Plus le temps passe, plus la grossesse me fatigue. J’approche doucement mais sûrement du terme et, même si je sais que l’accouchement n’est pas une partie de plaisir, j’ai hâte de mettre mon bébé au monde.
Pour sa connaissance bien entendu, découvrir sa petite bouille aussi, mais aussi parce qu’il pèse lourd dans mon ventre et que j’ai régulièrement mal au dos. J’avais oublié qu’un bébé pesait aussi lourd dans le bidon. Par moment, j’ai l’impression que je vais exploser.

Les jours passent, et mon dos me fait de plus en plus souffrir. Parfois dès le matin, comme si la nuit n’avait pas été réparatrice. Nick fait de son mieux pour m’aider et me soulager, et je profite souvent de ses massages. Le pauvre ne peut pas faire grand chose pour tenter d’apaiser la douleur. Parfois, il me suggère de prendre enfin un congé maternité, mais je refuse. J’ai besoin de travailler. Pour ramener de l’argent, dans un premier temps, mais aussi parce que je n’ai pas envie de rester à la maison à ne rien faire et que je veux avancer dans ma carrière. Il soupire mais ne dit rien. Je sais qu’il voudrait que je m’arrête, mais je préfère prendre sur moi.

Du coup, je profite du week-end pour me reposer. Souvent, je m’amuse sur l’ordinateur. Je traîne sur des forums pour tenter d’attiser les foules. C’est assez drôle de voir des personnes se disputer sur des débats hautement philosophiques sur les pains au chocolat, le changement d’heures, ou sur les théories du complot. Il s’agit d’une étincelle pour faire tout embraser. Je les fais marcher et ils courent sans réfléchir. Et moi, cela m’amuse et cela me fait oublier un instant que je suis mère de famille.
Soudain, alors que je suis en pleine lecture d’un débat sur le monstre du Loch Ness quand des douleurs au ventre me déconcentrent. Cela me fait mal depuis ce matin et je commence à m’inquiéter. Je me lève du bureau pour aller chercher Nick quand je sens que je perds les eaux.
L’heure est venue de mettre un bébé au monde.
-Niiiick !!! Il faut aller à l’hôpital !!! L’appelé-je en tâchant de respirer calmement.

Après avoir déposé rapidement les jumeaux chez Charlotte, nous fonçons à l’hôpital. J’essaie de rester calme, mais j’ai peur de devoir mettre au monde mon bébé dans la voiture, à la vue de tous. Mon intimité n’aura plus de secret pour personne et je deviendrai une célébrité locale. Le rêve de ma vie.
Par chance, nous arrivons à destination avant que cela ne puisse se produire. Nick me soutient comme il peut, y compris lorsque je manque de m’étouffer en reconnaissant Barbie, la réceptionniste de l’hôpital.

-Bonjour, ma femme va accoucher. Se présente alors Nick alors que je n’ai aucune envie de parler avec Miss Je-Mâche-Du-Chewing-gum-Comme-Une-Vache.
-Encore vous ? Semble-t-elle me reconnaître après avoir levé négligemment son regard vers nous. C’est sûr qu’une femme avec des cheveux menthe, elle ne doit pas en voir souvent. Des jumeaux, ça vous suffisait pas, vous vouliez encore d’autres marmots ?
-Un médecin, s’il vous plait. Ne relevé-je pas et en faisant un effort surhumain pour rester calme.
-Ouais ouais, je vais voir ce que je peux faire.

Une sage-femme vient finalement nous voir pour nous accueillir. Elle me donne une blouse pour que je puisse me changer et m’examine rapidement, avant de m’indiquer nous allons nous rendre en salle de travail. Mais, une urgence survient et elle nous laisse avec Nick, seul dans le couloir. Chose qui me plait que moyennement et m’impatiente.
-Bon Dieu, Nick, qu’est-ce qu’elle fabrique ? Soupiré-je alors que je sens une contraction arriver.
-Ça va aller ma puce, elle va revenir, ne t’inquiète pas. Tente-il de me rassurer. Je me demande comment il fait pour rester calme alors que je suis sur le point d’accoucher.
-A ce rythme, je vais finir par sortir le bébé dans le couloir !

-Tout va bien se passer, tu veux que j’aille chercher quelqu’un ? Me souffle-t-il tout en venant me prendre dans ses bras, pour me déposer un baiser sur la joue.
-Non, reste avec moi. Lui demandé-je, rassurée par sa présence. Au moins, s’il y a un problème, je sais que je ne serai pas toute seule dans ce maudit couloir.
-Ça va aller, ma puce, ça va aller. Je suis là. Continue-t-il à me murmurer à l’oreille, tout en me caressant le ventre.
Sa présence me fait du bien, mais je reste inquiète et stressée. Que fiche la sage-femme ? Elle n’a pas de collègues pour s’occuper de l’urgence à sa place ?
Puis, elle finit par revenir et elle me prend en charge. Nous allons dans la salle de naissance, et au bout d’un long moment de souffrance à pousser, mon bébé pousse enfin son premier cri.

Cette naissance est un véritable soulagement pour moi. Après tous ces mois de stress et d’inquiétude, je peux enfin tenir mon bébé dans mes bras et l’installer dans sa chambre. Nick est fier comme un coq, heureux d’être le papa d’une magnifique petite fille. Avec toute l’objectivité dont il est capable en de telles circonstances, il trouve que notre fille est le plus joli bébé du monde. Cela m’amuse de le voir s’émerveiller ainsi, mais je suis incapable de le contredire.
Pour moi aussi, Rosae est le joli bébé du monde. Avec son frère et sa sœur bien sûr, lorsqu’ils venaient de naître.

Après avoir installé Rosae dans son landau, dans sa chambre, nous invitons les enfants à venir faire la connaissance de leur petite sœur. Roxane est plutôt dubitative, voire réticente à rentrer dans la chambre de sa sœur. Elle finit par s’approcher du petit lit, pour découvrir Rosae allongée, observant le monde qui l’entoure.
-C’est toi, le microbe qui s’incruste. Marmonne-t-elle sans oser s’approcher du landau. Tu sers à quoi au juste, à part baver ? Soupire-t-elle avant de sortir de la chambre, sans s’intéresser davantage à sa sœur.
Je suis un peu déçue de la voir réagir ainsi. J’espérais que voir sa sœur en vrai, concrètement, allait lui faire quelque chose, mais finalement, ce n’est absolument pas le cas. Nick essaie de me rassurer, disant qu’il faut lui laisser le temps. Cela s’arrangera sans doute lorsque Rosae grandira et qu’elles pourront jouer ensemble.

Une fois Roxane partie, Nick accompagne maintenant Ryan auprès de sa petite sœur. Il est fasciné par Rosae, la trouvant incroyablement petite. Cette dernière, nullement perturbée d’être le centre de l’attention, dort paisiblement, bâillant à s’en décrocher la mâchoire. Que c’est dur la vie d’un bébé !
-Elle est si petite !
-C’est normal, c’est un bébé. Toi aussi tu étais minuscule quand tu es né. Lui répond Nick, amusé par l’attitude de Ryan.
-C’est dingue ! Mais elle est mignonne. C’est quand qu’on pourra jouer avec elle ?
-Pas toute suite, elle est encore petite. Mais bientôt tu pourras ne t’inquiète pas.
-Trop cool, j’ai hâte !
-On verra si tu seras toujours pressé de jouer avec elle quand elle viendra tout saccager dans votre chambre.

Du jour au lendemain, avec l’arrivée de Rosae, tout notre quotidien se retrouve chamboulé. Notre vie se rythme autour des besoins du bébé, pour s’assurer que tout va bien pour elle.
J’avais oublié ce que c’était de pouponner. J’ai l’impression que cela fait une éternité que les jumeaux sont nés. Il faut que je me réhabitue à tout mais je trouve facilement mon rythme, d’autant plus que Nick est également là pour assurer la relève.
Et puis, cette fois-ci, je n’ai eu qu’un seul bébé. Rosae n’a pas de jumeau et j’ai tout le loisir de profiter d’elle et de sa petite bouille. J’adore m’occuper d’elle et c’est un véritable bonheur de la voir évoluer chaque jour.

Même si Rosae vient de naître et que je l’adore, ce n’est pas pour autant que je m’arrête de travailler. J’ai même évolué dans mon travail. Je laisse tomber la blouse bleue, mon équipement évolue pour mieux me protéger des expériences. Je suis ravie de cette évolution et j’ai hâte de continuer à gravir les échelons. Nick est fier de moi également, heureux de me voir aussi heureuse, et motiver à partir au travail. En même temps, je n’ai qu’une envie, atteindre les sommets !

Nick, lui, travaille le soir. Cela lui permet de s’occuper de Rosae lorsque je travaille et que les jumeaux sont à l’école. Il s’en occupe comme un chef et le fait d’être seul avec elle lui permet de mieux en profiter. Je ne suis pas sur son dos à lui dire quoi faire et il n’est pas sollicité par Roxane ou Ryan. Ainsi, il apprécie ces moments où il peut lui donner le biberon tranquillement, alors que je l’allaite lorsque je suis à la maison.

Lorsqu’il ne lui donne pas le biberon ou ne lui change pas sa couche, il en profite pour créer des liens. Il lui parle, il commente ce qu’elle peut bien faire, ce qu’elle peut bien penser. Il lui fait des câlins et la papouille. Il m’est déjà arrivé de rentrer discrètement à la maison pour l’observer à son insu. Il est vraiment adorable avec elle et il est un excellent papa. Je dois avouer que cela m’émeut, y compris quand il s’amuse à lui faire des grimaces. Les jumeaux n’ont pas eu de père, Don refusant de les côtoyer, et voir Nick s’impliquer autant auprès de Rosae me touche.
J’ai vraiment de la chance de l’avoir dans ma vie, et ma fille a de la chance de l’avoir comme père.