Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 16

Je suis un peu perturbée depuis le départ de Sven et le baiser que nous avons échangé après l’anniversaire de Joy. Je m’attendais à ressentir à nouveau des frissons et les papillons dans le ventre, comme lorsque nous étions adolescents, mais il n’en était rien. La sensation était tout autre et étrange, et cet échange m’a laissé plus mal à l’aise qu’euphorique.
Peut-être parce que nous avons besoin de nous retrouver un peu, après tout ce temps passé éloignés l’un de l’autre ? Après tout, nous avons bien changé et peut-être que nous avons besoin de nous réhabituer à la proximité de l’autre pour que tout redevienne une évidence.
Il y a également un autre point qui me préoccupe. Maintenant que Sven est de retour dans nos vies, même s’il vit en Suède, je dois annoncer à Joy qu’il est son père. Je ne me vois pas continuer à lui faire croire qu’il s’agit juste d’un ami, et elle est en droit que connaitre l’identité de son père. Pour le moment, ce sont les vacances et elle n’est pas encore allée à l’école. Mais, une fois là-bas, elle se rendra vite compte que les autres enfants ont deux parents, alors qu’elle n’a juste que sa mère. Je n’ai pas envie qu’elle se pose des questions inutiles… Alors, autant profiter de ce moment d’accalmie pour discuter avec elle… En espérant qu’elle le prenne bien.
-Qu’est-ce que tu lis de beau ? Lui demandé-je en entrant dans sa chambre, la découvrant assise sur son lit avec un livre dans les mains.
-Un livre de fantasy ! Ca parle d’une fille qui vit sur Terre et qui a des pouvoirs et un jour, elle découvre qu’elle vient d’une autre planète et qu’un méchant veut sa peau ! C’est génial ! S’exclame-t-elle joyeusement alors que j’hausse un sourcil intrigué. Je n’ai absolument rien compris, mais j’imagine que cela a du sens pour elle…

Je m’installe ensuite sur son lit, à ses côtés, et elle ne semble pas tellement perturbée par ma présence. Au contraire, elle semble absorbée par sa lecture, m’ignorant complètement. Je regarde par-dessus son épaule pour tenter de lire quelques lignes de son roman, mais je ne comprends pas davantage l’histoire. La seule chose que j’ai saisi, c’est qu’il y a une histoire d’extra-terrestre. Je repense avec émotion à Maman, quand elle s’amusait à raconter ses histoires à Joy pour la convaincre d’aller prendre son bain. Visiblement, cela a laissé des traces.
-Je peux te parler ma puce ?
-Oui bien sûr. Me confirme Joy, sans pour autant lever les yeux de son livre.
-Est-ce que tu peux poser ton livre deux minutes ? C’est important.

Je suis un peu gênée de lui demander ça. J’ai l’impression de la déranger dans son quotidien et ses loisirs. Mais je n’ai pas envie de parler à une couverture de livre …
Néanmoins, malgré mes craintes, elle se contente d’obtempérer sans discuter. Elle glisse un marque-page avant de fermer son livre et me regarde avec bienveillance.
-Tu veux me dire quoi, Maman ? Me demande-t-elle, tout en allant poser son livre sur sa banquette avant de revenir s’asseoir à côté de moi.

-Tu… Tu te souviens du monsieur blond, qui est venu à ton anniversaire ? Commencé-je, afin de voir si elle le visualise bien.
Et, je l’avoue, j’essaie de gagner du temps. Le stress me ronge de l’intérieur et je crains sa réaction. Je ne lui ai jamais parlé de son père jusqu’ici et elle ne l’a jamais vu. Elle n’a jamais posé de question mais elle pourrait très bien s’énerver d’avoir été privée de son père pendant toutes ses années… d’autant plus que je ne suis pas une mère très présente non plus.
-Oui, ton ami suédois, c’est ça ? Me répond-t-elle alors que je suis surprise de sa bonne mémoire. J’espérais qu’elle se souvienne qu’il s’agit d’un ami, mais j’étais loin de me douter qu’elle se rappellerait qu’il vient de Suède.
-Oui c’est ça… Lui confirmé-je dans un souffle, essayant de rassembler mes mots pour lui annoncer sa véritable identité.
-Maman ? Pourquoi tu me reparles de lui ? Me questionne-t-elle, me sortant ainsi de mes pensées.
-Et bien… Tu sais, je ne t’ai jamais parlé de… ton père jusqu’ici.
-Je sais mais c’est pas grave. Hausse-t-elle les épaules avec désinvolture. Et je vois pas le rapport.
-Ma puce… Il est temps que je te parle un peu plus de lui… Lui assuré-je alors qu’elle semble m’écouter avec attention. Elle a beau dire que ce n’est pas grave que je lui ai jamais parlé de lui, mais elle a l’air également curieuse de ce que j’ai à dire. Il était mon correspondant, au lycée. Lorsqu’il est venu ici, nous… Nous nous sommes beaucoup aimé… Et puis, il est reparti chez lui et nous avons convenu de ne plus nous parler. C’était trop douloureux, alors que nous savions que nous nous reverrions probablement plus… C’est pourquoi je ne t’en ai jamais parlé, jusqu’à aujourd’hui.
-Euh, d’accord… Me répond-t-elle, ne semblant pas comprendre où je veux en venir. Et donc ?
-Joy, ce monsieur qui était là, à ton anniversaire. Il s’appelle Sven Arendel… Et c’est lui ton père. Lui annoncé-je, en essayant de ne pas laisser paraître mon angoisse.

Le visage de ma fille reste impassible. Je perçois un léger mouvement de sourcils, sûrement dû à l’étonnement. Un silence s’installe entre nous et j’ai l’impression qu’elle cherche à m’analyser, comme si elle essayait de déterminer si je dis bien la vérité ou non.
-Ah… Mais je croyais que vous ne deviez plus vous voir ? Me demande-t-elle alors, tout en restant calme.
-Je l’ai recroisé il y a quelques jours. Totalement par hasard. Il était ici pour le travail. Je lui ai parlé de toi, et il a souhaité te rencontrer, d’où sa présence à ton anniversaire. Mais il a du rentrer en Suède pour les fêtes, et pour le moment, nous ne savons pas quand est-ce qu’il pourra revenir. Mais vous pourrez faire connaissance par internet, si tu veux.
-Ok. Se contente-t-elle de me répondre, en haussant les épaules.
-Ok ? C’est tout ? M’étonné-je alors, ne m’attendant pas à cette réaction-là. J’ai presque l’impression… qu’elle s’en fiche. Tu… Tu n’as pas de questions ? Tu… tu peux tout me dire tu sais.
-Bah… non. Je sais qui est mon père, c’est bien. Discuter avec lui sur l’ordinateur, pourquoi pas. Mais en soi, ça change pas grand chose au final. Me dit-elle avec nonchalance. Je peux reprendre mon livre ?
-Euh, oui, bien sûr. Accepté-je alors qu’elle m’offre un grand sourire ravi, pour ensuite récupérer à la hâte son roman pour se replonger dans sa lecture.
Je suis estomaquée par sa réaction. Je m’attendais à plus d’incompréhension, d’éclats, de colère de ne pouvoir être avec son père. Et au contraire, Joy a pris l’information avec beaucoup de calme …
Elle n’a encore jamais connu son père, mais visiblement, la ressemblance ne se limite pas qu’à l’apparence.

Les jours suivants, nous nous sommes concentrés sur la préparation des fêtes de Noël. C’est l’effervescence à la maison, même si, pour cette année, nous ne serons que nous trois. Ryan a déjà promis à la belle-famille de passer les fêtes chez eux, mais il m’a assuré que nous passerons le prochain Noël ensemble. Papa est un peu déçu, mais il a vite été consolé par l’enthousiasme de Joy. Son petit rayon de soleil, comme il dit, ravi de passer du temps avec sa petite-fille qui ne le lâche pas d’une semelle. Alors, quand il lui a proposé de décorer le sapin ensemble, elle a accepté sans hésiter.

Joy est très proche de son grand-père. Je ne peux pas lui en vouloir… Il a été là pour elle durant toute sa vie, alors que moi, je suis absente la plupart du temps, encore aujourd’hui. D’autant plus avec mon travail qui me prend de plus en plus de temps. Et aussi, parce que j’ai du mal à assumer mon rôle de mère, dans sa vie…
Je culpabilise car, même si pour le moment elle semble se satisfaire de la situation, elle risque de me reprocher mon absence, un jour. Et je crains ce jour car j’aime ma fille malgré tout. Et je voudrais qu’elle soit heureuse…

Après avoir fini de me préparer pour la soirée de Noël, je me dépêche de les rejoindre pour les aider à décorer le sapin. Joy me sourit en me voyant, avant de se reconcentrer sur sa tâche tout en riant des plaisanteries de son grand-père. Malgré ma culpabilité, observer leur complicité me touche. Ils sont beaux à voir tous les deux et je suis ravie de voir Joy s’entendre aussi bien avec son grand-père.
–Papy, tu connais des contes de Noël ? Lui demande subitement Joy.
-Nous avons quelques livres oui, mais il faut terminer le sapin avant.
-Tu peux lui raconter une histoire si tu veux, je vais terminer. Lui proposé-je en souriant.
-Tu es sûre ?
-Mais oui.
-Merci Maman !! S’exclame avec joie ma fille alors que Papa va chercher un livre dans le bureau.

Pendant que je termine d’accrocher les boules de Noël dans le sapin, mon père s’installe sur le fauteuil du salon. Joy, quant à elle, prend place sur le canapé, prête à écouter avec attention l’histoire que son grand-père va lui raconter.
Pendant toute l’histoire, elle ne dit rien, ne pose pas de questions. Elle m’étonne car je ne me souviens pas d’avoir été aussi sage lorsque j’avais son âge. Je crois même que je ne pouvais pas m’empêcher de couper mes parents pour leur poser des questions sur l’histoire.
Joy, elle, attend sagement la fin de l’histoire.



Le reste de la soirée se déroule tranquillement. Nous avons dîné tous les trois, Papa ayant préparé une dinde cette après-midi. Une dinde au tofu… Même si nous ne sommes pas végétariens et que Maman n’est plus parmi nous, c’est devenu une habitude. Je dois admettre que cela me ferait tout drôle de me retrouver avec une vraie dinde dans mon assiette. J’aurais l’impression de trahir Maman en faisant ça.
Après le dîner, nous déposons des cadeaux au pied du sapin, et nous invitons Joy à ouvrir le sien. Doucement, elle prend son paquet et semble surprise par le poids. Elle s’empresse de l’ouvrir et ses yeux s’ouvrent en grand.
-Un kit de petit chimiste !! S’exclame-t-elle joyeusement. Je vais pouvoir faire comme Mamie !!
-Exactement. Confirme aussitôt Papa. Tu vas pouvoir faire des expériences, comme ta grand-mère. Je te l’installerai là-haut tout à l’heure.
-Merci Papy !!
Après, c’est au tour de Papa d’ouvrir son cadeau… Il est surpris de découvrir un album photo. Cela m’a demandé pas mal de temps de lui préparer cette surprise, mais j’ai réussi à retrouver des photos de lui et Maman et à créer l’album sans qu’il ne s’en aperçoive. Il est ému mais cela lui fait plaisir.
Puis, enfin, c’est mon tour d’ouvrir mon cadeau de Noël. Papa semble fier de lui, visiblement persuadé d’avoir tapé dans le mille. En ouvrant le paquet, je découvre une carte cadeau pour un soin au spa… Pour deux.
-Il n’y a pas de date de fin de validité. Je me suis dit que tu pourras y aller avec Joy lorsqu’elle sera plus grande. Comme ta mère l’a fait avec toi et ta sœur.
-Oh merci Papa ! C’est parfait ! Lui dis-je, touchée, avant de le prendre dans mes bras pour le remercier.

Joy ne tient plus en place et Papa n’a pas d’autres choix que de lui installer son kit de petit chimiste dans les minutes qui suivent. Habitué à bricoler dans la maison, il ne lui faut pas longtemps pour tout monter sur le palier, à l’étage.
A peine monté, à peine testé. Pendant tout le temps où Papa montait le kit, Joy était plongé dans la lecture de la notice, donnant des indications pour réaliser des expériences. Elle est donc ravie de pouvoir mettre en application sa lecture, afin de pouvoir « faire comme Mamie » !

Pendant que Joy joue les apprentis scientifiques, nous descendons au salon avec mon père. Et là, nous nous rendons compte que nous avons une visite très spéciale, dans le salon. Le Père Noël est là, en train de déposer de nouveaux paquets au pied du sapin !
Aussitôt, Papa appelle Joy, pour qu’elle ne manque pas cette arrivée et qu’elle puisse profiter de la présence du Père Noël à la maison.

Joy ne tarde pas à descendre et c’est avec surprise qu’elle découvre le Père Noël dans notre salon. Ses yeux pétilles d’excitation, mais elle est brusquement toute intimidée. Elle n’ose pas aller vers lui et elle se contente de l’observer au loin. Compréhensif et ayant certainement l’habitude, le Père Noël va donc à sa rencontre avec un cadeau dans les mains.
-Tiens Joy, c’est pour toi. Joyeux Noël à toi !
-M-merci, Père Noël ! Bredouille-t-elle, avant de s’empresser d’ouvrir son cadeau. La dernière poupée à la mode en ce moment. Elle lui sourit, mais je devine que c’est par politesse. Les poupées, ce n’est pas tellement son truc mais elle semble tout de même contente de son cadeau.