Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 16

Je suis un peu perturbée depuis le départ de Sven et le baiser que nous avons échangé après l’anniversaire de Joy. Je m’attendais à ressentir à nouveau des frissons et les papillons dans le ventre, comme lorsque nous étions adolescents, mais il n’en était rien. La sensation était tout autre et étrange, et cet échange m’a laissé plus mal à l’aise qu’euphorique.
Peut-être parce que nous avons besoin de nous retrouver un peu, après tout ce temps passé éloignés l’un de l’autre ? Après tout, nous avons bien changé et peut-être que nous avons besoin de nous réhabituer à la proximité de l’autre pour que tout redevienne une évidence.
Il y a également un autre point qui me préoccupe. Maintenant que Sven est de retour dans nos vies, même s’il vit en Suède, je dois annoncer à Joy qu’il est son père. Je ne me vois pas continuer à lui faire croire qu’il s’agit juste d’un ami, et elle est en droit que connaitre l’identité de son père. Pour le moment, ce sont les vacances et elle n’est pas encore allée à l’école. Mais, une fois là-bas, elle se rendra vite compte que les autres enfants ont deux parents, alors qu’elle n’a juste que sa mère. Je n’ai pas envie qu’elle se pose des questions inutiles… Alors, autant profiter de ce moment d’accalmie pour discuter avec elle… En espérant qu’elle le prenne bien.

-Qu’est-ce que tu lis de beau ? Lui demandé-je en entrant dans sa chambre, la découvrant assise sur son lit avec un livre dans les mains.
-Un livre de fantasy ! Ca parle d’une fille qui vit sur Terre et qui a des pouvoirs et un jour, elle découvre qu’elle vient d’une autre planète et qu’un méchant veut sa peau ! C’est génial ! S’exclame-t-elle joyeusement alors que j’hausse un sourcil intrigué. Je n’ai absolument rien compris, mais j’imagine que cela a du sens pour elle…

Je m’installe ensuite sur son lit, à ses côtés, et elle ne semble pas tellement perturbée par ma présence. Au contraire, elle semble absorbée par sa lecture, m’ignorant complètement. Je regarde par-dessus son épaule pour tenter de lire quelques lignes de son roman, mais je ne comprends pas davantage l’histoire. La seule chose que j’ai saisi, c’est qu’il y a une histoire d’extra-terrestre. Je repense avec émotion à Maman, quand elle s’amusait à raconter ses histoires à Joy pour la convaincre d’aller prendre son bain. Visiblement, cela a laissé des traces.
-Je peux te parler ma puce ?
-Oui bien sûr. Me confirme Joy, sans pour autant lever les yeux de son livre.
-Est-ce que tu peux poser ton livre deux minutes ? C’est important.

Je suis un peu gênée de lui demander ça. J’ai l’impression de la déranger dans son quotidien et ses loisirs. Mais je n’ai pas envie de parler à une couverture de livre …
Néanmoins, malgré mes craintes, elle se contente d’obtempérer sans discuter. Elle glisse un marque-page avant de fermer son livre et me regarde avec bienveillance.
-Tu veux me dire quoi, Maman ? Me demande-t-elle, tout en allant poser son livre sur sa banquette avant de revenir s’asseoir à côté de moi.

-Tu… Tu te souviens du monsieur blond, qui est venu à ton anniversaire ? Commencé-je, afin de voir si elle le visualise bien.
Et, je l’avoue, j’essaie de gagner du temps. Le stress me ronge de l’intérieur et je crains sa réaction. Je ne lui ai jamais parlé de son père jusqu’ici et elle ne l’a jamais vu. Elle n’a jamais posé de question mais elle pourrait très bien s’énerver d’avoir été privée de son père pendant toutes ses années… d’autant plus que je ne suis pas une mère très présente non plus.

-Oui, ton ami suédois, c’est ça ? Me répond-t-elle alors que je suis surprise de sa bonne mémoire. J’espérais qu’elle se souvienne qu’il s’agit d’un ami, mais j’étais loin de me douter qu’elle se rappellerait qu’il vient de Suède.
-Oui c’est ça… Lui confirmé-je dans un souffle, essayant de rassembler mes mots pour lui annoncer sa véritable identité.
-Maman ? Pourquoi tu me reparles de lui ? Me questionne-t-elle, me sortant ainsi de mes pensées.
-Et bien… Tu sais, je ne t’ai jamais parlé de… ton père jusqu’ici.
-Je sais mais c’est pas grave. Hausse-t-elle les épaules avec désinvolture. Et je vois pas le rapport.
-Ma puce… Il est temps que je te parle un peu plus de lui… Lui assuré-je alors qu’elle semble m’écouter avec attention. Elle a beau dire que ce n’est pas grave que je lui ai jamais parlé de lui, mais elle a l’air également curieuse de ce que j’ai à dire. Il était mon correspondant, au lycée. Lorsqu’il est venu ici, nous… Nous nous sommes beaucoup aimé… Et puis, il est reparti chez lui et nous avons convenu de ne plus nous parler. C’était trop douloureux, alors que nous savions que nous nous reverrions probablement plus… C’est pourquoi je ne t’en ai jamais parlé, jusqu’à aujourd’hui.
-Euh, d’accord… Me répond-t-elle, ne semblant pas comprendre où je veux en venir. Et donc ?
-Joy, ce monsieur qui était là, à ton anniversaire. Il s’appelle Sven Arendel… Et c’est lui ton père. Lui annoncé-je, en essayant de ne pas laisser paraître mon angoisse.

Le visage de ma fille reste impassible. Je perçois un léger mouvement de sourcils, sûrement dû à l’étonnement. Un silence s’installe entre nous et j’ai l’impression qu’elle cherche à m’analyser, comme si elle essayait de déterminer si je dis bien la vérité ou non.
-Ah… Mais je croyais que vous ne deviez plus vous voir ? Me demande-t-elle alors, tout en restant calme.
-Je l’ai recroisé il y a quelques jours. Totalement par hasard. Il était ici pour le travail. Je lui ai parlé de toi, et il a souhaité te rencontrer, d’où sa présence à ton anniversaire. Mais il a du rentrer en Suède pour les fêtes, et pour le moment, nous ne savons pas quand est-ce qu’il pourra revenir. Mais vous pourrez faire connaissance par internet, si tu veux.
-Ok. Se contente-t-elle de me répondre, en haussant les épaules.
-Ok ? C’est tout ? M’étonné-je alors, ne m’attendant pas à cette réaction-là. J’ai presque l’impression… qu’elle s’en fiche. Tu… Tu n’as pas de questions ? Tu… tu peux tout me dire tu sais.
-Bah… non. Je sais qui est mon père, c’est bien. Discuter avec lui sur l’ordinateur, pourquoi pas. Mais en soi, ça change pas grand chose au final. Me dit-elle avec nonchalance. Je peux reprendre mon livre ?
-Euh, oui, bien sûr. Accepté-je alors qu’elle m’offre un grand sourire ravi, pour ensuite récupérer à la hâte son roman pour se replonger dans sa lecture.
Je suis estomaquée par sa réaction. Je m’attendais à plus d’incompréhension, d’éclats, de colère de ne pouvoir être avec son père. Et au contraire, Joy a pris l’information avec beaucoup de calme …
Elle n’a encore jamais connu son père, mais visiblement, la ressemblance ne se limite pas qu’à l’apparence.

Les jours suivants, nous nous sommes concentrés sur la préparation des fêtes de Noël. C’est l’effervescence à la maison, même si, pour cette année, nous ne serons que nous trois. Ryan a déjà promis à la belle-famille de passer les fêtes chez eux, mais il m’a assuré que nous passerons le prochain Noël ensemble. Papa est un peu déçu, mais il a vite été consolé par l’enthousiasme de Joy. Son petit rayon de soleil, comme il dit, ravi de passer du temps avec sa petite-fille qui ne le lâche pas d’une semelle. Alors, quand il lui a proposé de décorer le sapin ensemble, elle a accepté sans hésiter.

Joy est très proche de son grand-père. Je ne peux pas lui en vouloir… Il a été là pour elle durant toute sa vie, alors que moi, je suis absente la plupart du temps, encore aujourd’hui. D’autant plus avec mon travail qui me prend de plus en plus de temps. Et aussi, parce que j’ai du mal à assumer mon rôle de mère, dans sa vie…
Je culpabilise car, même si pour le moment elle semble se satisfaire de la situation, elle risque de me reprocher mon absence, un jour. Et je crains ce jour car j’aime ma fille malgré tout. Et je voudrais qu’elle soit heureuse…

Après avoir fini de me préparer pour la soirée de Noël, je me dépêche de les rejoindre pour les aider à décorer le sapin. Joy me sourit en me voyant, avant de se reconcentrer sur sa tâche tout en riant des plaisanteries de son grand-père. Malgré ma culpabilité, observer leur complicité me touche. Ils sont beaux à voir tous les deux et je suis ravie de voir Joy s’entendre aussi bien avec son grand-père.
Papy, tu connais des contes de Noël ? Lui demande subitement Joy.
-Nous avons quelques livres oui, mais il faut terminer le sapin avant.
-Tu peux lui raconter une histoire si tu veux, je vais terminer. Lui proposé-je en souriant.
-Tu es sûre ?
-Mais oui.
-Merci Maman !! S’exclame avec joie ma fille alors que Papa va chercher un livre dans le bureau.

Pendant que je termine d’accrocher les boules de Noël dans le sapin, mon père s’installe sur le fauteuil du salon. Joy, quant à elle, prend place sur le canapé, prête à écouter avec attention l’histoire que son grand-père va lui raconter.
Pendant toute l’histoire, elle ne dit rien, ne pose pas de questions. Elle m’étonne car je ne me souviens pas d’avoir été aussi sage lorsque j’avais son âge. Je crois même que je ne pouvais pas m’empêcher de couper mes parents pour leur poser des questions sur l’histoire.
Joy, elle, attend sagement la fin de l’histoire.

Le reste de la soirée se déroule tranquillement. Nous avons dîné tous les trois, Papa ayant préparé une dinde cette après-midi. Une dinde au tofu… Même si nous ne sommes pas végétariens et que Maman n’est plus parmi nous, c’est devenu une habitude. Je dois admettre que cela me ferait tout drôle de me retrouver avec une vraie dinde dans mon assiette. J’aurais l’impression de trahir Maman en faisant ça.
Après le dîner, nous déposons des cadeaux au pied du sapin, et nous invitons Joy à ouvrir le sien. Doucement, elle prend son paquet et semble surprise par le poids. Elle s’empresse de l’ouvrir et ses yeux s’ouvrent en grand.
-Un kit de petit chimiste !! S’exclame-t-elle joyeusement. Je vais pouvoir faire comme Mamie !!
-Exactement. Confirme aussitôt Papa. Tu vas pouvoir faire des expériences, comme ta grand-mère. Je te l’installerai là-haut tout à l’heure.
-Merci Papy !!
Après, c’est au tour de Papa d’ouvrir son cadeau… Il est surpris de découvrir un album photo. Cela m’a demandé pas mal de temps de lui préparer cette surprise, mais j’ai réussi à retrouver des photos de lui et Maman et à créer l’album sans qu’il ne s’en aperçoive. Il est ému mais cela lui fait plaisir.
Puis, enfin, c’est mon tour d’ouvrir mon cadeau de Noël. Papa semble fier de lui, visiblement persuadé d’avoir tapé dans le mille. En ouvrant le paquet, je découvre une carte cadeau pour un soin au spa… Pour deux.
-Il n’y a pas de date de fin de validité. Je me suis dit que tu pourras y aller avec Joy lorsqu’elle sera plus grande. Comme ta mère l’a fait avec toi et ta sœur.
-Oh merci Papa ! C’est parfait ! Lui dis-je, touchée, avant de le prendre dans mes bras pour le remercier.

Joy ne tient plus en place et Papa n’a pas d’autres choix que de lui installer son kit de petit chimiste dans les minutes qui suivent. Habitué à bricoler dans la maison, il ne lui faut pas longtemps pour tout monter sur le palier, à l’étage.
A peine monté, à peine testé. Pendant tout le temps où Papa montait le kit, Joy était plongé dans la lecture de la notice, donnant des indications pour réaliser des expériences. Elle est donc ravie de pouvoir mettre en application sa lecture, afin de pouvoir « faire comme Mamie » !

Pendant que Joy joue les apprentis scientifiques, nous descendons au salon avec mon père. Et là, nous nous rendons compte que nous avons une visite très spéciale, dans le salon. Le Père Noël est là, en train de déposer de nouveaux paquets au pied du sapin !
Aussitôt, Papa appelle Joy, pour qu’elle ne manque pas cette arrivée et qu’elle puisse profiter de la présence du Père Noël à la maison.

Joy ne tarde pas à descendre et c’est avec surprise qu’elle découvre le Père Noël dans notre salon. Ses yeux pétilles d’excitation, mais elle est brusquement toute intimidée. Elle n’ose pas aller vers lui et elle se contente de l’observer au loin. Compréhensif et ayant certainement l’habitude, le Père Noël va donc à sa rencontre avec un cadeau dans les mains.
-Tiens Joy, c’est pour toi. Joyeux Noël à toi !
-M-merci, Père Noël ! Bredouille-t-elle, avant de s’empresser d’ouvrir son cadeau. La dernière poupée à la mode en ce moment. Elle lui sourit, mais je devine que c’est par politesse. Les poupées, ce n’est pas tellement son truc mais elle semble tout de même contente de son cadeau.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 15

Quelques jours passent et je n’ai pas beaucoup l’occasion de revoir Sven. Il a du travail, et moi aussi. D’autant plus que je dois m’occuper d’organiser l’anniversaire de Joy. J’envoie plusieurs photos d’elle à Sven, qui semble ravi d’en recevoir.
Mais, je crois que je commence à fatiguer à suivre ce rythme effréné. Un soir, je rentre tard à la maison car nous organisons un événement important à l’association et je suis souvent obligée de faire des heures supplémentaires. Mais, en arrivant chez moi, j’aperçois une lumière étrange dans le jardin. Curieuse, je traverse la maison pour aller sur la terrasse, et là, la lumière se focalise sur moi. En levant la tête…. Je vois une soucoupe volante !
Je fais un bond en arrière mais je n’ai pas le temps de faire quoique ce soit de plus que je suis attirée vers cette chose. Mon dieu ! Les histoires de Maman sont définitivement vraies !!

Au bout de plusieurs heures à avoir l’esprit dans le flou, je finis par rentrer chez moi. Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé dans ce vaisseau. La seule chose que je peux soupçonner : c’est que les aliens ne connaissent pas le chauffage ! Je suis frigorifiée, comme si j’étais restée longtemps dans un froid polaire sans aucun vêtement chaud !
Tremblante, je m’installe sur le fauteuil, juste en face de la cheminée encore allumée. J’ai bien besoin de profiter de cette chaleur réconfortante pour me remettre de cette drôle d’aventure !

Une fois réchauffée, je vais me coucher, exténuée. J’ai soudain l’impression d’être vidée de toute mon énergie. Une boule se forme dans mon ventre : j’espère que cette rencontre du 3e type ne m’empêchera pas d’être opérationnelle demain, pour l’anniversaire de Joy.
Le lendemain, j’ai la tête dans le brouillard lorsque je me lève. J’ai également un mal de tête épouvantable, comme après une soirée trop arrosée. Je ne me souviens pas avoir bu du jus de fruit, pourtant, hier…
En allant dans le salon, je constate que mon père et ma fille sont déjà réveillés, et installés à table pour le petit déjeuner. Je vais chercher de quoi manger dans le frigo, et je m’installe avec eux, espérant que cela suffira à me redonner de l’énergie.
-Papa ? Lui dis-je, me souvenant que je ne l’ai pas encore prévenu de la venue de Sven, ce soir.
-Oui ma puce ?
-Je… J’ai oublié de te dire… J’ai… J’ai revu Sven. Il est de passage ici pour le travail. Lui annoncé-je, nerveuse, craignant sa réaction.
-Sven ? Ne semble-t-il pas comprendre.
-Le… Le père de Joy… Lui rappelé-je à voix basse tout en jetant un coup d’œil craintif à ma fille. Mais elle semble bien plus obnubilée par ses céréales qu’à notre conversation. Je lui ai dis la vérité pour elle…
-Oh… Et comment il a réagi ?
-Il est un peu sonné mais c’est normal… Mais du coup je lui ai proposé de venir ce soir, pour qu’il puisse voir sa fille.
-Oh je vois. Tu as bien fait ma grande… Tu m’as dit qu’il s’appelait comment déjà ?
-Sven, Papa. Il s’appelle Sven. Soupiré-je, tentant d’ignorer mon cœur qui se serre face à cette petite perte de mémoire.

Il a beaucoup neigé ces derniers jours, recouvrant le paysage d’un épais manteau blanc. Pendant que je suis au travail, Papa décide de faire découvrir la neige à Joy en l’emmenant dans le jardin, après l’avoir habillée bien chaudement. Une fois dehors, Joy est comme fascinée face à ce spectacle. Ses yeux pétillent d’émerveillement. Papa lui propose vite de faire un bonhomme de neige.
Joy s’amuse comme une petite folle à ajouter des tas de neige sur la grosse boule formée par son grand-père. Il fait le plus gros du travail, mais cela l’amuse. Il retrouve son âme d’enfant !

Une fois le bonhomme de neige terminée, Joy l’observe avec curiosité. Elle ne semble pas croire de qu’elle voit. Par curiosité, elle enfonce un doigt dans le ventre du bonhomme, pour le ressortir aussitôt. Le voilà qu’il est tout blanc ! Elle n’hésite pas une seconde de plus et le met aussitôt dans sa bouche. En réaction, elle grimace.
-Aaah ! C’est froid !! S’écrie-t-elle alors, faisant rire son grand-père.
Loin d’être traumatisée par cette expérience, Joy se désintéresse du bonhomme de neige et plonge ses deux mains dans la neige au sol. Et hop ! Elle envoie deux petits tas de neige dans les airs, au-dessus de sa tête. Elle rit, et continue son activité en faisant de petits tas de neige sur le sol, comme pour faire un château de … neige.

Au bout d’un certain temps, Papa finit par la rentrer à l’intérieur et la réchauffer. Il ne faudrait pas qu’elle attrape froid et il doit commencer à préparer son gâteau d’anniversaire.
Quand je rentre du travail, Joy joue tranquillement dans sa chambre. Je la rejoins et je m’installe doucement sur la banquette pour la regarder jouer. Elle m’ignore au début, avant de me lancer un regard intrigué.
-Papy m’a dit que vous avez passé l’après-midi dehors. Tu as aimé joué dans la neige ? Lui demandé-je doucement.
-Oui ! La neige, c’est rigolo !
-J’imagine bien… Dis, il va falloir arrêter les cubes. Maman va te préparer pour ce soir. Tu te rappelles que c’est ton anniversaire aujourd’hui ? En temps que reine de la soirée, il faut te faire belle !
En toute réaction, elle me lance un regard dubitatif mais elle se laisse faire sans rechigner. Je soupire. Je crois qu’elle accepte juste pour me faire plaisir…

Le soir venu, je descends au salon avec ma fille dans les bras, avant de la laisser vagabonder à sa guise. Excellent timing, c’est à ce moment-là que la sonnette résonne, annonçant l’arrivée de mon frère et de sa famille.
Je leur ouvre en souriant, ravie de les voir ici pour cette occasion. Papa pose le gâteau aux fraises sur la table avant d’aller à la rencontre de Ryan.

-Salut mon grand ! Tu sors de la salle de sport ?
-Oui, faut m’excuser, j’ai pas eu le temps de me changer… Avoue-t-il, un peu gêné par sa dégaine alors que Juliette s’est faite toute belle pour ce soir.
-C’est pas grave, va ! On est entre nous !
-Et puis tu sais, Joy, elle ne fait pas tellement la différence entre une tenue de sport et une tenue de fête ! Ajouté-je en souriant. Par contre, c’est vrai que tu piques les yeux ! Le taquiné-je ensuite en affichant une mine innocente.
-Saleté ! En rit-il, loin de se vexer de ma plaisanterie.

-Maman !! Je veux rentrer !!! S’exclame subitement Alexandre en tirant sur le bas de la robe de Juliette pour attirer son attention. Visiblement, le pauvre n’est pas ravi d’avoir du suivre ses parents ici.
-Pas question Alex ! On passe la soirée en famille, on te l’a déjà dit !
-Mais j’allais tuer le dragon !!
-Ce n’est qu’un jeu ! Et ça suffit maintenant, ça te fera pas de mal de décrocher un peu de l’ordinateur ! Soupire d’exaspération Juliette. Sois gentil un peu, c’est l’anniversaire de ta cousine.
-Pffff !

Petit à petit, tous les invités arrivent à la maison. Après mon frère et sa famille, arrivent Pierre, Caroline et Manon puis enfin… Sven. Il est un peu embarrassé face à tout ce monde. Il est vrai que j’avais oublié de l’avertir du nombre d’invités présents… J’essaie de le rassurer comme je peux, avant d’être interrompue par Pierre.
-Hey Sven ! Ca fait plaisir de te revoir ! Ca va, t’es pas trop dépaysé avec un temps pareil ? S’exclame-t-il alors, en affichant un grand sourire.
-Non ça va ! Il fait même chaud je trouve ! Plaisante Sven à son tour, bien qu’il ait l’esprit ailleurs.

En effet, bien qu’il répond à Pierre sans difficulté, Sven regarde quelqu’un d’autre… Joy. Qui est tranquillement assise par terre, à jouer avec ses cubes. Il n’est pas difficile pour lui de deviner qu’il s’agit de sa fille. Il la fixe, scrutant le moindre de ses faits et gestes, sans oser s’approcher d’elle.
Tu peux aller la voir, tu sais. Elle ne va pas te manger. Lui assuré-je, comme pour l’encourager.
-Je.. Je préfère la laisser tranquille. Elle est avec … ?
-Kylian, son cousin. L’informé-je ensuite, observant mon neveu entrain d’inciter Joy à faire une énorme tour de cubes.

Très vite, Sarah se joint à eux mais Joy garde les yeux rivés sur son grand-père, qui s’affaire à apporter les dernières touches à son gâteau d’anniversaire. Je souris. Cela me fait plaisir de voir mes neveux tenter d’aller vers leur cousine, bien qu’ils la connaissent pas beaucoup. J’espère qu’ils pourront être proches, à l’avenir. Ils sont de la même famille, après tout.
Quant à Sven, il continue de l’observer, sans oser aller vers elle. Le pauvre, il est tout intimidé face à tout ce monde, à cette famille dont il fait désormais partie.

Soudain, Ryan s’approche de moi pour me prendre dans ses bras. Je sursaute à ce contact, ne m’attendant pas à ce qu’il vienne me faire un câlin.
-Ravi de te revoir, petite sœur. Me dit-il à l’oreille.
-Merci à toi d’être venu. Cela me fait plaisir que tu sois là, pour Joy. Lui soufflé-je à mon tour.
-A défaut d’avoir été un bon frère, j’espère pouvoir être un bon tonton ! M’avoue-t-il en souriant, avant de me chuchoter : Alors, c’est lui le père de Joy ? Me demande-t-il en désignant Sven. Je me contente alors d’hocher la tête. Eh beh, une chose est sûre : il ne peut pas la renier ! C’est son portrait craché !
-Ca, c’est sûr !

Puis, vient le moment pour Joy de souffler ses bougies. Quand on lui annonce, Joy est subitement excitée comme une puce, réclamant que son grand-père la prenne dans ses bras. Elle ne veut personne d’autre et Papa ne tarde pas à s’exécuter. Après avoir allumé les bougies, il la prend dans ses bras pour pouvoir la rapprocher du gâteau. Joy observe avec fascination les bougies, avant qu’on l’encourage à souffler pour les éteindre. Ce qu’elle fait, avec un peu de difficulté, mais aider par son grand-père.
-Bon anniversaire, Joy ! Exclamons-nous, tous ensemble, y compris Sven. Ce dernier semble regarder sa fille avec de plus en plus d’émerveillement.

En ce jour, Joy devient ainsi une enfant. Une adorable petite fille à la chevelure dorée. Timidement, elle va voir l’ensemble de l’assemblée pour les remercier d’être là, sans grand enthousiasme cependant. Je remarque qu’elle semble mal à l’aise, mais qu’elle se prête tout de même au jeu.
-Bon anniversaire Joy ! C’est trop bien ! On va pouvoir jouer ensemble maintenant ! S’exclame joyeusement Kylian en enlaçant sa cousine.
-Euh oui… Cool. Merci en tout cas. Bredouille-t-elle en réponse, comme si elle ne savait pas quoi répondre.

Après qu’elle ait remercié tout le monde, je lui donne une part de son gâteau. Elle s’installe alors en bout de table, et regarde le nez plongé dans son assiette. Je la surveille du coin de l’œil, mais elle ne semble pas particulièrement triste. Je pense qu’elle doit être juste un peu fatiguée par sa journée et le fait de grandir.
Pendant ce temps-là, je rejoins Caroline et Manon, qui sont en grande discussion avec Sven, qui commence enfin à se détendre.
-Vous menez une vie au top, à ce que je vois ! C’est fou ce parcours depuis le lycée ! Réagit Sven alors que mes amies lui racontent leur vie depuis qu’il est parti.
-Eh ouais ! Faut pas croire mais on t’a pas attendu pour vivre notre vie ! Le taquine gentiment Caroline. Mais toi aussi tu as une vie cool, à voyager partout ! Et puis, le monde est petit ! Tu as même retrouvé notre Rosae !
-J’avoue que j’ai eu pas mal de surprises, en revenant ici ! Si on m’avait dit ça il y a quelques semaines, je l’aurais pas cru !
-Tu m’étonnes ! S’esclaffe Manon, tout en veillant à ne pas trop en dire. En effet, tout le monde ici est au courant que Joy ignore encore tout de son père … Je préfère lui en parler avant, et ne pas la mettre devant le fait accompli.

Pendant que Sven et mes amies discutent, je vais rejoindre ma fille en bout de table. Joy ne dit pas un mot depuis qu’elle a soufflé ses bougies. Même si je pense que c’est juste la fatigue, je préfère m’assurer que tout va bien et que rien ne la chiffonne.
-Tout va bien ma puce ? Tu passes une bonne soirée ? Lui demandé-je alors, tout en m’asseyant à côté d’elle.
-Oui Maman. Je profite juste du gâteau de Papy, il est trop bon ! M’assure-t-elle en m’offrant un timide sourire.
-Tu es sûre ? Tu me le dirais si quelque chose ne va pas ? Insisté-je, un peu inquiète par son attitude. En effet, je trouve cela curieux qu’elle ne cherche pas spécialement à jouer avec ses cousins, qui sont les seuls enfants présents ici.
-Mais oui ! Me confirme-t-elle, avant d’ajouter. Dis Maman, c’est qui le monsieur blond ? Me demande-t-elle, me mettant brusquement mal à l’aise. Que vais-je répondre à ça ? Je l’ai jamais vu.
-C’est… un ami de Maman. Il habite en Suède normalement mais il est de passage en ce moment. Lui réponds-je, songeant que ce n’est pas le meilleur moment pour lui avouer la vérité.
-Ok, cool. Hausse-t-elle les épaules, avant d’aller ranger son assiette, comme si elle était déjà passée à autre chose. Visiblement, elle ne se pose pas davantage de questions sur lui.

La soirée se poursuit calmement. Joy laisse ses cousins venir vers elle, mais elle ne cherche pas spécialement à se rapprocher d’eux. J’ai l’impression qu’elle est dans la lune, mais cela ne l’empêche pas de passer une bonne soirée. Enfin, d’après ce que je peux observer.
Petit à petit, la maison se vide de ses invités. Caroline et Manon sont les premières à partir, suivit de près par Pierre. Ryan, Juliette et leurs enfants partent peu de temps après, les triplés étant fatigué. Papa profite de cette occasion pour aller coucher Joy, me laissant ainsi seule avec Sven.
Qui est également sur le départ. Malgré le froid hivernal, je le raccompagne dehors, profitant de ces quelques instants pour discuter seule avec lui.

-Tu… Tu as passé une bonne soirée ? L’interrogé-je, ne sachant pas ce qu’il a bien pensé ce soir.
-Oui assez. Me confirme-t-il en souriant, les yeux pétillants. Cela m’a fait plaisir de voir Joy.
-Je suis désolée que tu n’ais pas pu passer plus de temps avec elle. J’essaierai de lui parler pour lui expliquer qui tu es, et tu devrais pouvoir passer plus de temps avec elle la prochaine fois.
-Pas de soucis, je te fais confiance là-dessus. M’assure-t-il, devenant soudainement nerveux. Rosie, il faut que je t’avoue un truc… J’ai réussi à prolonger mon séjour ici pour être là ce soir, mais je dois rentrer demain en Suède. D’autant plus que j’ai déjà dit à mes parents que je serai à la maison pour les fêtes.
-Oh, euh oui bien sûr. Je comprends tout à fait Sven, ne t’en fais pas. Le rassuré-je, nullement surprise par son annonce. Je savais bien qu’il n’allait pas rester ici éternellement.
-J’essaierai de revenir vite, Rosie, je te le promets…. M’assure-t-il, avant de marquer une pause. Rosie… Je… Tu m’as manqué durant tous ces années, tu sais…
-Euh, toi aussi tu m’as manqué. Lui dis-je après une hésitation. Je ne vois pas où il veut en venir, et je n’ai pas su quoi lui répondre d’autre. Et puis, même si j’ai appris à vivre sans lui, il est vrai qu’il m’a manqué dans ma vie, surtout au début, après son départ.

Un silence s’installe soudain entre nous. Nous nous regardons, un peu gênés, sans trop savoir quoi faire.
Et puis, alors que j’allais lui dire au revoir, Sven s’approche de moi pour me prendre dans ses bras. Et ses lèvres se posent sur les miennes, timidement, cherchant à me retrouver. Je réponds à son baiser, presque machinalement. Comme s’il était évident, que c’était ce que je devais faire.
A la fin de notre baiser, Sven me sourit, m’offre un autre baiser au bout des lèvres et finit par partir pour rejoindre son hôtel. Quant à moi, je reste debout, comme une idiote, devant ma maison, à le regarder partir.
Ce n’était pas comme je l’imaginais. Je pensais que cela serait comme avant, avant qu’il ne parte pour la Suède.
Mais pas du tout. C’était juste… Étrange.
Et je ne sais pas du tout comment l’interpréter.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 14

-Oh Rosie ! Je suis tellement content de te revoir ! S’exclame subitement Sven, tandis que je me suis levée mécaniquement. Aussitôt, il me prend dans ses bras alors que je suis encore sous le choc de sa présence ici.
J’ai du mal à croire qu’il soit ici, à San Myshuno, devant moi, alors qu’il est censé être en Suède. L’information a du mal à monter jusqu’à mon cerveau. Pourtant, je suis dans ses bras, je reconnais son visage, sa voix, sa bonne humeur, son odeur… Mais c’est comme s’il y a un bug dans mon système nerveux.

-Sven… Que… Qu’est-ce que … Que tu fais ici ? Bredouillé-je en réponse, sonnée par cette improbable rencontre.

-Je suis là pour le boulot. Me répond-t-il avec un sourire, loin d’imaginer le trouble qui m’assaille. Je travaille dans une maison d’édition, à Stockholm. Je suis ici pour négocier des droits d’édition pour pouvoir traduire et publier des livres d’ici chez nous.
-C’est super ! Ca doit être… intéressant. Essayé-je de me montrer intéressée. Non pas que je m’en fiche, mais j’ai encore du mal à assimiler correctement la situation.
-Oui très. Me confirme-t-il en gardant le sourire. Le pétillement dans ses yeux me prouvent la véracité de ses dires. Désolé de ne pas t’avoir prévenu de ma vue ici… mais… Comme on n’a décidé de ne pas garder contact … Je me voyais pas débouler dans ta vie comme ça …
-Non.. Je… T’excuse pas.. Je comprends. Lui assuré-je, me sentant terriblement mal à l’aise. Comment pourrai-je lui en vouloir de ne pas m’avoir prévenu de sa venue ici alors que je lui cache un plus gros secret ? En pensant à Joy, je n’ai qu’une envie : c’est de partir d’ici en courant.
-Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ?
-Euh, je … je travaille dans une association… Pour promouvoir les droits des femmes.
-Oh ça doit être super intéressant ! Bon, par contre, je suis désolé, je vais devoir y aller. Me signale-t-il après regardé sa montre. Ca te dirait … qu’on… qu’on déjeune ensemble un de ces jours ? Me propose-t-il avec une soudaine timidité. Je dois rester quelques jours pour mon travail. Ca… serait l’occasion de se voir.
-Euh oui pourquoi pas… Accepté-je, soulagée de le voir partir. Dès qu’il a le dos tourné, j’en profite pour prendre la poudre d’escampette et rentrer chez moi.

Lorsque j’arrive chez moi, mon père et ma fille ne sont pas encore rentrés de Brindleton Bay. Cela tombe bien, je suis encore dans tous mes états et je ne me vois pas parler du retour de Sven avec mon père. Cependant, je ne tiens pas en place et il faut que je parle avec quelqu’un de ma rencontre du jour. Il faut que je libère mon esprit, sinon je ne vais pas arrêter d’y penser.
-Oui Caro ? C’est moi … La salué-je aussitôt après qu’elle ait décroché. Excuse moi de te déranger, je sais que tu es chez ta mère mais il faut absolument que je te parle.
-Qu’est-ce qui se passe ? Me demande-t-elle, intriguée par le son de ma voix. La panique doit s’entendre, je présume.
-J’ai vu Sven.
-Ahah très bonne ta blague ! On n’est pas encore le 1er avril tu sais ! Réagit-elle aussitôt en éclatant de rire. Devant mon absence de réaction, je l’entends se reprendre. C’est une blague n’est-ce pas ?
-Pas du tout. Je viens de le croiser juste en bas de chez toi. Il est à San Myshuno pour le travail… Lui confirmé-je, le cœur battant à tout rompre. Je suis dans un état de stress pas possible !
-Oh my God ! S’exclame Caroline, surprise. Le monde est petit !
-Je te le ferai pas dire… Et… Il m’a invité à déjeuner…
-C’est cool ! Ca va vous permettre de parler du bon vieux temps !
-Oui mais Caro… Quand je l’ai vu… Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Joy… Lui avoué-je, la gorge nouée, alors qu’un silence s’installe entre nous.

-Tu comptes faire quoi ? Me demande prudemment Caroline au bout de presque une minute.
-Je sais pas… Je t’avoue que je suis complètement perdue maintenant que je l’ai revu… Soufflé-je. J’ai mille et une pensée qui se bouscule dans ma tête, je ne sais pas quoi faire. J’étais si sûre de moi et de mes décisions en pensant que je ne le reverrai jamais mais maintenant qu’il est dans le coin et qu’il peut, potentiellement, l’être à nouveau, je suis perdue… Toutes mes certitudes ont volé en éclats, Caro…
-Ca va aller Rosie, ne t’inquiète pas. Tente-t-elle de me rassurer. Mais… peut-être que votre rencontre est le signe que… Que tu dois lui parler de Joy ? Me suggère-t-elle ensuite, comme si elle marchait sur des œufs. Je culpabilise un peu au son de sa voix, réalisant à quel point j’ai pu paraître intraitable et intransigeante lorsqu’on en parlait.
-Peut-être… Je ne sais pas… Je ne sais plus … Après tout ce temps ? Joy est bientôt une enfant et qui sait comment va réagir Sven de ne l’apprendre que maintenant.
-Le seul moyen de le savoir est de lui en parler. Me souligne Caroline. Et puis, s’il est amené à revenir par ici, garder l’existence de Joy secrète n’a plus lieu d’être, non ?
-Sans doute… Tu as peut-être raison… Je vais y réfléchir…
-Essaie de prendre une décision avant votre déjeuner. Ca serait la bonne occasion de lui en parler. Dans tous les cas, si tu veux parler, n’hésite pas ! J’imagine que ce ne doit pas être évident pour toi.
-Tu n’imagines même pas….

Au moment où je raccroche avec Caroline, j’entends mon père rentrer à la maison et déposer Joy dans sa chambre. J’hésite un peu, puis je sors de la mienne pour aller la voir. Visiblement, elle n’a pas voulu enlever son manteau et elle joue avec ses cubes. Elle passe beaucoup de temps à les utiliser, c’est affolant.
En m’entendant entrer, elle lève la tête vers moi et je me souris avant de se reconcentrer sur ses cubes.
-Ca a été aujourd’hui chez Tonton ? Lui demandé-je alors.
-Oui. Me répond-t-elle sans se déconcentrer.

Je ne dis rien de plus et je me contente de l’observer. Je remarque une fois de plus ses ressemblances avec Sven. Pour le moment, elle ne pose pas de questions sur son père et vit notre situation familiale comme si tout était normal. Mais qu’en sera-t-il lorsqu’elle ira à l’école ? Qu’elle se rendra compte que les autres enfants ont un Papa et pas elle ? Me sentirais-je de lui avouer que son père n’est pas au courant de son existence ? Et si Sven apprenait un jour, totalement par hasard lors de l’un de ses voyages, qu’il a une fille ?
Je me pose tellement de questions, je suis perdue. C’est moche à dire, mais finalement, c’était plus simple avant le retour de Sven…
Néanmoins, lorsque j’observe la bouille adorable de ma fille, je sais, au fond de moi, que je ne peux pas lui cacher son existence…

Alors, deux jours plus tard, j’accepte l’invitation à déjeuner de Sven. Nous nous retrouvons dans un snack dans la périphérie. L’endroit est tranquille et nous nous sommes installés au fond du restaurant. Au moins, personne ne viendra nous déranger ici.
Le malaise est palpable entre nous. De nombreuses années se sont passées depuis son départ et rien n’est plus comme avant. Nous avons tous les deux grandis, et appris à vivre sans l’autre. Nous retrouver à table ne faisait clairement pas partis de nos projets et cela nous fait tout drôle de nous parler de nouveau. Même si nos échanges ne sont que factuels et ne révèlent en rien notre relation passionnelle passée.
-Donc vous menez des actions en classe, c’est ça ? Me relance alors Sven, alors que nous discutons de mon travail.
-C’est ça. Nous faisons de la prévention auprès des jeunes. Mais ce n’est qu’une partie de mon travail. Je vais également à la rencontre des gens dans la rue, on manifeste, on organise des débats, des conférences… Nous venons en aide aux femmes en difficultés aussi et nous cherchons à travailler avec les politiques pour mettre des mesures en place. C’est riche et varié comme travail et ça permet de se sentir utile au quotidien.
-C’est chouette ! Tu dois t’épanouir dans ton travail, ça te va bien de travailler dans le milieu associatif.
-Oui, c’est super. A aucun moment je regrette de m’être engagée et je n’ai pas le temps de m’ennuyer…

Un nouveau blanc s’installe entre nous. Nous regardons notre assiette sans grande envie et je remarque que Sven ne touche pas à la sienne.
-Tu ne manges pas ? Lui demandé-je intriguée.
-Oh.. Euh… En fait, j’avais pas remarqué qu’il y avait de la viande et …
-Tu es devenu végétarien ? Deviné-je alors.
-Oui… J’ai vu une vidéo sur le traitement des animaux dans les abattoirs et ça m’a dégoûté…
-Oh ça ne fait rien. Ma mère aussi était végétarienne… Lui réponds-je, stressée. Je dois que je dois lui parler de Joy mais je repousse ce moment le plus possible. Et toi, ton boulot ?
-Oh c’est cool. J’ai fait un stage là-bas et ils m’ont pris à l’issu de celui-ci. M’explique-t-il ensuite. Le fait que j’ai fait des échanges à l’étranger a été un plus… J’ai commencé petit mais maintenant, je suis amené à bouger pas mal pour aller à la rencontre d’éditeurs étrangers. Ca me gêne pas, j’aime bien bouger. Je crois que rester en place, c’est pas trop mon truc.
-C’est super… Ca te permet… de voir pas mal de trucs. Soufflé-je ensuite, au comble du malaise. Dois-je vraiment lui parler de notre fille ? Alors qu’il est vraisemblablement en permanence en vadrouille ? Est-ce bien raisonnable ?
J’essaie de rester impassible, mais intérieurement, c’est la panique totale.

-Rosie ? Ca va ? S’inquiète subitement Sven, en me faisant sursauter. Tu n’as pas l’air dans ton assiette.
-Si si ça va, tout va bien, ne t’inquiète pas. Lui dis-je en réponse tout en secouant la tête. Pour me donner une contenance, je me concentre sur mon hamburger. Est-ce que ce cheese pourrait me sortir de cette situation délicate ?
-Tu es sûre ? Je te sens ailleurs depuis tout à l’heure.
-C’est juste que… Que j’ai quelque chose à t’avouer. Me lancé-je alors, penaude, comme une petite fille prise en faute. Si je ne le lui dit pas maintenant, jamais je n’y arriverai.
-Je t’écoute Rosie, qu’est-ce qui se passe ?

Pour toute réponse, et étant incapable de parler, je me contente de sortir une photo de mon portefeuille. Une photo de ma fille, où elle offre un magnifique sourire. Je la pose en direction de Sven, nerveuse, attendant sa réaction.
-Oh elle est mignonne ! S’exclame-t-il spontanément, sans comprendre. Qui est-ce ?
-C’est.. Joy… Ma… fille. Bredouillé-je en réponse, en me mordant la lèvre inférieure, mal à l’aise.
-Oh tu… Je vois.. Je .. Je ne savais pas que tu … Que tu étais en couple.. Me répond-t-il, soudainement gêné. Ou déçu. Je suis beaucoup trop stressée pour déterminer ce qu’il peut bien ressentir.
-Non, Sven… Je n’ai personne dans ma vie… Joy… C’est toi le père de Joy… Joy est ta fille.

Sven se fige lorsque je prononce ces mots. Son regard se pose tour à tour sur moi et sur la photo. Je devine à son regard qu’il est complètement perdu. Il prend la photo dans ses mains comme pour la regarder de plus près.
-C’est … C’est pas possible Rosie… Je ne peux pas être son père… Souffle-t-il en plein déni, choqué par l’information qu’il vient d’apprendre.
-Si Sven… Ca ne peut qu’être toi… Lui assuré-je d’une voix calme, attendant patiemment sa réaction.
Il s’enfonce une nouvelle fois dans son mutisme, comme s’il lui fallait du temps pour digérer l’information. Il se découvre père du jour au lendemain, et je ne peux qu’imaginer à quel point cela doit être un choc pour lui.

-Pour… Pourquoi tu m’as rien dit, Rosie ? Me demande-t-il, complètement sonné, déboussolé.

-Tu étais reparti en Suède, Sven… Lui expliqué-je alors, doucement, en réfléchissant aux mots que je pourrai employer. Et… J’ai fait un déni de grossesse, je ne l’ai découvert que sur le tard.. Et on avait déjà décidé de ne plus garder contact, tous les deux…
-C’est pas une raison, ça, Rosie.. Réplique-t-il en secouant la tête.
-Je sais bien, mais j’étais perdue à l’époque, Sven. J’étais amoureuse, j’étais au fond du trou parce que tu étais parti et du jour au lendemain, j’ai découvert que j’allais devenir mère, à seulement 18 ans… Puis, après je me suis dit … Que ça allait plus te faire souffrir qu’autre chose… Que toi tu vis en Suède et nous ici… Je ne voulais pas que tu sois déchiré parce que tu as une fille mais que je ne peux pas la voir et t’en occuper… Poursuis-je mon explication, le cœur serré, stressée, ne sachant comment vont se passer les choses ensuite.
-Je… Je suis désolé que tu ais eu à affronter ça toute seule. Finit-il par soupirer après un silence. C’était pas évident pour moi non plus mais j’étais loin d’imaginer …
-Je sais… Et je suis désolée de t’avoir caché son existence. Quand je t’ai revu l’autre jour, et que j’ai réalisé que tu pouvais tomber sur elle, un jour, totalement par hasard, j’ai préféré t’en parler.
-Oui… Ca valait mieux en effet.. Me répond-t-il vaguement. Excuse-moi, il me faut un peu de temps pour digérer ça.
-Oui, bien sûr.. Je comprends…

Nous terminons le repas presque en silence. Nos brefs échanges se limitent à quelques banalités. Sven me pose quelques questions sur Joy, pour en apprendre plus sur elle. Petit à petit, il semble se détendre. Sans doute qu’il assimile mieux le fait qu’il ait une fille.
Quant à moi, je ne me sens pas forcément mieux. Quelque part, je me dis que c’est mieux qu’il soit au courant. Au moins, il pourra prendre une décision sur son implication dans la vie de Joy en connaissance de cause. D’un autre côté… Je suis stressée… Je ne sais pas de quoi demain sera fait et cela me perturbe. Ne plus avoir la main sur ma vie, une nouvelle fois, me gêne et me stresse.
Notre repas terminé, nous payons et Sven remet son manteau et son bonnet puis enlève ses lunettes pour éviter d’être gêné par la buée lorsqu’il va rentrer.
-Je ne sais pas comment tu fais pour rester en pull alors qu’il fait un froid de canard.
-Je suis résistante au froid, que veux-tu. Lui dis-je en souriant timidement. Tu sais… C’est bientôt l’anniversaire de Joy… Alors… Si tu veux faire sa connaissance, tu… Tu pourrais venir si tu veux… Enfin, si tu es encore là à ce moment-là, bien sûr. Lui proposé-je ensuite, lui offrant ainsi l’occasion de rencontrer, enfin, sa fille.
-Je vais m’arranger.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 13

Le temps reprend petit à petit son cours, suite à l’enterrement de Maman. Ryan ait même passé à la maison après s’être recueilli ce jour-là, faisant ainsi la connaissance de Joy. Elle se demandait qui était cet homme inconnu mais il a fini par réussir à l’apprivoiser. Je crois qu’un regard a suffi pour le rendre fou de sa nièce.
En même temps, elle est mignonne, ce n’est pas bien compliqué.
Je n’ai pas vu Roxane par contre dans les jours suivants. Ryan m’a dit qu’elle n’a pu passer qu’en coup de vent, le temps d’aller au cimetière dire au revoir à maman. Elle n’a pas été le voir avant de repartir. Elle n’était pas très heureuse de ça d’après Ryan, mais apparemment, elle n’a pas eu le choix. Avec son travail, elle a un planning très serré en ce moment.
Quant à moi, j’ai repris le travail. Mes responsables m’ont proposé de prolonger mon congé mais j’ai refusé. J’ai besoin de travailler. Cela me fait du bien et cela me permet de penser à autre chose. Et puis, Maman n’aurait pas voulu que je continue à me morfondre éternellement. Elle voudrait que je continue à vivre ma vie.

Alors, je profite de mes journées en dehors de la maison, à San Myshuno. Lorsque j’ai terminé mes tâches, je continue de découvrir de nouvelles spécialités culinaires. J’adore ça et ça permet de varier les plaisirs ! Même si je ne suis pas encore très douée avec les baguettes, lorsque je mange des spécialités asiatiques.
Eh beh, c’est pas votre fort les baguettes ! Me taquine un jeune homme, assis en face de moi à table, face au stand de nourriture.
-On fait ce qu’on peut ! Haussé-je simplement les épaules. En même temps, c’est plus facile de manger avec une fourchette !
-Faut pas manger asiatique si vous préférez les fourchettes !

Je lève les yeux au ciel face à sa réponse, mais je suis loin d’être vexée. Je vois bien qu’il plaisante. Nous discutons même un moment à table pendant que nous déjeunons. Même lorsqu’il a fini de manger, il continue de me tenir compagnie.
En toute honnêteté, je crois qu’il a une idée derrière la tête. Son ton, amical dans un premier temps, se fait plus charmeur au fil de notre conversation. Je fais mine de ne pas l’avoir remarqué mais je me prête volontiers au jeu. Cela m’amuse et je dois avouer qu’il est tout à fait charmant. Il n’y a rien de mal à s’amuser !

Je ne vois pas le temps passer, en sa compagnie. Je ris à ses blagues, je l’écoute avec attention et je me laisse charmer petit à petit. Cela me vide l’esprit, de flirter avec lui. J’oublie que je viens de perdre ma mère, et que je suis encore en deuil. Je me sens un peu plus légère, oubliant que la nuit est en train de tomber. J’envoie même un petit SMS à mon père pour lui dire que je vais rentrer tard, pour ne pas qu’il s’inquiète.
Et puis, dans un élan de folie, j’embrasse cet inconnu. Il est surpris, mais ne se plaint pas. Quant à moi, cela me fait plaisir et ça m’amuse.

Il finit par répondre à mon baiser. Et nous continuons à nous embrassons, s’amusant de l’effet que nous faisons à l’autre. Mon esprit est ailleurs et cela fait du bien. Je me fiche que je ne le connaisse pas, le courant passe entre nous et c’est tout ce qui m’intéresse. Je le reverrai probablement jamais et cela me convient parfaitement.
A un moment, il m’avoue qu’il habite dans l’immeuble d’à côté et me propose un dernier verre. Sur un coup de tête, un coup de folie, j’accepte, sachant parfaitement où je mets les pieds. J’en ai envie, alors, à quoi bon se prendre la tête ? Je veux simplement m’amuser et lui aussi. Nous sommes deux adultes consentants, et c’est tout ce qui importe.

Je suis rentrée dans la nuit pour ne pas inquiéter mon père, mais j’ai passé une excellente soirée. Cela m’a fait du bien de passer du temps dehors et de penser à autre chose. Et je n’ai pas envie de me prendre la tête…
Mais le lendemain, je culpabilise un peu. En passant dans le couloir, j’entends que mon père est dans la salle de bain, sans doute en train de prendre son bain. Je l’entends pleurer… Je n’aurais peut-être pas du le laisser seul hier soir… Mon cœur se serre en l’entendant. Il prend sur lui devant Joy et moi, mais je sais que le décès de Maman le bouleverse et le perturbe, plus qu’il ne le veut bien le montrer. Je m’inquiète pour lui et pour sa santé… Rien qu’hier matin, il m’a dit trois fois qu’il allait faire beau, et pas trop froid. J’espère qu’il finira par aller mieux et que ces petites pertes de mémoire ne sont pas irréversibles…

Après le travail, Manon m’appelle pour me proposer de passer chez elle. N’étant pas pressée, Papa étant parti à Brindleton Bay avec Joy pour garder les triplés de Ryan, j’accepte sans hésiter. Dès que je débauche, je me rends directement au Quartier de la Mode pour aller à l’appartement de ma meilleure amie et sa petite amie.
Oui, parce que Caroline et Manon forment un couple et ont décidé de s’installer ensemble. Le propriétaire de l’ancien appartement de Manon vendait et elles ont saisi l’occasion. D’autant plus que Caroline était plus que ravie d’avoir de la compagnie chez elle après le décès de son père.
-Salut salut ! Tu vas bien ? Salué-je mon amie en entrant dans l’appartement, tandis que Manon est devant la télévision.
-Nickel et toi ? J’allais mettre un film sur Simflix, ça te tente ? Me répond-t-elle joyeusement.
-Ca va aussi et ma foi pourquoi pas ! Elle n’est pas là, Caro ?
-Non, elle est passée voir sa mère. Pas sûre que tu la vois aujourd’hui !

-Elle s’en sort d’ailleurs, maintenant qu’elle est toute seule ? Lui demandé-je alors, en faisant référence à la mère de Caroline.
-Oh oui, je crois qu’elle est plutôt soulagée de ne plus avoir son mari dans les pattes ! Me répond avec franchise Manon. D’après Caro, l’ambiance est meilleure depuis qu’il n’est plus là. Et puis, elle n’est pas vraiment toute seule, puisque Pierre vit toujours là-bas.
-Sérieux ? Il n’a toujours pas quitter le nid depuis le temps ? Ca me fait penser que ça fait un baille que je ne l’ai pas vu cet andouille !
-Il a trop peur que tu lui parles de couches et de biberons toute la journée ! En plaisante aussitôt Manon. Et oui, il est bien parti pour être un Tanguy car il n’a aucun envie de partir de chez sa mère.
-Et il espère trouver une copine comme ça ?
-Je crois que ça l’arrange, au contraire ! C’est le seul des trois qui n’est pas fichu de se caser !

Je passe un bon moment avec Manon, devant un film d’action qu’elle a choisi sur Simflix. Ce n’est pas tellement ma tasse de thé mais je fais rarement ma difficile sur le programme télé. L’important est de passer un bon moment entre amies, et nous sommes tellement occupées à nous moquer gentiment de Pierre le Tanguy que je ne prête pas grande attention au film.
Cela me fait penser que je devrais le revoir un jour. Autant j’ai pu croiser Paul rapidement lorsqu’il est rentré pour l’enterrement de son père, Pierre était au abandonné absent. D’après Caroline, il avait soit disant mieux à faire. A mon avis, il est parti oublier dans un bar ou dans les bras d’une jolie fille. Fidèle à lui-même quoi.

C’est le cœur léger que je finis par quitter l’appartement. Manon a reçu un appel de Caroline, lui proposant de la rejoindre chez sa mère à Oasis Springs. Je pars avant elle afin de la laisser tranquillement se préparer à partir.
Cela me fait plaisir de l’avoir vu, même si j’aurais aimé voir Caroline aussi. Elles forment toutes les deux un joli couple et cela m’a fait plaisir d’apprendre qu’elles sont ensembles. Elles méritent toutes les deux d’être heureuse et cela a l’air d’être visiblement le cas. En tant cas, je n’ai jamais vu Caroline aussi épanouie.

Il fait encore jour lorsque je sors de l’immeuble. Je dois avouer que je suis assez embêtée car je ne sais absolument pas quoi faire de ma journée. Je pourrai rejoindre Papa à Brindleton Bay, mais il sera probablement sur le départ le temps que j’arrive là-bas. Et je n’ai pas spécialement de me retrouver toute seule à la maison.
Alors, je fais un tour dans le quartier de la mode. Je visite un peu, regarde les devantures de magasin. Tout est hors de prix ici mais il n’y a rien de mal de rêver un peu.
Il m’arrive aussi de croiser des gens qui me reconnaissent, de par les actions que je mène dans l’association. Cela me fait plaisir de les voir, ou revoir, et de discuter un peu avec eux. Si je peux parler des prochaines actions de sensibilisation aux droits des femmes, je ne vais pas me gêner !

Puis, je me pose sur un banc. J’observe le décor urbain autour de moi. J’aimerai beaucoup vivre ici. Un jour peut-être, mais pas toute suite. Je ne me sens pas encore de vivre toute seule avec Joy… Mais j’ai surtout peur pour mon père. Il fait des efforts mais je sais qu’il ne s’est pas encore remis de la mort de Maman et sa mémoire se fait défaillante. Je n’ai pas envie de partir pour ensuite apprendre qu’il est mort dans un incendie parce qu’il aura oublié un truc sur le feu…

Je laisse mes pensées divaguer, essayant de penser à autre chose. La santé de mon père a tendance à me préoccuper et je ne veux pas me laisser submerger par mes inquiétudes. Malgré ses étourderies, il est encore parfaitement autonome et il n’a pas lieu de s’inquiéter pour le moment. C’est juste le temps qu’il se fasse à l’absence de Maman…
-Rosie ? M’interpelle soudainement une voix masculine, en sortant brusquement de mes pensées.
Aussitôt, je sursaute. Je ne m’attendais pas à ce qu’on vienne me parler. Surtout par mon surnom, et non mon prénom. Curieuse, je lève alors la tête vers …
Je me fige, n’en croyant pas mes yeux. Mais comment est-ce possible ? Ce n’est pas possible ! Ca ne peut pas être lui ! Il ne peut pas être ici ! C’est impossible !
Et pourtant…

-Sven ?!

… Il est bel et bien devant moi.

-Bonsoir, Rosie…. Me salue-t-il, sur un ton embarrassé.

Génération Rose – Génération 2 – Chapitre 12

Les jours ont passé depuis le décès de Maman. Son absence règne en maître dans la maison et j’ai encore du mal à accepter l’idée qu’elle ne soit plus là. Comment peut-on être ici, plein de vie et en bonne santé et l’instant d’après, n’être plus qu’un corps sans vie ? Cela me parait tellement insensé, alors que cela fait seulement partie de la vie.
Je fonctionne au ralenti depuis ce jour. J’ai appelé mon travail, mes responsables m’ont accordé quelques jours de congés exceptionnels. Une collègue est passée un soir à la maison avec un énorme bouquet de fleurs, de la part de toute l’association. Ils sont vraiment adorables et je reçois sans cesse des massages de soutien de leur part. Cela ne remplace pas l’absence de ma mère, mais cela me réchauffe un peu le cœur.

Aujourd’hui, c’est le jour de l’enterrement de Maman. La Faucheuse nous a laissé son urne mais ils nous a fallu quelques jours avec Papa pour organiser une petite cérémonie, pour pouvoir lui dire au revoir une dernière fois.
Papa… Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Il fait des efforts pour paraître fort devant Joy et moi, mais je ne suis plus une enfant. Je vois bien qu’il est perturbé. Je remarque bien qu’il s’embrouille dans ses paroles et il commence à radoter. Cela me serre davantage le cœur de le voir ainsi. Je ne m’étais pas préparée à ça. De voir ma mère partir, d’aider mon père du mieux que je pouvais…
Et de gérer Joy …

J’étais désemparée par la mort de Maman. Après le départ de la Faucheuse, il est resté assis sur le lit, enfermé dans son mutisme. Nous étions là, tous les deux, à observer l’urne qui contient les restes de Maman. Et puis, le visage de ma fille s’est imposée dans mon esprit. Je n’arrivais pas à la gérer au quotidien, comment pourrai-je lui annoncer une nouvelle pareille ?
Mais je n’ai pas eu le choix. Je suis sa mère, c’est mon rôle de prendre sur moi et de lui expliquer ce genre de chose. Et mon père n’était pas en état….
Alors, je suis allée dans la chambre de ma fille. Sans surprise, sans doute réveillée par nos cris, Joy était déjà réveillée. Elle m’observait avec ses grands yeux bleus et une moue inquiète. Elle devait sentir que quelque chose d’anormal était en train de se passer.
-Joy… ma puce… Lui ai-je soufflé d’une voix douce, en m’agenouillant devant elle pour me mettre à sa hauteur.
-Mamie ! Je veux Mamie ! S’exclamait-t-elle aussitôt en secouant la tête de droite à gauche. Mon cœur s’est serrée, repensant au drame qui venait de se passer. Comment pouvais-je expliquer ça à une enfant aussi jeune ?
-Joy… Mamie n’est plus là. Elle… Elle est partie au ciel.
-Elle revient quand Mamie ? Pourquoi Mamie Partie ?
-Elle ne reviendra pas ma puce. Quand on part au ciel… On.. On ne peut pas revenir. Un jour, on finit tous par partir là-haut… Ai-je tenté de lui expliquer, maladroitement.

-Non ! Pas d’accord ! Je veux Mamie ! A-t-elle commencé à pleurer. Elle a tapé du pied et elle criait plus fort. Comme un caprice dont elle n’obtiendra jamais satisfaction.
-Cela fait partie de la vie ma puce… Mais, même si elle n’est plus parmi nous, Mamie sera toujours dans ton cœur, là. Essayais-je de la consoler, tout en posant doucement un doigt sur sa poitrine. Et au ciel, elle veillera toujours sur toi. Elle t’aimait beaucoup, tu sais.
-Je veux Mamie ! Je veux ma Mamie ! Continuait-elle à persister, s’en-tétant à demander sa grand-mère. J’étais complètement perdue, dépassée. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Elle est trop jeune pour comprendre…

Alors, je l’ai prise dans mes bras. J’ai serré son tout petit corps contre le mien, espérant sincèrement pouvoir consoler son chagrin. Je ne suis pas la meilleure mère du monde, mais je n’aime pas la voir aussi triste. J’ai donc essayé du mieux que j’ai pu d’apaiser sa tristesse.
Elle s’est laissée faire, mais elle continuait de pleurer. Je l’ai gardé contre moi, me sentant étrangement mieux, moi aussi. Comme si prendre ma fille dans mes bras me rappelait que je ne suis pas toute seule dans cette épreuve. Ma mère est partie, mais j’ai toujours ma fille, qui compte sur moi pour continuer à veiller sur elle.
-Maman est là ma puce, Maman est là…

En repensant à ces derniers jours, je ne peux m’empêcher de pleurer. Je suis dans le caveau avec mon père. Nous nous recueillons devant l’urne de Maman, sans oser partir d’ici. Partir serait lui dire adieu. Et c’est beaucoup trop dur. J’aimerai être forte pour soutenir Papa, mais je n’y arrive pas. D’autant plus que je suis toute seule.
Ryan a pourtant dit qu’il viendrait, mais je crois qu’il a eu des problèmes avec ses triplés à gérer. Papa m’a dit qu’il aurait un peu de retard et qu’il viendrait se recueillir dès qu’il pourrait. Personnellement, je pense plutôt qu’il veut être sûr de ne pas me croiser…
Quant à Roxane, Papa m’a dit qu’elle était dévastée, au téléphone. D’autant plus qu’elle était en tournée à l’autre bout du monde. Organiser son départ précipitée a été compliqué et à cela s’ajoute des grèves à l’aéroport et le temps de trajet… Du coup, elle n’est pas là aujourd’hui. Elle sera dans deux jours pour venir dire au revoir à Maman.

-Ma chérie, calme-toi… Ta mère ne voudrait pas que tu sois si triste. Me sort soudainement de mes pensées mon père. Je n’ai pas remarqué qu’il s’est tourné vers moi. Il me prend par les épaules, prenant sur lui pour me consoler.
-Je sais… Mais c’est tellement dur… Lui réponds-je dans un souffle.
-J’en ai conscience ma chérie, mais tu es forte. Tu surmonteras cette épreuve et ta mère voudrait que tu continues à vivre ta vie. Ce serait le plus bel hommage que tu pourrais lui faire.
-Je me sens minable Papa… Lui avoué-je d’une petite voix. J’aimerai être plus forte pour pouvoir t’aider …
-Oh ma puce, pense un peu à toi avant de penser à ton vieux père. Tente-t-il de me rassurer. Avec ta mère, nous nous sommes préparés à ça, nous savions que cela allait arriver un jour. C’est dur pour moi de la laisser partir, mais je m’y suis préparé. Je reste ton père, c’est à moi de sécher tes larmes, pas l’inverse.

Suite à ses mots, il me prend dans ses bras. Je m’y sens si bien. Cela me rappelle des souvenirs, quand il essayait de me rassurer après que j’ai fait un cauchemar. J’ai l’impression que plus rien ne peut m’arriver tant qu’il est là, toujours prêt à veiller sur sa fille.
Et cela me rappelle que même si ma mère n’est plus là, j’ai toujours mon père. Et que je dois profiter de chaque instant, tant qu’il est toujours là.
-Aller, rentrons. Finit-il par me dire. Il faut libérer ton amie, euh…
-Caroline. Lui rappelé-je doucement. En effet, Caroline s’est gentiment proposée de garder Joy, le temps qu’il fallait pour la cérémonie. Je lui en suis infiniment reconnaissance pour sa proposition, alors qu’elle aussi, vit un moment difficile…

Nous sortons donc du caveau avec Papa. Aujourd’hui est une belle journée d’automne. Le cimetière est calme et presque chaleureux avec les feuilles orangées qui jonchent le sol. Ma mère ne pouvait espérer de plus bel endroit pour reposer pour l’éternité.
Nous nous avançons tranquillement dans les allées et au moment de passer la grille, je remarque la présence de mon frère à l’entrée du cimetière. Il est là, devant, sans bouger, comme s’il n’osait pas bouger… A moins qu’il nous attendait.

-Bonjour mon grand. Va aussitôt à sa rencontre mon père. Il s’approche de Ryan et le serre dans ses bras. Comment tu te sens ?
-Je fais aller… Soupire-t-il en réponse. Au son de sa voix, je devine qu’il cherche lui aussi à faire des efforts pour ne rien laisser paraître.
-Et tes enfants ?
-Ils… Ils sont tristes d’avoir perdu leur grand-mère. Et je crois qu’ils comprennent pas trop non plus. C’est la première fois qu’ils sont confrontés à la mort.
-Les enfants sont plein de ressources tu sais, ils finiront par aller mieux avec le temps…

Je n’interviens pas dans leurs échanges. Je reste en retrait, attendant patiemment le moment de rentrer à la maison. Ryan se libère de l’étreinte de Papa et je vois son regard se poser sur moi. Son visage témoigne de la tristesse qu’il doit ressentir. D’autant plus que lui aussi, a du apprendre le décès de son géniteur, Don Lothario…
Quand j’ai appelé Caroline pour lui annoncer le décès de ma mère et chercher un peu de soutien de ma meilleure amie, elle était chez ses parents. Je l’ai entendu parler avec eux, et leur expliquer la situation avant de partir de chez eux pour venir me voir en vitesse. Le lendemain, c’est elle qui m’a appelé, pour m’annoncer le décès de son père.
Est-ce une coïncidence ou n’a-t-il pas supporté d’apprendre le décès de ma mère, avec qui il a eu une histoire ? Personne ne pourra jamais le dire à présent… En tout cas, je sais que j’en ai parlé à mon père, et il a certainement du avertir les jumeaux… Je n’ose pas imaginer ce que ça doit être, d’apprendre que son géniteur est décédé, bien qu’il n’ait jamais cherché à connaitre ses enfants de l’ombre.
-Bonjour, Rosie. Me salut subitement Ryan, me faisant sursauter. S’adresse-t-il vraiment à moi ? En m’appelant « Rosie », chose qu’il ne fait plus depuis des années ? Tu as une minute ? J’aimerai te parler…
-Je vous laisse. Intervient alors mon père, pour nous laisser tous les deux. Je vais aller m’occuper de Joy. Ryan, si tu veux passer, la porte est ouverte….

-Qu’est-ce que tu veux ? Lui demandé-je alors après que mon père soit parti. Je demande cela sans aucune animosité. Je suis trop triste pour avoir la force d’attaquer sans chercher à comprendre. Je n’en ai pas la force… Même si je suis lasse de l’entendre se justifier de ses agissements, je n’ai pas le courage de l’envoyer sur les roses.
-Je voudrai m’excuser. M’avoue-t-il sans aucune hésitation.
-T’excuser ? M’étonné-je alors, vraiment surprise.

-Oui, m’excuser de mon comportement envers toi. Confirme-t-il alors qu’il me semble si fatigué et dépité tout d’un coup. J’ai beaucoup réfléchi, depuis la mort de maman… Non, en vérité, ça fait un moment que j’y réfléchis. Rectifie-t-il après une minute de réflexion. Depuis que mes enfants ont grandi en fait… Je me suis rendu compte que j’ai été injuste avec toi.
-Comment ça ? Ne compris-je pas, un peu perdue par ses propos décousus. Que viennent faire ses enfants dans cette histoire ?
-Quand je vois mes enfants aussi proches les uns des autres, m’explique-t-il, ça me rappelle nous, quand nous étions enfants. Et ça me montre la relation que nous aurions pu avoir, si nous n’avions pas laissé la jalousie de Roxane contrôler nos vies… Enfin, je n’avais pas laissé sa jalousie me contrôler. Je me rends compte que j’ai été stupide et que te laisser de côté pour préserver Roxane, c’était du n’importe quoi. Et avec la mort de Maman, je me rends encore plus compte que c’était n’importe quoi. A cause de ma bêtise, je t’ai laissé toute seule durant tout ce temps… Alors que tu avais besoin d’aide… Et je le regrette profondément. Finit-il par me dire, sa voix se brisant sur la fin de sa tirade.

J’ai du mal à en croire mes oreilles. Mon frère revient vers moi après toutes ces années, exprimant des remords ? J’en ai tellement rêvé, il fut un temps. Mais aujourd’hui, je n’espérais même plus d’excuses. J’ai appris à vivre sans lui, sans mon frère. J’ai appris à vivre avec ma rancœur.
-Ryan, est-ce qu’au moins tu as conscience du mal que tu m’as fait, quand tu m’as laissé tomber ? Moi ? Ta sœur ? Alors que je n’ai jamais rien fait pour mériter ça …
-J’en ai conscience Rosie, et crois-moi, je le regrette. Soupire-t-il. Si je pouvais revenir en arrière et corriger mes erreurs, je le ferai sans hésiter. Je suis tellement désolé, Rosie… J’ai été bête, et je me sens d’autant plus con de ne pas avoir réagi plus tôt, quant tu allais mal après le départ de ton petit-ami et la naissance de ta fille… Ajoute-t-il, me faisant comprendre qu’il est au courant de toute ma vie. Sans surprise, les parents lui ont sans doute donné de mes nouvelles alors que je refusais de lui parler. J’aurais du être là, pour toi… J’ai parfaitement conscience de ce que je pourrai dire ou faire ne pourra changer ça…. Mais j’aimerai faire partie de ta vie. J’aimerai pouvoir connaître ma nièce, et qu’elle puisse connaître ses cousins. Et que toi aussi, tu puisses être vraiment une tante pour tes neveux et nièce.
-Ils… Ils ont du bien grandir, depuis le temps. Me contenté-je de lui dire, après un silence. Je lui fais un timide sourire, incapable de dire autre chose. Au final, je me rends compte que tout ce que j’ai attendu de lui depuis tout ce temps, ce sont des excuses. Même s’il va me falloir un peu de temps pour lui pardonner complètement, je n’ai pas envie de le tenir à l’écart de ma vie éternellement.
-Oh oui. Ce sont des vrais terreurs, à l’école. J’ai plein de photos d’eux, sur mon téléphone, si tu veux les voir…

Je lui souris, en hochant la tête. Il sort son téléphone de son manteau et me montre des photos de ses enfants. Ils sont vraiment adorables, tous les trois. Les garçons ressemblent à leur mère, alors que Sarah est vraiment une Opaline, à ne pas en douter. La tension semble retomber, et je dois avouer que cela me fait du bien. J’ai perdu ma mère mais aujourd’hui, j’ai retrouvé mon frère. De là où elle est, je suis certaine que Maman doit être la plus heureuse des mères de nous avoir ainsi.
-Cela m’a fait plaisir de te voir, Rosie. M’avoue Ryan tout en me prenant dans ses bras. Je suis un peu mal à l’aise face à ce geste auquel je ne m’attendais pas, mais je me détends en quelques secondes. Cela me fait du bien, d’être à nouveau proche de mon grand-frère.
-A moi aussi. Il faudra que tu passes à la maison, pour voir Joy. Tu verras, elle est adorable.
-Je n’en doute pas et ça sera avec plaisir.