma grossesse, mon corps se réveille. Par moment, c’est fascinant comme lorsque je sens le bébé bouger. C’est dingue de me dire qu’un bébé grandit, en ce moment même, dans mon ventre. J’ai du mal à réaliser et ces mouvements m’aident à comprendre que oui, je vais avoir un bébé et que ce n’est pas le fruit de mon imagination.
Malheureusement, il y a aussi le revers de la médaille. Je suis souvent victime de nausée, en particulier le matin. Je n’ai quasiment plus besoin de réveil, mes nausées se chargeant de cette lourde tâche.
Je n’en peux déjà plus.

Je suis dépitée face à la situation. Je commence à avoir mal au dos et mes nausées me fatiguent. Mon ventre m’encombre et je sens bien qu’au boulot, mes collègues essaient de me ménager. Mais je veux m’activer et non rester derrière un bureau !
Cela me désespère. Pourquoi a-t-il fallu que je tombe enceinte, au juste ?
-Maman, tu avais eu des nausées, toi ? Lui demandé-je en ayant du mal à avaler mon assiette pour le petit déjeuner. Comme souvent, je demande conseil à ma mère. Après tout, elle a vécu deux grossesses.
-Oh oui ! Surtout pour les jumeaux ! Mais ne t’inquiète pas, cela va finir par passer. Tente-t-elle de me rassurer, alors que mes yeux s’arrondissent comme des soucoupes.
-Tu crois que c’est des jumeaux que j’attends ? M’inquiété-je aussitôt. Déjà que je ne voulais pas d’un enfant, alors deux…
-C’est possible mais cela reste exceptionnel ma puce. J’espère pour toi qu’effectivement, il n’y en ait qu’un. Mais mon ventre était plus gros que le tien quand j’attendais les jumeaux, si cela peut te rassurer.
-Super. Bougonné-je en toute réponse, priant le ciel que je n’ai pas une mauvaise surprise.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 3

Le temps suit son cours et poursuit son œuvre. Petit à petit, je me sens mieux. Sven me manque toujours mais je pense qu’il occupera toujours une place particulière dans mon cœur. J’ignore si un jour, j’arriverai à l’oublier complètement, mais je suis sûre d’une chose : j’apprendrai à vivre avec son absence. Je vais mieux petit à petit et ma nouvelle occupation n’y est pas étrangère ! J’ai été prise dans l’association et j’ai commencé à travailler peu de temps après cette bonne nouvelle.
Ce travail se révèle passionnant et je me sens utile au milieu de tous ces gens intéressants. Je rencontre des personnes différentes et intéressantes et cela me fait un bien fou. Mes collègues sont tous sympathiques -oui, il y a même des hommes dans ma branche, comme quoi, rien n’est perdu d’avance dans notre lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ! Ils m’ont accueilli à bras ouverts et ont pris le temps de m’expliquer l’organisation dans l’association, son historique, les actions menées au quotidien et les manifestations à venir. C’est passionnant et je sens que je vais me plaire ici !
Aujourd’hui, nous nous sommes rendus dans des collèges pour sensibiliser les élèves aux droits des femmes et à l’égalité entre tous les êtres humains. Nos avons organisé des ateliers et les adolescents ont eu l’air réceptifs. Cette journée est tellement gratifiante !
Puis, je reçois un appel de Paul. Il me propose de le rejoindre au parc de Willow Creek. Il souhaite me parler et apparemment c’est important.
Alors, en sortant du travail à San Myshuno, je me dépêche d’aller au parc pour rejoindre mon ami. Il m’a manqué, cela fait tellement longtemps que je l’ai pas vu !

-Hey Paul ! Cela me fait plaisir de te voir ! Le salué-je joyeusement en le serrant dans mes bras.
-Salut Rosie, je suis content de te voir aussi. On va s’asseoir ?
-Je te suis !

Je le suis donc jusqu’à une table de pique-nique. Le temps est agréable et c’est sympathique de se retrouver ici, à l’extérieur en cette fin d’après-midi.
-Alors ? Comment vas-tu ? Ca fait un bail que je t’ai pas vu !
-Je vais bien. Et toi ? Comment te sens-tu avec le départ de Sven ? Me demande-t-il, inquiet à mon égard.
-Je fais avec. Soupiré-je. Mais ça va mieux, je crois. Et comme mon nouveau boulot me passionne, ça m’aide à penser à autre chose.
-Je suis ravie pour toi Rosie… Ca m’a fait mal au cœur de savoir que tu n’allais pas bien…
-C’est… gentil. Mais c’est derrière moi maintenant, je pense. Et toi ? Quoi de neuf ? Changé-je aussitôt de sujet. Tu m’as dit que tu avais quelque chose à me dire et cela avait l’air important.

-Tu n’as pas changé. Toujours à aller droit au but ! S’en amuse-t-il en réaction à ma question. Néanmoins, il semble nerveux et malgré tout l’effort qu’il met à le cacher, je n’ai aucune peine à le voir.
-Que veux-tu ! Je suis une grande curieuse et impatiente en plus de ça ! M’en amusé-je, en essayant de ne pas trop m’inquiéter quant à sa nervosité. S’il a quelque chose de vraiment important à m’annoncer, cela explique sans doute son stress. Sans doute craint-il ma réaction alors, je tâche de paraître sereine et bienveillante. Peut-être que cela le rassurera. Alors ? Cette nouvelle ?
-Eh bien… J’ai décidé de faire un tour du monde. M’avoue-t-il finalement.

-Pardon ?! Laissé-je échapper, surprise par son annonce. Paul va faire un tour du monde ? Il va partir ?
J’ai du mal à y croire. Lui, si discret d’habitude, va partir à la découverte du monde ? Il est bien la dernière personne que j’aurais imaginé partir …. Et cela me fait un choc. Après avoir perdu Sven, je perds maintenant un ami…
-Je pars faire un tour du monde. Répète-t-il patiemment mais d’une voix plus assuré. Il semble tellement sûr de lui lorsqu’il dit ça, et plus apaisé maintenant qu’il me l’a dit à voix haute.
-Mais… Pourquoi ? Pendant combien de temps ?
-Je… J’ignore quand je reviendrai… J’ai juste besoin de partir en fait. Soupire-t-il dans un haussement d’épaules. Je… C’est… C’est le bordel dans ma vie en ce moment, que ce soit à la maison ou autre… T’imagine pas à quel point c’est le bazar et j’ai besoin de m’éloigner, pour faire le point… Pour découvrir autre chose, aussi.
-Donc, tu fuis ?

-Je ne dirai pas ça comme ça. Mais comme je t’ai dit, j’ai besoin de prendre du recul. Me corrige-t-il calmement, en me souriant gentiment. Et c’est un rêve de gosse de voir ce qu’il se passe en-dehors de nos frontières alors je me dis que c’est le moment ou jamais. J’ai l’intention de prendre le temps dont j’ai besoin, d’où le fait que je ne sais pas combien de temps je pars… Ni même si je vais revenir un jour, pour ne rien te cacher. Toutes les options sont possibles et je ne suis pas encore décidé.
-Je… vois… Essayé-je d’encaisser la nouvelle. L’un de mes meilleurs amis s’en va, pour une durée indéterminée. Cela me fait tout drôle, mais je n’ai pas mon mot à dire. Si c’est ce que tu veux, je te souhaite un bon tour du monde… Mais tu as intérêt à m’envoyer des photos !
-Pas de problème ! Ne peut-il s’empêcher de rire.
-Ta famille a réagi comment à la nouvelle ? Lui demandé-je ensuite, soudainement inquiète pour mes amis, Pierre et Caroline.
-Ma mère l’a bien pris. Elle me soutient et m’assure qu’elle m’enverra de l’argent pour que je puisse subvenir à mes besoins… Quant à mon père… C’est tout le contraire. Soupire-t-il, son regard se faisant plus sombre. Il dit que j’abandonne la famille et que je devrais avoir honte. Un comble, quand on sait comment il occupe son temps libre. Ajoute-t-il en serrant le poing. Il n’a pas besoin d’en dire plus pour que je comprenne. Les infidélités de son père ne sont plus tellement un secret et mon cœur se serre à cette pensée. Je ne peux m’empêcher de penser à Roxane et Ryan, fruits de ses écarts de conduite. Mais il peut bien dire ce qu’il veut, je m’en fiche. Je suis adulte et il n’y a rien de mal à faire un tour du monde. Pierre m’encourage et Caro m’a fait promettre de lui écrire régulièrement.
-Ca ne m’étonne pas d’eux. Lui souris-je alors, en faisant référence à son frère et à sa sœur.

Les semaines passent. Paul s’est envolé vers d’autres horizons, sans manquer de me dire au revoir avant de partir. J’ai eu la gorge noué, mais je me suis reprise. Nous avons grandi et il est normal que chacun suive sa route. J’ai décidé de rester, il a souhaité partir. J’espère juste qu’il sera heureux, durant son voyage. Et peut-être qu’un jour, il reviendra et nous nous reverront à ce moment-là.
Quant à moi, je poursuis ma route. Je me donne à fond dans mon travail. C’est vraiment enrichissant et je m’épanouis de plus en plus dans l’association. Je découvre aussi San Myshuno, qui est vraiment un lieu incroyable. Peut-être qu’un jour je viendrai vivre ici, pour me rapprocher de mon travail… Mais pas toute suite. Je suis bien chez mes parents et je ne me sens pas encore prête à les quitter. J’ai perdu trop de personnes à mon goût ces derniers temps, j’ai encore besoin de stabilité … Et je n’ai pas non plus assez d’économies pour me permettre de prendre un appartement toute suite !

En attendant, je profite de mon petit quotidien. En ce moment, je profite du beau temps pour aller dans la rue et faire connaitre l’association. Plus de gens nous connaîtrons, plus nous pourrons agir. Nous pourrons faire passer nos idées, faire réfléchir sur nos problématiques, et aider les femmes en difficulté.
Alors, même si je me sens parfois seule avec mon panneau en plein milieu de la place du quartier des épices, je reste motivée. Je sais que je ne fais pas tout ça pour rien.
Ma mère est fière de mon travail, et elle est même émue. Elle m’a avoué que ma grand-mère, sa mère, s’était elle-aussi engagée dans l’association, en son temps. Elle s’était même lancée en politique et est devenue la première femme à diriger notre monde ! Quand j’ai raconté ça à mes collègues, ils n’ont pas voulu me croire avant de ressortir de vieilles coupures de journaux. Le nom Opaline n’est pas très répandu et ils ont se rendre à l’évidence : ils travaillent avec la petite-fille d’une femme importante !

Mais je crois que j’en fais un peu trop. Ou que je frôle l’insolation à être tout le temps dehors en plein soleil. J’oublie un peu vite que nous sommes en été et que le soleil tape fort. Je frise le coup de chaud et j’inquiète ma mère avec mes nausées. Elle essaie de me convaincre de mettre un chapeau mais j’ai horreur d’avoir un truc sur la tête !
En plus, je me sens un peu ballonnée, depuis quelques temps. En découvrant San Myshuno, j’ai aussi découvert différentes spécialités culinaires et je crois que j’ai un peu abusé. J’ai même du demandé un tee-shirt plus grand à l’association tellement j’ai pris du poids !
Il va peut-être que je me calme sur les samoussas … Ou que je me remette au sport aussi. Je me suis un peu trop encroûtée !

Malgré mes bonnes résolutions, je n’ai pas pu m’empêcher de m’arrêter à un stand de nourriture en sortant du travail. Mon ventre crie famine et je ne peux pas résister à ces bonnes odeurs en rentrant chez moi. Le stand se trouve sur le chemin vers la gare aussi ! Tout est fait pour me faire craquer !
En même temps, j’ai tout le temps faim en ce moment. Je soupire devant mon assiette.
Je crois que j’essaie de compenser, en fait.

En quelques mois, j’ai perdu Sven, puis Paul… Fini ma vie de petite adolescente, bonjour la vie d’adulte et ses bouleversements. Du coup, je mange, comme pour compenser et m’aider à vivre ces étapes et à passer à autre chose.
Cela me déprime subitement. La nourriture n’est pas une solution, j’en ai bien conscience. Par moment, je suis nostalgique de ma vie passée, même si j’avais Roxane sur le dos. Je crois qu’elle était plus facile à supporter que ce que je vis maintenant.
En même temps, je l’ai toujours connu insupportable. Je me demande bien ce qu’elle devient maintenant, mais j’avoue que je ne prends même pas la peine de prendre de ses nouvelles. A vrai dire, je m’en fous. Elle n’en prend pas non plus, à ce que je sache.
Je soupire une nouvelle fois en fixant mon assiette vide. Je suis incorrigible. En plus, je crois que j’ai trop mangé, j’ai mon ventre qui se tord dans tous les sens.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 2

Je pensais que le fait de lui dire au revoir serait horrible. Je pensais que ce serait le plus dur et qu’une fois les adieux passés, la suite serait plus facile.
J’avais tort.
Les jours passent depuis le départ de Sven pour la Suède. Il m’a envoyé un message avant de monter dans l’avion, où il me remerciait d’avoir rendu son séjour magique et que jamais il ne m’oublierait. J’ai souris, sur le coup, avant de me rappeler que je ne le verrai plus jamais.
Son absence est horrible. Avant son départ, nous nous sommes vus tous les jours, ou presque. Il était tout le temps là pour moi, et je n’avais qu’à appeler pour le voir.
Maintenant, tout cela est fini. J’ai conscience qu’il n’est plus là, proche de moi, mais à l’autre bout du monde.
Et c’est affreux.

J’ai l’impression d’avoir un trou béant dans la poitrine. Un trou qui s’accroît de jour en jour, toujours un peu plus.
Au début, nous discutions par mail, comme avant, comme lorsque nous nous sommes rencontrés. Nous pensions que cela nous aiderait à mieux vivre la situation. Grave erreur.
C’était encore pire. Nous parler sans pouvoir nous voir. Autant pour lui que pour moi.
Alors, nous avons décidé de ne plus nous parler. De ne plus rester en contact.
La décision a été horrible à prendre. C’est comme arracher un sparadrap. D’un coup sec. Sans à-coups. Souffrir un bon coup pour aller mieux.
C’est censé être bref, mais cela m’a paru être une éternité.

Je passe mes journées sur mon lit, en pyjama. C’est à peine si je prends le temps d’aller prendre une douche. Mes parents me forcent à descendre pour venir manger. Je n’ai pas faim, mais je m’oblige à avaler un peu de nourriture pour ne pas me laisser dépérir.
Puis, je retourne dans ma chambre, sur mon lit. J’essaie de dormir.
Le sommeil est mon meilleur ami. Cela fait passer le temps plus vite. On dit que le temps répare les blessures et je n’ai qu’une hâte : que le temps fasse son travail.

Malheureusement, j’ai l’impression que le temps passe lentement, trop lentement. Le manque ne s’estompe pas, il persiste et s’intensifie. Je suis toujours dépitée lorsque je me réveille et que je remarque que rien n’a changé. Comme si j’espérais un miracle et que tout disparaisse en un simple claquement de doigts.
Mais, cela ne fonctionne pas comme ça. Alors, parfois, je tente de faire un effort et de me lever de moi-même, sans que l’on vienne me chercher.
Il faut bien continuer à vivre… Ou du moins essayer.

Je ne fais pas grand chose de mes journées. Lorsque je sors de ma chambre, c’est pour aller dans la salle de bain ou dans le salon… Pour manger un peu. Lors de mes excursion, je vois mes parents, toujours présents. Je me demande s’il leur arrive de sortir un peu de la maison. J’ai l’impression qu’ils restent sans cesse ici depuis que Maman est à la retraite. Je culpabilise un peu car j’ai l’impression que c’est de ma faute s’ils ne profitent pas de leur retraite. Comme s’ils avaient peur que je fasse une bêtise s’ils avaient le malheur de mettre un pied dehors.

Après le départ de Sven, j’ai été obligée de tout avouer à mes parents. Ils ont remarqué sans problème mon changement d’attitude et ma mère ne m’a pas lâché jusqu’à ce que je lâche le morceau. A bout nerveusement, j’ai tout avoué. Ma relation avec Sven, mes choix amoureux, le harcèlement que je subissais sur internet… Elle a été d’une grande écoute et d’un soutien immense. Elle me laisse de l’espace quand j’en ai besoin, et elle se montre présente quand elle le juge nécessaire. Je sens mon père plus maladroit et moins à l’aise, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Je sais que cela le perturbe plus qu’il ne veut l’admettre de voir sa fille malheureuse. Et qu’il voit aussi que ma mère assure comme une cheffe, comme si elle avait toujours fait ça.

Je mentirai si je disais que cela me fait pas du bien de lui parler. Cela me permet d’extérioriser mes démons. Puis, elle essaie de me rassurer, en m’assurant que cela va passer, que tout finira par aller mieux. Elle m’assure également qu’elle a fait le nécessaire pour le harcèlement que je subissais en ligne. J’ignore ce qu’elle a bien pu faire et je ne peux que la croire sur parole. Je ne suis pas retournée sur les réseaux sociaux depuis le départ de Sven.
Mais je connais ma mère. Si elle me dit qu’elle s’en est chargée, c’est qu’elle a pris un malin plaisir à défendre sa fille. Après tout, à une époque, elle traînait beaucoup sur des forums et elle maîtrise les codes d’internet grâce à ça.

Petit à petit, j’essaie de participer aux tâches de la maison. Je vis ici et pour le moment, je n’ai pas forcément envie de partir et de me trouver un logement. Je n’ai même pas de travail et pour le moment, je ne me sens pas la force de trouver quelque chose.
Alors, je fais ce que je peux pour ne pas non plus être un poids pour mes parents. Je leur cause déjà du soucis, alors je ne veux pas en rajouter une couche… Alors, doucement, je sors de ma chambre pour participer aux tâches ménagères, pour faire la lessive par exemple.

Pendant que je commence à sortir un peu plus de ma chambre, mes parents osent également sortir de la maison. Ils ne quittent pas le terrain, mais ils profitent de la terrasse devant la maison pour jouer aux échecs. Je crois que c’est cette passion qui les a rapproché, au départ… Cela doit leur rappeler leur jeunesse, je pense.
J’ignore qu’est-ce qui les ont motivé à profiter de l’extérieur. L’été est arrivé mais je doute que ce soit la saison la cause de ce changement. Il fait généralement plus frais à l’intérieur qu’à l’extérieur…

Un jour, je croise mon reflet dans le miroir. J’ai une tête à faire peur et mon allure fait pitié. Lorsque je me regarde, je ne vois qu’une pauvre fille qui pleure pour un mec. J’ai été harcelée et dénigrée, des filles meurent à cause de ça, mais non, je m’apitoie sur mon sort parce que Sven est rentré chez lui. Je ne ressemble plus à rien et je ne suis plus que l’ombre de moi-même.
Je suis dépitée face à mon reflet. L’image que mon miroir me renvoie ne me correspond pas. Je ne me reconnais plus…

Je respire un grand coup. J’essaie de rassembler mes idées. Je ne peux pas continuer comme ça. Ce n’est pas en restant enfermée dans ma chambre et en ne faisant rien de mes journées que j’irai mieux.
Alors, il faut que je me bouge. Quitte à me forcer, à me donner un coup de pieds aux fesses à moi-même. Il faut que je sorte et que je vois du monde. Il faut que j’occupe mon esprit et que je pense à autre chose qu’à Sven et son absence.
-Aller Rosie, tu peux le faire! Tu peux te sortir les doigts des fesses ! Tenté-je de me motiver, face au miroir.

Petit pas par petit pas, j’avance doucement. Et je me rends compte que j’ai déjà commencé à aller mieux, avant de décider de me bouger. C’est sans doute pour cela que mes parents ont commencé à prendre plus de liberté.
Je poursuis donc mes efforts, et cela commence par mon apparence. Je ne peux plus passer ma journée en pyjama alors je recommence à m’habiller et à me coiffer. La canicule étant bien installée, ce n’est pas bien compliqué de remplacer mon pyjama par des tenues légères. Petit à petit, la Rosae que tout le monde connait refait surface et je dois avouer qu’elle m’avait manqué, à moi aussi.
Puis, je me mets à chercher un travail. Je ne sais pas trop quoi faire de mes dix doigts, alors je ne suis pas très exigeante dans mes recherches. Jusqu’au jour où je suis tombée sur une offre qui m’ait apparu comme une évidence. Une place s’est libérée dans une grande association locale qui promeut l’égalité. Elle a plusieurs branches d’action et la présidente de l’association cherche quelqu’un dans la branche féministe. Je n’ai pas attendu davantage pour appeler et proposer ma candidature. Cette offre est arrivée comme un signe du destin, comme une route qui s’ouvre en toute logique face à moi.

Nous discutons pendant un moment avec la présidente et elle semble très intéressée par mon profil. Elle me rappellera mais je reste confiante. Ce n’est pas le travail le mieux payé du monde mais je m’en fiche. Je veux agir pour aider les autres et agir pour faire changer les mentalités. Et peut-être qu’un jour, plus aucune femme ne subira ce que j’ai vécu.
Pendant le déjeuner, ma mère me regarde avec un sourire. Je crois qu’elle a remarqué ma bonne humeur. Je pense que me voir reprendre du poil de la bête lui fait du bien. Cela me soulage de savoir qu’elle ne s’inquiète plus pour moi.
-Dis moi ma fille, commence-t-elle à me dire avec un regard complice, ça te dirait qu’on se fasse une après-midi au spa entre mère et fille ? J’ai déjà emmené ta sœur et je me suis toujours promis de t’y emmener toi aussi. Et je pense que cela te fera du bien, après cette mauvaise période…
-Bah, pourquoi pas. Accepté-je en lui offrant un sourire. Je vois ses yeux pétillés. Je crois qu’elle est heureuse de me voir sourire, à nouveau. Un sourire même pas forcé en plus, car je suis sincèrement ravie de passer une après-midi juste avec ma mère.
Et je suis d’accord avec elle : cela me fera du bien.

Après avoir terminé la vaisselle, nous partons donc toutes les deux au spa de Newcrest. Je découvre les lieux avec curiosité alors que ma mère semble être comme chez elle. Je la soupçonne y être retournée toute seule, ou avec Charlotte, lorsque nous avions le dos tourné… Mais avec raison. Avec nous trois à élever, cela devait lui faire du bien de venir ici se détendre. Surtout à cause des conflits qui nous liaient, Roxane et moi.

Ma mère décide de m’offrir un massage. En regardant sur les prix, je suis un peu gênée et elle ne me laisse pas d’autres choix que d’accepter. Si nous sommes venues ici, c’est parce qu’elle veut me faire plaisir. Je n’ai pas d’autres mots à dire que de choisir quel type de massage je souhaite. J’essaie de la convaincre de participer, mais elle refuse. Elle me dit que je n’aurais qu’à emmener mes filles, si j’en ai un jour.
Je souris pour la forme, mais pour le moment, avoir des enfants n’est pas dans mes objectifs.
Mon sourire se transforme d’ailleurs rapidement en grimace car le massage n’est pas forcément toujours agréable sur le coup. Mais une fois celui-ci terminé, je ne peux qu’admettre que je suis totalement détendue.

Après le massage, nous profitons ensuite du sauna. Il n’y a pas grand monde mais nous sommes en semaine. La plupart des gens travaillent à cette heure-ci. Et bientôt, ce sera peut-être aussi mon cas. J’ai la sensation qu’une nouvelle vie est en train de s’ouvrir à moi.
Mais avant d’entamer une existence trépidante, je profite encore un peu de moment privilégier avec ma maman.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 1

J’essaie de passer à autre chose. Je ne vais plus sur les réseaux sociaux et je tente de faire l’autruche. Les choses finiront bien par se tasser, non ? C’est triste à dire, et révoltant, mais ces satanés individus au QI d’huître finiront par se trouver une autre cible et me laisseront tranquille. Il suffira d’une boulette d’une simtubeuse, et on m’oubliera.
Heureusement pour moi, malheureusement pour d’autres. Si seulement les choses pouvaient changer…
De toute façon, le lycée est terminée. Et aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Une nouvelle vie s’offre à moi et ces tracas seront bientôt de vilains et vieux souvenirs. Et pour passer à autre chose, j’ai absolument tout prévu !
L’après-midi, je le passe avec mes parents. Juste mes parents. Et le soir, je file faire la fête avec mes amis, en boîte de nuit ! J’ai bien besoin de ça pour me défouler et penser à autre chose.
Papa m’a fait un gâteau. Il est magnifique et il a l’air tellement bon !

-Bon anniversaire ma chérie ! Me souhaitent mes parents pendant que je souffle mes bougies.

Après avoir mangé le gâteau en compagnie de mes parents, je file dans ma chambre pour me préparer pour ma soirée. Au passage, j’en profite pour tester de nouveaux look. J’ai envie de changer de tête. Je garde ma couleur, bien sûr, mais j’ai envie de me coiffer différemment.
Après plusieurs essaies, je suis satisfaite du résultat. Je ne ressemble plus à une adolescente et j’ai l’air plus sûre de moi.
Je suis sublime pour ma soirée de ce soir, pour mon anniversaire. Pour Sven.
Pour sa dernière soirée ici, avant qu’il ne s’envole pour la Suède demain.
Je secoue la tête. Je ne dois pas y penser.

La nuit tombe, les heures filent et vient le moment de rejoindre mes amis en boîte. Je me rends donc à Windenburg et mes amis m’attendent déjà. Ainsi que Sven, qui semble bien s’entendre avec mes amis. Ils me souhaitent tous un joyeux anniversaire et nous entrons à l’intérieur. Nous connaissons bien cette boîte. C’est ici que nous sommes venus pour le nouvel an et on s’était bien amusé. C’est tout naturellement que j’ai choisi qu’on vienne ici pour mon anniversaire.
Le hasard fait que j’ai croisé mon frère et ma sœur en entrant, mais j’ai choisi de les ignorer. Ce soir, je n’ai pas envie de me prendre la tête.
L’unique objectif de ce soir est que je m’amuse.

Je me laisse porter par la musique du DJ. Je me vide l’esprit de mes problèmes du moment. Ce n’est pas parce que les gens se déchaînent sur internet que je dois rester chez moi à me morfondre.
Bien au contraire, c’est ce qu’ils veulent.
Alors je sors. Je continue à vivre. Je me défoule sur la piste de danse. Et cela me fait un bien fou.
Quelques pensées parasites viennent troubler mon esprit et j’essaie de les chasser. Je danse encore plus. Je me concentre sur la musique. Je m’amuse. Je ris avec mes amis et sur leurs pas de danse hasardeux.
Aujourd’hui, je suis majeure et je compte bien en profiter !

J’aperçois Sven dans la foule. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Ce soir, c’est sa dernière ici, avec moi. Demain, il ne sera plus là. J’ai du mal à imaginer mon quotidien sans lui. Il a pris une telle place dans ma vie que dorénavant, vivre sans lui me parait inconcevable.
Mais je n’ai pas le choix. J’ai appris à vivre avec lui, il faudra que j’apprenne à vivre sans lui.
Pour le moment, il est encore là. Je vais vers lui, bien décidée à profiter de sa présence. Si ce n’est pas maintenant, ce ne sera plus jamais. Je m’approche de lui, toute souriante, pour ensuite me jeter sur ses lèvres. Un long baiser délicieux, qui me fait tout oublier pendant un instant.

Je me sens si bien, si prêt de lui. Je profite de sa présence, de son visage, de son odeur, du son de sa voix. Je mémorise tout dans ma mémoire, pour ne rien oublier. Tous ces détails seront mes précieux trésors, que je conserverai précieusement.
Parce que Sven n’est pas quelqu’un qu’on oublie.
-Tu vas bien ? Tu passes une bonne soirée ? Me demande-t-il en approchant ses lèvres de mon oreille afin que je puisse l’entendre. Je sens mon corps frissonner à cette approche.
-Nickel ! Je profite de chaque instant ! Lui assuré-je avec un sourire, avant de l’embrasser à nouveau.

La soirée continue, de nouvelles pensées parasites parcourent mon esprit. Cela m’agace. Je veux profiter de ma soirée. C’est ma soirée. Je ne veux pas être déprimée pour mon anniversaire; Il faut que je m’amuse.
Je vais au bar. Si je n’arrive pas à chasser ces pensées toute seule, je vais essayer de m’aider un peu. Et maintenant que je suis majeure, je peux profiter des jus de fruit du bar.
Je me commande un verre, puis un deuxième, puis un troisième. L’effet commence à se faire sentir. Ce n’est pas forcément très raisonnable mais je me sens mieux. J’arrive à me détendre et je n’entends plus les pensées parasites.
Et puis, je rentre en taxi ce soir, alors je peux me permettre si cela m’aide.

Maintenant que je suis détendue, je retourne sur la piste de danse. Je retrouve mes amis et nous dansons. Tous ensemble, nous profitons de la musique et nous nous laissons aller sur le rythme de la musique.
Cela me fait tellement de bien de me laisser aller. De passer ce temps avec mes amis. Un jour, il faudra que je sois responsable mais pas ce soir. Pour le moment, je m’amuse. Je profite de ma soirée pour me défouler, me libérer de mes tensions.
Je me sens tellement bien !

A force de danser, je commence à avoir soif. Je retourne au bar me commander un verre. Pendant que je le bois, j’observe la piste en contre-bas. Malgré la foule, mes yeux ne voient que Sven. Alors que je le regarde évoluer dans l’espace, des idées friponnes commencent se développer dans mon esprit. Voilà des pensées plus agréables.
Je laisse mon verre et je vais vers lui. Il me sourit en me voyant, pendant que je m’approche vers lui.

-On peut s’éclipser ? Lui proposé-je alors, en affichant un grand sourire qui en dit long sur mes pensées du moment.
-Pourquoi ? Tu t’amuses pas ? S’inquiète subitement Sven, qui ne comprend visiblement pas où je veux en venir.
-Si, mais j’ai envie de m’amuser d’une autre manière… Il y a un espace en bas, avec des placards… On sera tranquille, y’a jamais personne. Lui soufflé-je en me mordant la lèvre inférieure, tandis que je vois ses yeux pétiller. Ca y est, il a compris.
-Tu es sûre ? On pourrait se faire surprendre.
-M’en fiche. Tu pars demain et je veux profiter de cette soirée comme il se doit. Lui susurré-je en lui prenant la main pour l’attirer au sous-sol de la boite de nuit.

Lorsque nous arrivons à destination, Sven se jette aussitôt sur mes lèvres. Il me plaque contre la porte du placard. Il a l’air si sage en apparence, alors qu’il est si passionné dans l’intimité… Le contraste est plaisant. Je savoure la situation. Je profite de chacun de ses b.aisers et de ses caresses. Seul l’instant présent compte et j’oublie tout le reste. Même mes amis à l’étage sont maintenant au fin fond de mes pensées.
En cet instant, je veux juste profiter. Je sais que c’est la dernière fois, et je veux imprimer chaque seconde dans ma mémoire.

-Tu es sûre de toi ? Me demande-t-il une nouvelle fois, alors que je n’ai qu’une seule envie : qu’il se taise et qu’il continue. Et si quelqu’un arrive ?
-Il profitera du spectacle écoute. Et le risque de se faire surprendre rend la chose … plus excitante non ? Lui dis-je sur un ton taquin, coquin. Mon regard se remplit de malice et de désir. Je n’en peux plus. J’ouvre la porte du placard et je l’attire à l’intérieur.
Nous savons tous les deux que c’est la dernière fois, que nous vivons nos derniers moments tous les deux. Que demain, tout ne sera plus que souvenir.
Nos étreintes sont donc plus passionnés, plus intenses. Nous vivons ce que nous pourrons plus vivre. Nous faisons ce que nous pourrons plus faire. Tout ce que nous voulons faire, tester, nous le faisons.
Le temps ne compte plus. Le monde extérieur n’existe plus. Là, maintenant, dans ce placard, il n’y a plus que nous. Nous avons du mal à nous détacher. Comme si nous ne voulions pas être séparé.
Une chose est sûre : lorsque nous nous décidons enfin de sortir de ce placard, nous n’aurons aucun regret.

Nous retournons donc à l’étage, pour rejoindre les autres. Mais nous sommes surpris de découvrir que la boite s’est vidée. Je ne vois pas mes amis, nul part. Je pense qu’ils ont du partir en ne me voyant plus. Je jette un regard complice à Sven, et nous rions ensemble.
A mon avis, ils ont du repérer l’absence de Sven également et je pense que personne n’est dupe. Mais je m’en fiche d’avoir laissé tomber mes amis pour profiter de Sven. Je sais qu’ils comprendront.
L’heure est cependant venue de partir. De quitter cette bulle et de rentrer chez moi. Et lui, chez lui.
Mon cœur, auparavant si léger, devient brusquement lourd. Je regarde Sven, et je me jette sur ses lèvres.
Je veux encore en profiter. Encore un peu. Juste un peu.
Si seulement le temps pouvait s’arrêter…

-On va devoir y aller, Rosie. Me souffle Sven, dont la tristesse se lit sur son visage. Lui aussi voudrait que ce moment ne s’arrête jamais. Malheureusement, la réalité commence à reprendre sa place, sans nous laisser le choix.
-C’est vraiment obligé ? Soupiré-je, grappillant quelques précieuses minutes supplémentaires. Pour reculer pour mieux sauter.
-Malheureusement. Je dois prendre mon avions dans quelques heures et il faut que je dorme un peu, avant. Et être en avance à l’aéroport. Souffle-t-il, avec regret. Nous le savons tous les deux, c’est la fin. Nous allons nous quitter et plus jamais nous nous reverrons.
Nous allons partir, et ce sera terminé. Je me serre contre lui, la gorge nouée. Nous ne disons plus un mot, ils sont inutiles. Nous nous comprenons par nos gestes, nos regards. Nous nous embrassons avec passion, puis avec tendresse.
Nous sortons de la boîte pour aller dehors. J’attends mon taxi. Le soleil commence à se lever. Nous avons passé la nuit entière dans la boite et nous avons rien remarqué.
Le taxi arrive. Nous nous prenons dans nos bras. Nous nous serrons fort. Puis nous nous embrassons. Pour la dernière fois.
Je monte dans le taxi. Je donne mon adresse. Puis, le taxi démarre, laissant Sven derrière moi.
Ca y est. C’est fini. Pour de.. bon.
J’éclate en sanglots dans le taxi, le cœur en miettes.

Histoire de détendre l’atmosphère, voici un petit comparatif de Rosae avec ses parents.
Une chose est sûre, c’est la digne fille de sa mère 🙂