Je suis rentrée de mon rendez-vous avec Cédric sur un petit nuage. J’ai essayé d’être discrète pour ne pas alerter ma mère, et éviter au passage de devoir répondre à ses questions, et j’ai filé directement dans ma chambre. J’ai eu du mal à m’endormir tellement je passais mon temps à faire défiler les images de cette soirée dans ma tête.
J’ai du mal à réaliser que cette soirée, que ce baiser, ont réellement eu lieu. J’ai, durant quelques instants, du mal à croire que Cédric puisse s’intéresser à moi de cette manière. Jusqu’à aujourd’hui, je ne m’étais même jamais vraiment imaginé en couple.
Et pourtant, ma relation avec lui a vraisemblablement pris une toute autre tournure.

Depuis ce fameux soir, nous parlons tous les jours par SMS avec Cédric, et nous continuons de nous voir à la moindre occasion. Grâce à ma dernière promotion, mes horaires de travail ont évolué et il est désormais plus facile de nous voir. Et j’attends chacun de nos rendez-vous avec impatience.
Mais, j’essaie de me contenir à la maison et d’être celle que je suis d’habitude. Je n’ai pas envie d’alerter ma mère, ou encore Paul, grâce à un changement de comportement. Non pas que je craigne la réaction de ma mère face à ma relation avec Cédric, je suis certaine qu’elle en sera ravie, mais je n’ai, pour le moment, aucune envie de lui en parler. Nous en sommes qu’au tout début, alors, inutile de parler d’une histoire qui pourrait se casser la figure dès le départ.
Alors, pour éviter de laisser déborder mes émotions, je me concentre sur le bricolage. Il y a toujours quelque chose qui casse à la maison et ce sont des occasions idéales pour m’échapper et occuper mon esprit.

Lorsque je ne répare pas quelque chose dans la maison, je travaille sur ma fusée. Mon cœur s’envole, mais ce n’est pas une raison pour perdre de vue mon objectif d’aller dans l’espace. J’ai hâte d’avoir fini d’améliorer ma fusée, afin de pouvoir voler avec elle au delà du ciel. Peut-être, même, pourrai-je emmener Cédric avec moi ?
Je secoue la tête, et lorsque je divague ainsi, je redouble d’efforts pour rester concentrée sur ma tâche. Même si ma mère ne vient plus me voir bricoler sur ma fusée et que je n’ai plus besoin d’être vigilante, je ne veux pas prendre le risque de me blesser ou pire, d’abîmer ma fusée.
Je veux pouvoir avoir la fierté de la montrer à Cédric, un jour !

Mais avant qu’il ne puisse la voir, nous continuons de nous voir à l’extérieur. Cédric a d’ailleurs fini par tenir sa promesse, celle de m’emmener dans de petits restaurants peu fréquentés, mais très charmants. Le beau temps étant peu à peu de retour, nous pouvons même dîner en terrasse.
Même si je n’aime pas spécialement sortir, je suis ravie de ces découvertes. Les différents restaurants sont sympathiques mais je dois avouer que c’est surtout Cédric qui me permet d’en garder un souvenir impérissable. Je crois qu’il pourrait m’emmener n’importe où, je parviendrai toujours à passer un bon moment avec lui sans voir le temps passer.
-Tu sais, je crois que ma mère se doute de quelque chose.. à propos de nous. Lui avoué-je alors, au détour d’une conversation, alors que nous prenions connaissance du menu.
-Ah oui ? Elle ne croit plus à tes sorties avec ta cousine ? Me demande-t-il avec un sourire en coin, amusé par mon alibi auprès de ma mère et de Paul. En effet, lorsque je sors pour rejoindre Cédric, je dis que je suis avec Sarah, et qu’elle m’oblige à mettre le nez dehors. Mais vu le regard qu’ils me lancent, j’ai l’impression que mon excuse ne fonctionne plus.

-Vu comment elle me regarde, j’en ai bien l’impression. Lui confirmé-je alors. Même Paul commence à me faire des sous-entendus alors que c’est le premier à respecter ma discrétion sur ma vie privée. C’est là que je regrette de ne pas avoir pris mon indépendance.
-Cela doit être comique à voir. Préfère-t-il s’en amuser. Tu n’es toujours pas prête à leur parler de moi ?
-Pas encore… Admis-je, un peu embarrassée. J’ai peur de le vexer à force, bien qu’il me sourit d’un air rassurant à ma réponse. Je suis un peu nerveuse à propos de ça… Et, je sais pas… Je n’ai pas vraiment pour habitude de me confier à ma mère… Tu n’es pas vexé ?
-Bien sûr que non, tu vas à ton rythme. Me rassure-t-il aussitôt en me prenant tendrement la main. Je ne veux pas t’obliger à quoique ce soit et je comprends que tu ais besoin de temps avant de lui avouer que tu as un homme dans ta vie.
-Et toi ? Tu… Tu en as parlé à quelqu’un ?

-A mon frère, oui. Me confirme Cédric après que le serveur ait pris nos commandes. Mais avec lui, c’est difficile de garder quoi que ce soit secret.
-Comment ça ? Il s’amuse à t’espionner ? Supposé-je avec amusement.
-Non, mais d’après lui, il lit en moi comme dans un livre ouvert. Celian m’a avoué qu’il était sûr qu’il allait se passer un truc entre nous dès le Nouvel An. Alors forcément, quand j’ai commencé à passer plus de temps dehors, il a toute suite compris. M’explique-t-il alors que je ne peux m’empêcher de rire. Et lui, il n’est pas du genre à attendre que je vienne lui en parler de moi-même, il entre directement dans le vif du sujet. Se met-il à rire à son tour. Tu n’imagines même pas l’interrogatoire auquel j’ai le droit dès que je rentre à la maison !
-Mon pauvre, je compatis. Ne puis-je retenir mon hilarité. Et il le prend bien ?
-Pourquoi ne le prendrait-il pas bien ? Il est plutôt content que je me sois, « enfin », trouvé une copine. Et puis, comme je passe mon temps en-dehors de la maison, cela lui laisse le champ libre pour inviter Sarah. Alors, il est doublement ravi !
-Il lui a dit d’ailleurs, pour nous deux ? Lui demandé-je, un brin inquiète. Sarah est une véritable pipelette et elle est incapable de garder un secret. Si elle est au courant, alors toute la famille l’est également tellement le scoop serait trop énorme pour qu’elle puisse le garder pour elle.
-Ne t’inquiète pas pour ça, Chaton. Celian a toujours su garder mes secrets. Me rassure-t-il avec un sourire en coin, alors que je ne peux m’empêcher de lui jeter un regard noir, faisant mine d’être soudainement vexée.

En effet, et depuis quelques temps maintenant, Cédric a pris l’habitude de m’appeler par un surnom affectueux. Je sais que beaucoup de couples en utilisent et sur le principe, je n’en vois pas l’inconvénient.
Mais parmi toutes les possibilités qui existent, il a décidé de m’appeler Chaton. Une jolie référence, un brin taquine, à notre première rencontre désastreuse. Cela m’a surprise la première fois, et je me suis sentie rougir, ayant toujours aussi honte lorsque j’ai le malheur d’y repenser. Ce qui n’a pas manqué de le faire rire, bien sûr. J’ai protesté, au début, mais j’ai fini par m’y faire. Mais puisqu’il m’appelle ainsi pour me taquiner, je fais mine de bouder en retour, juste pour l’embêter.
Il n’y a aucune raison qu’il s’en sorte aussi facilement, cet andouille !

Cette soirée au restaurant est tout simplement parfaite. Le repas était délicieux et la nuit est tombée doucement sans que je ne m’en rende compte. Même après avoir terminé nos desserts, nous restons un moment à table sans que nous voyons le temps passé.
C’est fou comme je suis capable d’oublier le monde autour de nous, lorsque je suis avec lui.
Nous finissons tout de même par quitter le restaurant. Loin de nous l’idée de rentrer toute suite chez nous, alors nous baladons tranquillement aux alentours. La nuit est belle ce soir, et ce serait dommage de ne pas en profiter.
On parle, on plaisante, on s’embrasse. Parfois, on marche en silence, profitant du calme de la nuit et de la présence de l’autre.
Nous sommes comme hors du temps, ensemble dans notre petite bulle.

Je me sens si bien avec lui, c’est quelque chose de fou. Parfois, je suis un peu mal à l’aise, mais le sourire et la bienveillance de Cédric font s’envoler mes inquiétudes. Lorsque j’imaginais les relations amoureuses, j’avais l’impression que c’étaient des choses compliquées, et cela ne me donnait absolument pas envie. Mais avec Cédric, j’ai le sentiment que tout est simple, que tout est évident…
-Il n’est pas tard encore, tu… tu veux venir chez moi ? Me propose soudainement Cédric après m’avoir embrassé.

Mon cœur rate un battement suite à sa proposition. Je ne m’y attendais pas et je suis surprise et déstabilisée. Je ne sais pas comment l’interpréter … Dans l’inconscient collectif, ce genre de proposition en cache une toute autre.
Je dois avouer que je ne m’attendais pas à ce qu’il me demande aussi directement de passer à l’étape suivante. Je pensais que les choses se feraient plus naturellement … Peut-être que je me trompe, après tout, mais je ne peux m’empêcher de stresser à l’idée de le suivre chez lui. Je n’ai eu personne avant lui, tout est nouveau pour moi et, pour le moment, rien que l’idée d’être plus intime provoque en moi un malaise.
-Chaton, tout va bien ? S’inquiète subitement Cédric face à mon absence de réponse… et peut-être à cause de ma mine déconfite. J’ai dit quelque chose qui ne fallait pas ?
-Non non, c’est rien… Ne t’en fais pas, tu n’as rien dit de mal. Lui assuré-je, le cœur battant à tout rompre. Le stress commence à monter, ne lui ayant pas encore confié que, malgré mon âge, il est mon premier petit-ami, ma première relation amoureuse… C’est peut-être bête à dire, mais j’ai peur de sa réaction. Et s’il prenait peur ? Et s’il s’enfuyait à toutes jambes ?
-Arrête, je vois bien qu’il y a quelque chose.
-Non.. C’est juste… Je dois t’avouer un truc… Lui annoncé-je, nerveuse. Euh, je… Avant toi, je.. J’ai jamais eu personne en fait…
-Euh.. Oui. Et alors ? Ne semble pas comprendre Cédric, se demandant où je veux en venir.
-Et bien, depuis que je suis avec toi, tout est nouveau pour moi. Et pour le moment, je ne suis pas certaine d’être prête pour… Avoué-je, mal à l’aise alors que je vois bien que Cédric essaie d’analyser ce que je suis en train de lui dire.
Soudain, je vois son regard s’illuminer.

Aussitôt, il m’affiche un sourire rassurant pour ensuite me prendre dans ses bras. Je suis un peu tendue, ne sachant pas ce qu’il se passe dans sa tête, mais petit à petit, je me détends au creux de ses bras.
-Chaton, tu n’as pas à stresser autant. Me souffle-t-il sur un ton rassurant. Déjà, parce qu’il n’y avait pas d’arrière-pensée dans ma proposition, m’assure Cédric, amusé alors que je me sens honteuse. Si je te proposais de venir chez moi, c’est simplement parce que nous sortons toujours dehors et que j’ai envie de te faire découvrir ma maison. Et puis, je sais que tu n’aimes pas beaucoup sortir et être entourée d’inconnus, alors je me disais que te proposer de venir chez moi de temps en temps te ferait davantage plaisir.
-J’ai honte, je me suis complètement faite des films. Murmuré-je en cachant mon visage dans le creux de son cou.
-Complètement, Chaton. Me confirme-t-il en laissant échapper un rire. Plus sérieusement, sache que ce n’est pas parce que tu viens chez moi que cela t’oblige à faire quoi que ce soit et qu’il ne doit pas forcément se passer quelque chose. Tu peux très bien venir et rentrer chez toi plus tard. Tu peux même rester dormir si tu le souhaites, sans que cela ne t’oblige pour autant à faire crac-crac. Je suis sérieux, Chaton, ajoute-t-il alors que je hoche la tête, je veux que tu sois à l’aise avec moi et non que tu te mettes à stresser parce que tu penses que j’ai des attentes particulières. Je ne t’oblige à rien et je ne veux pas que tu te forces à quoi que ce soit avec moi. Nous irons à ton rythme et nous ferions rien si tu n’es pas prête. D’accord ?
-Humpf, j’ai vraiment de la chance de t’avoir.

Je me sens honteuse de m’être mise à paniquer alors que Cédric voulait juste me faire découvrir son univers, et nous offrir un cocon à nos rendez-vous.
Mais il a su trouver les mots pour me rassurer, et calmer mes craintes. Je me sens ridicule, mais la prévenance de Cédric a permis de balayer mon malaise et d’être de nouveau détendue auprès de lui.
Au moins, l’avantage de ma bêtise est que cela m’a permis de me confier à Cédric et de m’ouvrir à lui. Et je dois admettre que cela me soulage d’un poids.

-Tu sais que je n’ai eu personne avant toi… Commencé-je alors que nous avons trouvé un endroit tranquille pour observer les étoiles. Et toi ? Tu as déjà quelqu’un avant ?
-J’ai eu une copine, au lycée. M’avoue-t-il en réponse. Il est calme et ne semble pas être plus gêné que ça de m’en parler. Cela a duré quelques années, mais elle est partie étudier à l’autre bout du pays et la distance a fini par nous séparer.
-Ah.. Et.. Elle te .. manque ?
-Non. Me répond-t-il avec assurance tout en me prenant la main. Ca fait longtemps que c’est fini et je suis passé à autre chose.

Nous continuons de discuter tranquillement de nos vies, allongés dans l’herbe, nos regards dirigés vers le ciel. A un moment, je lui parle des étoiles que nous pouvons apercevoir à l’œil nu, grâce au ciel dégagé de ce soir. Cédric m’écoute avec attention, même si je sens alors son regard pesé davantage sur moi que sur ce que je lui montre.
Mais cela ne fait rien, tant que je suis avec lui.

Je me sens bien ce soir, à ses côtés. Mon coup de stress est quasiment oublié, et Cédric se montre particulièrement adorable depuis. Comme s’il veut m’aider à me détendre et ne pas prendre le risque que je m’emballe une nouvelle fois.
Un courant d’air passe et, malgré ma veste, je frissonne. Cédric s’en aperçoit et se tourne vers moi pour me serrer contre lui. Je savoure la chaleur de son étreinte que je n’ai aucune envie de quitter. Je suis totalement apaisée et je mesure d’autant plus la chance de l’avoir rencontré.