Je n’en peux plus de cette grossesse. J’entame la dernière ligne droite et j’ai hâte que la crevette sorte de mon ventre. Je suis constamment malade, fatiguée et j’ai mal au dos à cause du poids du bébé. Mon ventre est énorme et je peine à me souvenir de ma silhouette avant que je sois enceinte. J’aimerai tellement retrouver ma ligne d’avant … Mais pour le moment, la crevette ne semble pas pressée de sortir et cela commence à peser sur mes nerfs.
Contrairement à ma mère qui est tout excitée par l’arrivée du bébé. Je crois qu’elle est ravie de devenir une nouvelle fois grand-mère. Cela me fait tout bizarre de la voir ainsi, alors que pour moi, le malaise grandit au fur et à mesure que l’accouchement est imminent. Serai-je une bonne mère, comme ma mère l’a été avec moi ?

Cette après-midi, mes parents gardent les triplés de Ryan. Lui et Juliette travaillent et la garderie est exceptionnellement fermée suite à un dégât des eaux survenu dans la matinée. Maman s’est faite un plaisir de leur proposer de les garder en urgence.
Du coup, Ryan est passé en coup de vent à midi pour déposer les enfants. Visiblement, ils sont tous les trois d’une humeur massacrante. A peine Ryan parti travailler, ils se sont mis à pleurer et à courir partout pour chercher leur père. Je crois que l’on va tous devenir sourds d’ici la fin de la journée !

De plus, les triplés courent vite et entre mes parents qui ne sont plus tout jeune et moi qui suis enceinte jusqu’au cou, nous avons bien du mal à les suivre. Si bien qu’ils profitent de leur avantage pour faire des bêtises dès que nous avons le dos tourné.
Surtout Kylian, qui est une vraie canaille. Nous l’avons perdu de vu et je l’ai retrouvé dans la salle de bain, en train de jouer avec l’eau des toilettes.
-Kylian ! Joue pas avec ça, c’est sale ! Le grondé-je avant de le soulever péniblement.
Laisse-moi Tata, laisse-moi ! Piaille-t-il aussitôt avec sa voix stridente tandis que j’essaie tant bien que mal de lui laver les mains. Chose qui n’est pas évidente avec cette boule de nerfs et avec mon gros ventre.
Fort heureusement, alerté par les cris, Papa vient vite à ma rescousse et prend le relais avec Kylian qui continue de gesticuler dans tous les sens.
Mais comment font-ils pour gérer les gérer, ces terreurs ?

Quant à Maman, elle essaie de se rapprocher de ses petits enfants. A commencer par Sarah, mais cette dernière n’a pas l’air très motivée par subir les câlins de sa grand-mère. Elle est aussi têtue que mignonne et ne se laisse absolument pas décidée à se laisser approcher.
-Non non non ! Pas touchée Mamie ! Pas touchée !
-Mais tu aimes bien que je te fasse des câlins d’habitude ! S’en étonne alors ma mère, un peu déçue et gênée par la bouille attristée de Sarah.
-Je veux Papa ! S’écrit aussitôt la petite en secouant la tête.
-Papa est au travail ma puce. Il viendra vous chercher ce soir. C’est bien aussi d’être chez Papy et Mamie, non ?
-Non ! Je veux Maman !!!

Maman soupire et finit par apporter un jouet à Sarah pour qu’elle puisse s’occuper toute seule. A sa tête, je devine que les triplés l’épuisent à crier tout le temps.
Papa essaie une approche plus en douceur, en lisant une histoire à Alexandre. Il reste sagement assis sur le canapé, sans tenter de s’échapper, mais il ne semble pas plus ravi d’être ici. Il affiche une moue triste sur son visage et l’histoire ne lui fait apparemment pas plaisir.

-Elle est nulle l’histoire ! Tu racontes pas comme Maman ! Boude-t-il alors, profitant d’une pause de son grand-père quand il tourne la page.
-Elle raconte comment ta maman ? Je peux tenter de faire comme elle.
-Elle, elle fait des voix rigolotes ! Je veux Maman !! S’en-tête Alexandre, faisant soupirer mon père.

Les triplés sont adorables en temps normal mais là, ils sont intenables. Les entendre crier à tout bout de champ me donne mal au crâne et me fatigue. J’ai du mal à tenir debout et mon père m’invite très vite à monter dans ma chambre pour me reposer. J’hésite un instant, car ils sont deux pour s’occuper de trois petits monstres mais il insiste et je ne me fais pas prier davantage. Je vais aussitôt dans ma chambre et je m’allonge avec bonheur sur mon lit.
Enfin un peu de calme, même si je parviens à entendre les cris provenant du rez-de-chaussée. La maison est bien isolée et les bruits sont suffisamment étouffés pour que je puisse me reposer. Ils sont de véritables contraceptifs ambulants et je me mets à prier que ma crevette soit plus calme.
-Tu seras plus calme que tes cousins, hein ? Soupiré-je en posant une main sur mon ventre tout en fermant les yeux. Faut pas prendre exemple sur eux, ils sont terribles. Continué-je en commençant à m’endormir, essayant de faire taire mes craintes quant au caractère de ma crevette. Et si c’est une terreur, elle aussi ? A faire des bêtises tout le temps et à crier au lieu de parler ? Et si la crevette ne m’accorde aucun répis ?

En bas, mes parents semblent parvenir à canaliser les petits monstres, même si leur humeur n’est pas encore à la fête. Sarah joue tranquillement avec des cubes en bois tandis qu’Alexandre continue d’écouter l’histoire raconté par son grand-père. Seul Kylian semble un peu perdu au milieu de cet environnement et ne sait pas quoi faire.
-Tu ne veux pas jouer avec ta sœur, Kylian ? Lui propose doucement ma mère alors qu’il regarde avec envie les cubes.
-Non ! Elle est nulle Zarah ! Refuse-t-il en tapant du pied.
-Kylian ! On ne doit pas ça, c’est pas gentil ! Le gronde ma mère. Tu veux écouter l’histoire de Papy ?
-Non !
-Ah ! La période du Non ! Soupire mon père en regardant ma mère avec un regard complice. C’est qu’on aurait oublié, depuis le temps !

Après ma sieste, je finis par redescendre pour aider mes parents à s’occuper des petits monstres. Je me charge donc d’essayer d’occuper Kylian. Visiblement, il veut avoir quelqu’un pour s’occuper que de lui, sans partager avec son frère et sa sœur. Visiblement, c’est un trait de caractère de famille mais je m’abstiens de faire tout commentaire.
Je me contente seulement de sortir un jeu de carte et de faire deviner ce qu’elle représente à mon neveu.

-Alors Kylian, qu’est-ce que c’est ?
-Dodo ! S’exclame-t-il en réponse.
-Oui c’est pour faire dodo. Mais ça s’appelle comment ?
-Euh…

Je ne sais pas si ce que je lui propose l’intéresse réellement, car il semble intrigué par ma demande. Comme s’il se demandait où je veux en venir. Je persiste cependant, car en attendant, il semble s’être calmé. Et le calme, cela fait du bien.
-Un lit ? Ose-t-il enfin.
-Oui c’est ça ! Bravo Kylian ! M’exclamé-je joyeusement, me sentant ridicule. Le mot lit est tout simple et cela me fait bizarre de le féliciter pour cela.
En fin d’après-midi, c’est Juliette qui vient chercher les petits monstres. Elle reste un peu avec nous pour nous remercier de les avoir dépanné à la dernière minute. Mes parents restent polis en disant qu’ils ont été adorables.
Je lève les yeux au ciel face au politiquement correct et je finis par leur fausser compagnie pour aller me reposer. Mon ventre est douloureux et je n’ai qu’une envie : me coucher en attendant que cela finisse par passer.

Sauf que cela ne se calme pas, au contraire. Le soir, j’ai du mal à m’endormir et je tourne en rond dans mon lit. J’essaie de me masser le ventre mais rien ne me soulage. Par moment, la douleur se calme pour revenir de plus belle quelques minutes plus tard. Plus le temps passe, plus la douleur est insupportable.
Je finis par renoncer à dormir et je me lève. J’ai du mal à tenir sur mes jambes. J’essaie de respirer calmement mais c’est difficile quand la douleur revient.
Je crois que c’est le moment. La crevette se décide enfin à montrer le bout de son nez.
Mon cœur bat à toute vitesse. Je ne sais pas quoi faire. J’avance doucement vers la sortie de ma chambre, mais j’ai trop mal. Je ne sais pas si je parviendrai à aller jusqu’à la chambre de mes parents toute seule. Je finis par crier. J’appelle ma mère au secours. Elle ne tarde pas à arriver en courant, avec mon père et comprend très vite qu’il faut m’emmener à l’hôpital.

Ma mère m’aide donc à m’habiller et me guide jusqu’à la voiture. Elle m’emmène toute suite à l’hôpital tandis que mon père reste à la maison pour préparer des affaires et la chambre de la crevette.
Ma mère me dit de respirer dans la voiture. Elle essaie de me rassurer tandis que je souffre sur le siège passager. Je me demande si c’est normal d’avoir aussi mal. Ma mère me dit que ça ira mieux avec la péridurale.
Nous finissons par arriver devant l’hôpital. Je commence à paniquer. J’ai peur de cet accouchement à venir. Un mauvais pressentiment m’assaille.
-Ne t’inquiète pas ma puce, tout va bien se passer. Des femmes accouchent tous les jours sans problème ! Me serre dans ses bras ma mère, pour essayer de me calmer.
-Tu restes avec moi ? Lui demandé-je, apeurée devant l’immense bâtiment. J’ai l’impression d’être une enfant qui a peur d’aller voir le médecin. Mais en cet instant, je m’en fiche. J’ai besoin de ma maman.
-Ne t’inquiète pas, je resterai avec toi jusqu’au bout.

Ma mère m’aide à entrer à l’intérieur de l’hôpital. En entrant, elle semble soulagée de voir une jeune femme à l’accueil. Elle me raconte alors que la personne qui était à ce poste lorsqu’elle-même a accouché était une incompétente qui passait plus de temps sur un magazine qu’à s’occuper des patients qui arrivaient.
Un peu stressée, je m’approche du bureau et la jeune femme me regarde avec le sourire.
-En quoi puis-je vos aider madame ?
-Je… Je vais accoucher… Balbutié-je timidement, en essayant de respirer régulièrement.
-J’appelle tout de suite un médecin !
-Voilà quelqu’un qui fait son travail ! En est ravie ma mère. Tu vois, c’est bon signe ça ! M’assure-t-elle ensuite en me souriant, espérant me rassurer de cette manière.

Nous sommes très vite accueillies par un médecin, qui prend le temps de m’ausculter à la maternité. Elle en conclue très rapidement que le travail a effectivement commencé et qu’il est même temps de passer en salle de travail. Elle me parle avec calme et bienveillance mais cela ne me rassure pas pour autant. Une infirmière m’aide à me déshabiller et à enfiler une blouse, pour ensuite m’emmener dans une nouvelle pièce, avec une grosse machine étrange et terrifiante.
Je m’installe dessus, pas franchement rassurée par cette machine de torture. Pourvu que l’accouchement soit rapide !

Ma mère entre rapidement dans la salle à son tour, bien décidée à ne pas me laisser seule une seconde. Elle reste près de moi, et fait tout pour me rassurer. Cela me rappelle quand j’étais petite et qu’elle essayait de me consoler après un cauchemar. Oh ma petite maman, qu’est-ce que je te fais subir encore ?
Je vois bien qu’elle est inquiète pour moi, même si elle fait tout pour ne rien montrer. Cela ne doit pas être évident pour elle de voir sa fille souffrir sans ne pouvoir rien faire. Mais elle continue à se montrer forte, pour ne pas me causer davantage de soucis.
J’ai vraiment une mère en or. Parviendrais-je à être à son niveau avec ma crevette ?

Le travail commence et le médecin m’encourage. Ma mère me tient la main, et fait tout m’aider à me détendre. Mais c’est dur, j’ai mal, je fatigue. J’en ai marre de cette situation. L’accouchement s’éternise et je n’en peux plus. Je me demande si tout est normal. Pourquoi cela dure si longtemps ? Et pourquoi le médecin fronce les sourcils de cette manière ? Qu’est-ce qui se passe ?
Je me sens mal, si mal… J’ai soudain l’impression d’être déconnectée de la réalité. Je repose ma tête et le plafond me parait flou. Je ferme les yeux pour respirer un grand coup… Et puis, c’est le trou noir…

-Madame Opaline, je vais vous demander de sortir. Ordonne brusquement le médecin, tandis qu’une infirmière va à la rencontre de Maetha pour la guider vers l’extérieur de la salle de travail. Maetha la repousse, terriblement inquiète pour sa fille qui vient tout juste de perdre connaissance devant ses yeux.
-Pas question ! Pas sans savoir ce qui arrive à ma fille !! Dites moi ce qui se passe !!
-Je ne sais pas Madame. Mais si vous voulez que je puisse m’occuper de votre fille, je vous prie de bien vouloir sortir immédiatement ! Reste ferme le médecin, dont le stress se percevait dans la voix.
Maetha finit par obtempérer. Elle se rend dans la salle d’attente mais elle est incapable de tenir en place. Elle appelle Nick pour le tenir au courant de la situation et il essaie de se dépêcher pour venir la rejoindre à l’hôpital. Elle tourne en rond dans la salle, donnant le tournis aux autres personnes qui attendent. Certains lui demandent de s’asseoir, mais elle les envoie paître. Comment pourrait-elle rester calme alors qu’elle ignore comment se porte sa fille ? Elle ne pourra pas trouver le repos tant qu’elle ne saura pas comment elle va !
Un médecin finit par venir la voir. Maetha ignore depuis combien elle attend. Elle n’a pas regardé l’heure et cela lui a paru terriblement long.
-Comment se porte ma fille ? Lui demande directement Maetha, inquiète.
-Madame Opaline, votre fille et son bébé se portent bien et tout ira bien, ne vous inquiétez pas. Cependant ….