
Rosae
Aujourd’hui, nous fêtons l’anniversaire de Paul. Il s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de sa vie, et cela ne semble pas le déranger. Il estime avoir eu une belle vie et gagner des rides et des cheveux blancs ne lui fait pas peur.
Personnellement, cela me fait tout drôle. Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai l’impression que c’était hier qu’il est revenu parmi nous, et que notre histoire a commencé. Aujourd’hui, il vieillit à mes côtés et je n’imagine plus ma vie sans lui.
Mais qui dit anniversaire de Paul, dit que c’est également celui de Caroline et de Pierre. Ils viennent tous les deux avec leur famille pour célébrer cette journée. La maison va être pleine de monde et cela me réjouit. J’ai préparé un beau gâteau pour l’occasion et j’espère qu’il plairait aux petits comme aux grands.

J’espère que cela va aller pour Joy. Je sais qu’elle n’est pas à l’aise lorsqu’il y a trop de monde autour d’elle. Elle m’assure que cela va aller, qu’elle va prendre sur elle, mais je préfère rester prudente. Surtout qu’il y aura beaucoup d’enfants.
Mais elle ne semble pas particulièrement nerveuse. Elle est installée sur le canapé à regarder la télévision, en attendant que nos invités arrivent. Enfin, regarder la télé est un grand mot… Elle a les yeux rivés sur son téléphone. A bien y réfléchir, elle passe son temps dessus depuis le Nouvel An. Je ne sais pas ce qu’elle a bien pu faire durant cette soirée avec Sarah, mais elle a toujours le sourire aux lèvres. Aurait-elle rencontré quelqu’un ce soir-là ?
Je préfère ne pas m’en mêler, elle va encore dire que je raconte n’importe quoi. S’il y a bien un garçon derrière son sourire, elle nous en parlera quand elle sera prête.

Très vite, les invités arrivent. Pierre et Caroline arrivent en même temps, et les jumeaux de Pierre ne tardent à se faufiler à l’intérieur de la maison. Je vois le visage de Paul s’illuminer en voyant son neveu et sa nièce. Je sais qu’il regrette de ne pas avoir pu avoir d’enfants à lui. Mais il est heureux de pouvoir être un super Tonton et d’avoir pu participer à la vie de Patrick et Marina lorsqu’ils sont venus au monde. Depuis, ils ont bien grandi et Paul est toujours aussi proche d’eux, même s’il ne vit plus chez son frère.

Pendant que Paul s’occupe de Patrick et de Marina, je m’empresse de saluer mes amis. Cela me fait plaisir de les voir. Entre mon travail, ma famille, je n’ai pas forcément énormément de temps à leur consacrer. Et eux, ils ont leur propre famille avec des enfants encore jeune. Alors, ces occasions sont idéales pour se retrouver.
-Coucou patronne ! Ca va comme tu veux ? S’exclame Caroline en me prenant dans ses bras.
-Très drôle Caro. Ici, je ne suis pas ta supérieure, tu le sais bien.
-Je te charrie ! J’ai le droit, c’est moi qui vais me prendre des cheveux blancs aujourd’hui !
-Je compatis tellement ! Salut Hugo ! Ajouté-je en voyant son fils aîné arrivé derrière elle.
-Bonjour Marraine !

Nous qui avons l’habitude de vivre à trois, et trois adultes, cela fait drôle de voir la maison pleine de vie avec autant de monde et autant d’enfants. J’ai un pincement au cœur lorsque je réalise que je n’ai pas assez profiter de l’enfance de ma fille. Elle est devenue une femme formidable malgré tout et nous sommes proches aujourd’hui. Et puis, nous ne pouvons pas revenir en arrière.
Et puis, avec un peu de chance, Joy aura des enfants et je pourrai me rattraper en tant que grand-mère.
Mais pas toute suite. C’est Paul, Pierre et Caroline qui prennent des cheveux blancs aujourd’hui, pas moi !




Pendant que tout le monde discute, j’installe les bougies sur le gâteau et je les allume. J’appelle ensuite mes amis pour qu’ils viennent souffler leurs bougies.
Caroline est la première à se dévouer, Pierre et Paul ayant souhaité faire de galanterie. Avec ma meilleure amie, nous nous sommes lancées un regard amusé. Cela les arrange bien d’être galant sur ce coup !
-Et dire que ce n’était pas même pas moi qui suis sortie la première ! Lance-t-elle avec amusement, avant de souffler ses bougies.
Je rallume aussitôt les bougies et c’est Pierre qui s’y colle ensuite. Il a tout d’abord protesté mais Paul lui a laissé l’honneur de commencer en tant qu’invité et en tant qu’aîné. Et oui, Pierre est le premier à avoir vu le jour, parait-il.
Mais Paul ne peut pas retarder l’inévitable éternellement. Après que son frère ait souffler ses bougies -et gagné des cheveux blancs- je rallume les bougies pour la dernière fois et c’est à son tour de les souffler. Il fait le malin, mais je sais très bien qu’il aborde la vieillesse avec sérénité.
Quant à moi, cela me fait drôle de les voir tous vieillir. Je les connais lorsque nous étions enfants et nous avons tous grandi ensemble. Les voir avoir les cheveux gris me fait réaliser à quel point le temps est passé vite. Et dire que je suis la prochaine à y passer… J’ai encore un peu de temps devant moi -pour me préparer psychologiquement- mais cela me fait drôle de savoir que bientôt, moi aussi, je serai vieille.
-Bah alors Paul, c’est dur de vieillir ? Tu as déjà des problèmes de dos ? Ne tarde pas à le taquiner Pierre.
-Je suis plus en forme que toi, Pierre !
-Et puis, toi aussi tu as fait la grimace quand tu as vieilli ! Surenchérit Caroline en riant.

Maintenant qu’ils ont tous soufflé leurs bougies, nous pouvons enfin couper le gâteau. Les enfants sont évidemment les premiers à se jeter dessus. Cela nous fait rire, mais Manon et Lucia ne sont pas loin pour leur dire de se calmer et de faire preuve de patience. Les pauvres, elles se retrouvent à les gérer pendant que Pierre et Caroline profitent de leur journée.
-Tonton, ça fait quoi d’être vieux ? Demande Patrick sans la moindre délicatesse. En réaction, Paul ne peut s’empêcher de rire.
-Cela ne se pose pas comme question. Lui signale Joy avec amusement.
-T’en fais pas. La rassure Paul avant de répondre à son neveu. Ca fait que je suis juste plus intelligent qu’avant et même si je n’ai pas la même forme qu’avant, je suis toujours libre de faire ce que je veux. Donc je peux toujours te tirer les oreilles si tu continues à dire que je suis vieux.
-Aaah ! Hugo ! Eric ! Tonton veut me tirer les oreilles ! Se lève-t-il aussitôt du canapé pour rejoindre ses cousins.
-Tu as conscience que tu cours plus vite que lui ? Se moque en réponse Hugo alors qu’Eric et Patrick se mettent à courir partout.
-Les enfants, on se calme ! Vous allez finir par casser quelque chose ! Soupire Manon, visiblement fatiguée par l’énergie des enfants.

Puisqu’il n’y a plus de place à l’intérieur de la maison, Caroline, Lucia et moi nous sommes installés sur la table de jardin. Le printemps pointe le bout de son nez et la température commence à être de nouveau agréable. Caroline est bien décidée de profiter de sa journée et ne semble pas se préoccuper plus que ça des cris d’enfant qui proviennent de l’intérieur de la maison. Lucia, quant à elle, semble plus dépitée.
-Par moment, je me demande d’où leur vient toute cette énergie. Soupire-t-elle alors qu’on entend les enfants crier à l’intérieur, et Manon qui essaie en vain de les calmer avec l’aide de Paul et de Pierre.
-C’est là que je suis contente de n’avoir eu qu’une fille, et qu’elle soit déjà adulte. Songé-je à voix haute.
-Et d’avoir eu tes parents pour t’aider. Me rappelle Caroline.
-Ouais aussi. Cela me fait relativiser la mère nulle que j’étais.
-Tu n’étais pas nulle, juste dépassée par les événements. Me rassure Caroline, avant de s’adresser à Lucia. Les enfants sont toujours insupportables lorsqu’ils sont tous ensemble. Mais dis-toi que l’avantage, c’est qu’ils vont être crevés lorsque vous allez être rentrés et que vous allez être tranquille ce soir avec Pierre.
-C’est pas faux, surtout que Marina est plutôt par rapport à Patrick. Je ne sais pas comment vous faites avec Manon avec deux garçons.
-J’ai grandi avec deux andouilles, ça aide ! Réplique Caroline au tac au tac, ce qui ne manque pas de redonner le sourire à Lucia.

Petit à petit, le calme revient dans la maison. Joy a eu l’idée de mettre un film pour enfant à la télé et maintenant, ils sont tous attirés par ce qui se passe à l’écran. C’est la solution de facilité, mais cela a le mérite de fonctionner et d’apporter un peu de calme.
-J’ai l’impression d’être un père épouvantable. Coller mes gosses devant un DVD juste pour avoir la paix ! S’exclame Pierre en observant la télévision.
-Ca a le mérite de les canaliser. Et puis, c’est un jour de fête, ce n’est pas grave. Le rassure Paul qui n’a même pas eu le temps de terminer sa part de gâteau.
-Facile à dire pour toi ! T’as pas d’enfant.
-Mais je suis avec une femme qui passe son temps à s’inquiéter pour sa fille, qui est adulte, tu crois que c’est mieux ?
-Ouais… Ta belle-fille est adulte ! Je suis trop vieux pour ça moi !
-Tu n’avais qu’à te poser plus tôt !
-Papa ! Tonton ! On n’entend rien ! S’exclame brusquement Patrick avec une moue boudeuse, ce qui fait rire Pierre et Paul.

L’après-midi passe à une vitesse folle. Le soir venu, avec les enfants épuisés par leur journée, Caroline, Manon et Pierre et Lucia n’ont pas tardé à rentrer avec leur tribut. Retrouver un peu de calme fait du bien. Joy est épuisée et n’a pas fait long feu ce soir. Avec Paul, nous avons vite retrouvé notre chambre aussi.
-J’ai à peine eu le temps de te souhaiter un bon anniversaire. Lui soufflé-je avec tendresse. J’ai attendu toute la journée pour pouvoir être un peu seule avec lui, et profiter de ces instants de calme dans ses bras.
-J’espère que je ne suis pas devenu trop vieux pour toi. Me répond-t-il avec un sourire amusé.
-Mais non. Cela ne change absolument rien. Lui assuré-je avec un sourire. Je t’aime.

-Je t’aime aussi Rosie. Me susurre-t-il avant de me prendre dans ses bras pour m’embrasser.
Je suis tellement heureuse avec lui. Nous avons mis le temps pour nous trouver, mais depuis, la vie est plus belle. Pour rien au monde je ne voudrais quitter la chaleur de ses bras. Je vois l’avenir avec plus de sérénité. Grâce à lui, je n’ai pas peur de me retrouver seule, je n’ai pas peur du jour où Joy quittera la maison. Car Paul sera toujours là, avec moi, à mes côtés.

-Rosie, que penses-tu du mariage ? Me demande soudainement Paul en libérant mes lèvres.
Je me fige aussitôt. Je suis surprise par sa question, ne m’y attendant pas du tout. Jusqu’à présent, nous n’avons jamais parlé mariage. Je pensais qu’il était refroidi par la question depuis la fin de sa relation catastrophique avec Sylvia et son divorce. Quant à moi, je n’ai pas réfléchi à la question. Je n’ai pas de très bons souvenirs suite à l’annulation de mon mariage avec Sven…
Et soudain, maintenant que Paul m’a posé cette question, je suis terrifiée. Serait-il en train de me demander l’épouser ?
-Paul.. Je…

-Ce n’est pas une demande en mariage, Rosie. Me rassure-t-il avec un sourire, comme s’il lisait dans mes pensées. Je veux juste savoir ce que tu en penses.
-Mais tu y penses. Sinon tu ne me poserais pas la question.
-Pour être honnête, oui. Me confirme-t-il alors que je peux lire tout l’amour qu’il a pour moi dans son regard. Mon mariage avec Sylvia a été un échec, mais cela ne veut pas dire que je n’y crois plus. Je t’aime, et je sais que je passerai le reste de ma vie avec toi. D’où ma question… Car j’aimerai savoir ce que tu en penses, toi.
Mon regard se perd dans le vide. Je ne sais pas quoi répondre. Je réfléchis, mais j’ai peur de le blesser. Au fond de moi, je connais la réponse. Mais comment le lui dire sans briser ce qu’il y a entre nous ?
-Paul.. Je.. Je t’aime, et je t’aimerai toujours. Moi aussi je sais que je passerai le reste de ma vie à tes côtés. Commencé-je, nerveuse. Mais… Mais je ne suis pas certaine que ce soit pour moi, le mariage.
-Comment ça ? Me demande-t-il alors. Il n’a pas l’air blessé, juste intrigué. Cela me rassure, un peu, mais cette conversation me met toujours mal à l’aise.
-J’ai essayé, une fois, avec Sven… Certes, j’ai annulé le mariage, je n’étais plus amoureuse mais… Mais cela m’a permis de me rendre compte que les conventions, la cérémonie, la robe blanche, tout ça, ce n’était pas moi. J’ai changé depuis, certes, mais je ne vois pas subir tout le tra la la une nouvelle fois. Ce n’est pas utile selon moi… Mais cela ne change pas le fait que je t’aime et que je suis heureuse avec toi.

-Je sais. M’assure Paul avec douceur, avant de me déposer un baiser sur ma joue.
-J’espère que je ne t’ai pas blessé… Avoué-je, le cœur serré. Je n’ai pas été honnête avec Sven quant à mes attentes et je lui ai fait du mal… Je… Je ne veux pas faire les mêmes erreurs avec toi…. Je t’aime trop pour ça…
-Je sais Rosie, et tu ne m’as pas blessé. Je voulais connaître ton point de vue, en prenant le risque qu’il soit différent du mien. Cela ne change rien à ce que je ressens pour toi. Mariage ou non, je resterai à tes côtés jusqu’à mon dernier souffle.
-Comment tu fais pour être aussi parfait ?
-Mais je ne le suis pas. Je suis juste parfait pour toi.