Génération Jaune – Génération 3 – Chapitre 1

Après mon anniversaire, les choses ont repris leur cours normal. Papa est retourné en Suède avec Kalpita. Nous continuons de discuter par webcam interposé et c’est plutôt sympa. Je sais que Papa regrette que nous ne soyons pas plus proches, géographiquement parlant, mais la vie est faite ainsi. Il a son travail en Suède et ce n’est pas à son âge qu’il va s’amuser à retrouver du travail ailleurs.
En parlant travail, Maman est rentrée avec un immense sourire aux lèvres ce soir. A midi, elle déjeunait avec ses collègues, pour le départ de la responsable de l’association « Pour un Monde Uni ». Avant de partir, elle devait nommer quelqu’un pour la remplacer. Et elle a choisi Maman. Ce n’était pas une surprise car beaucoup de bruits de couloir affirmaient déjà qu’elle serait la prochaine responsable d’association, vu qu’elle fait un travail formidable en tant que responsable de la branche Féminisme. Mais maintenant c’est officiel et Maman a signé son nouveau contrat dans la foulée, après le déjeuner. Je n’ai jamais vu Maman aussi fière d’elle.
Quant à moi… Je suis fière d’elle aussi. Elle a travaillé dur pour faire bouger les choses et maintenant, elle a atteint le sommet de sa carrière. J’étais déjà fière d’avoir une mère qui fait tout pour améliorer les conditions de vie des femmes dans notre pays. Maintenant, elle est comme un modèle pour moi… J’espère réussir comme elle, dans mon futur travail. Moi aussi, je veux atteindre les sommets !

Le soir, nous dînons souvent à trois à table. Paul passe de plus en plus de temps à la maison, surtout depuis que lui et Maman savent que je suis au courant pour leur relation. Etant donné que Paul vit toujours chez son frère, je ne serai pas étonnée de le voir poser ses valises ici dans les semaines à venir. Ce serait la suite logique des choses et ce serait mieux pour lui. Au moins, ici, il pourra vraiment se sentir comme chez lui et vivre aux côtés de la femme qu’il aime. Et personnellement, cela ne me gêne pas qu’il soit là, au contraire. Je l’aime bien, il est gentil et il rend ma mère heureuse. Que lui demander de plus ?
-Au fait, ma chérie, tu as réfléchi… à ce que tu voulais faire ? Me demande Maman, un soir, sur un ton sérieux. Sur le coup, je suis surprise par sa question. Elle sait très bien que dans quelques jours, je vais commencer mon travail à l’Agence Spatiale.
-Comment ça ? Lui dis-je, quelque peu interloquée.
-Je veux parler par rapport à la maison. Est-ce que tu veux rester vivre ici ou déménager ? Non pas que je veuille te mettre à la porte hein ! Bien au contraire ! Je veux juste savoir.

-Ah ! M’exclamé-je, comprenant enfin sa question. Elle veut juste s’intéresser à mes projets et savoir si je compte prendre mon indépendance. Pendant un instant, j’ai cru qu’elle avait perdu la tête. Pour l’instant, je compte rester ici. J’ai envie d’avoir ma propre maison, un jour, mais j’aimerais économiser pour pouvoir m’offrir ce que je veux.
-Tu sais, si tu as vraiment envie de déménager et prendre ton envol, je peux t’aider si tu as besoin. Avec mon salaire je peux très bien…
-Non merci, Maman, ça va aller. Je veux pouvoir me débrouiller toute seule, tu sais.
-Comme tu voudras. Tu veux qu’on redécore ta chambre ? Ou qu’on change ton mobilier ? Tu as encore un lit d’enfant, tu aurais peut-être envie d’un lit… double ?
-Ce n’est pas la peine Maman, je suis toute seule, je n’ai pas besoin d’un… Commencé-je en secouant la tête, avant de comprendre subitement. Maman ! M’exclamé-je alors sur un ton de reproche suite à son sous-entendu.
-Mais je n’ai rien dit ma puce ! Je veux juste que tu sois à ton aise ici ! Se défend-t-elle avec un faux air innocent, alors que j’aperçois Paul se retenir de rire du coin de l’œil.
-Mais bien sûr, prends moi pour une bille. Et sinon, c’est quand que Paul emménage ici ? Demandé-je avec un sourire narquois sur les lèvres, ravie de ma petite vengeance dans le thème des questions gênantes.
Aussitôt, je les vois se regarder tous les deux, avec une moue embarrassée sur leurs visages. Je ne peux m’empêcher de rire en voyant leur tête. Il ne leur faut vraiment pas grand chose pour être gênés, c’est fou !

Après le repas, Maman prend les assiettes pour faire la vaisselle. Quant à moi, je décide de m’occuper un peu de mon beau gros Phenix. Depuis que nous l’avons, il ne cesse d’être prêt de moi, comme s’il savait que je suis sa maîtresse. La nuit, il reste même dans ma chambre, comme s’il veillait sur moi. Il est vraiment adorable comme chien.
Pendant que je le caresse, je me replonge dans mes réflexions. Je me demande pourquoi Maman et Paul sont aussi gênés quand on parle de leur couple. A leur âge, ils ne devraient plus avoir peur et ne plus hésiter pour vivre chaque instant à fond ! Dire qu’ils n’ont même pas encore annoncé officiellement leur couple ! A ce rythme, Paul habitera ici que Maman n’aura même pas encore dit à Tonton et Tata qu’elle est avec lui. Bon, je veux bien comprendre qu’il y a tout un passif compliqué, mais de l’eau à couler sous les ponts depuis.
Et honnêtement, je pense qu’ils sont déjà au courant. D’autant plus que Tonton est notre voisin et qu’il a déjà du remarquer la présence très fréquentes de Paul dans le quartier. Alors, pourquoi continuer à faire des secrets pour pas grand chose ?

Bon, je chipote mais c’est comme si Paul vivait déjà ici, en vrai. J’ai déjà vu Maman faire du tri dans ses affaires, soi disant pour se débarrasser de vieux vêtements qu’elle ne met plus. Autrement dit, elle faisait de la place pour que Paul puisse mettre ses propres affaires dans les placards. J’ai aussi remarqué la troisième brosse à dent qui trône à côté du lavabo dans la salle de bain. Donc, à ce niveau-là, autant dire les choses honnêtement, non ?
Enfin, ils font bien ce qu’ils veulent. Ils sont grands et ils savent certainement ce qu’ils font. En attendant, je suis juste contente pour Maman. Ca me fait plaisir de la voir aussi heureuse, aux côtés de Paul. Je ne l’ai jamais vu aussi rayonnante et elle le mérite.

De mon côté, le grand jour finit par arriver. Aujourd’hui, j’attaque enfin mon premier jour à l’Agence Spatiale ! Pour l’instant, je suis encore loin des expéditions dans l’espace et de la tenue d’astronaute. Je débute en tant que technicienne, ayant déjà les compétences techniques suffisantes pour travailler sur l’entretien des fusées grâce à mes recherches et le montage de ma propre fusée. Ce n’est pas le métier de mes rêves, mais il faut bien commencer quelque part. Je commence petit, mais un jour, j’atteindrais les étoiles !

Mais, malgré mon enthousiasme et ma motivation, c’est tendu que je rentre à la maison le soir, après ma journée de travail. Je ne peux m’empêcher de râler contre mes stupides collègues, Je pensais que c’était l’adolescence qui faisaient que les garçons sont stupides et étroits d’esprit. Mais non, visiblement, ce doit être dans leur nature vu la journée épouvantable que je viens de passer !
-Bonsoir Joy. M’accueille Paul, après avoir éteint la télé. Excuse ta mère, elle s’est endormie sur le canapé en t’attendant mais elle était exténuée après sa journée de travail. Comment s’est passé ton premier jour ?

-Épouvantable ! M’exclamé-je alors que j’entends la baie vitrée s’ouvrir. Tiens, salut Tonton.
-Bonsoir Joy, ne vous déranger pas pour moi. On a une panne d’internet et je dois absolument envoyer un article à ma rédaction ce soir pour la publication de demain. J’en ai pas pour longtemps !
-Qu’est-ce qui s’est passé Joy ? M’interroge Paul, en re-concentrant son attention sur moi.
-Mes collègues sont des abrutis ! Ils n’ont pas cessé de me rabaisser de la journée car je suis une femme et que je n’ai absolument pas la tête de l’emploi, parait-il ! Du coup, au lieu de me laisser travailler tranquille, ils n’ont pas arrêté d’être sur mon dos, voir carrément faire les choses à ma place pour éviter, je cite, « de me péter un ongle » ! Et encore, ça, c’est quand ils ne me demandaient pas d’aller leur chercher le café !
-Oh ! Je … je suis vraiment désolé Joy… Se montre compatissant Paul, sans trop savoir quoi répondre pour m’apporter son soutien.

-C’est vraiment révoltant ! Surtout qu’ils enchaînaient les bêtises et que je passais mon temps à tout réparer dès qu’ils avaient le dos tourné ! Je pensais être tranquille une fois dans le monde du travail, mais les hommes sont vraiment trop stupides !
-Hey ! Je ne suis pas stupide et je sais que tu vas tout déchirer à ton travail ! Intervient subitement mon oncle en faisant mine d’être vexé.
-Ryan a raison, tous les hommes ne sont pas stupides, déjà. Confirme Paul sur un ton plus posé. Puis, j’imagine que l’aérospatial est un domaine très masculin et ils font certainement les coqs en voyant une jeune femme arrivée dans l’équipe. Surtout s’ils jugent avant de réfléchir et qu’ils pensent que tu n’as rien à faire là.
-Ca pour juger avant de réfléchir, ils jugent ! Je me demande même s’ils sont capables de réflexion !
-Joy, je sais que ce n’est pas facile, mais essaie de les ignorer. Fais ton travail, surpasse toi, et montre leur à quel point ils sont stupides. Avec un peu de chance, ils seront forcés de se rendre à l’évidence et t’accepter comme leur égal. Ou tes supérieurs remarqueront ton talent et tu ne seras plus obligée de travailler avec eux grâce à ta promotion.
–Mmmh, tu as sans doute raison. Soupiré-je, en essayant de calmer ma colère. De toute façon, s’ils continuent de me chercher, leur café brûlant finira « accidentellement » sur leurs noisettes ! Conclué-je, ne manquant pas de faire rire Paul.