
Maetha
En ce moment, Rosae passe tout son temps en dehors de la maison. Nous ne la voyons plus avec Nick. Mon cher et tendre dit que c’est normal, elle est jeune, elle en profite pour sortir et passer du temps avec ses amis. Du moment qu’elle continue à avoir des bonnes notes au lycée, il n’y voit pas d’inconvénients.
Qu’il est mignon… et tellement naïf.
J’ai eu son âge moi aussi, et quelque chose me dit qu’elle ne sort pas seulement avec ses amis. Je suis sa mère, c’est moi qui l’ait mise au monde, et je sais reconnaître un changement de comportement chez ma progéniture.
Foi de Maetha, il y a un garçon là-dessous !
-Tu as bien dormi ma puce ? Lui demandé-je alors qu’elle vient de descendre pour prendre son petit déjeuner, en se servant de qu’il reste dans le frigo.
-Oui, ça va. Bâille-t-elle sans se douter de ce qu’il attend. Si elle a un copain, il est peut-être temps d’avoir une conversation sérieuse avec elle… Je n’ai pas envie d’être grand-mère toute suite !
-Dis-moi ma puce… J’ai remarqué que tu sortais beaucoup ces derniers temps…
-Oui, et alors ? Je n’ai plus le droit de voir mes amis ? M’interroge alors Rosae, intriguée, se demandant où je veux en venir.
-Et alors, je suis ta mère. Je vois que quelque chose à changer dans ton attitude… Il y aurait-il un garçon… Dans ta vie ?
-Maman.. Soupire-t-elle alors, en levant les yeux au ciel. J’ai le droit à une vie privée, non ? Ronchonne-t-elle ensuite.

–Bien sûr ! Je veux juste être sûre que tu prennes les précautions nécessaires … Lui réponds-je en marchant sur des œufs. Je ne voudrai pas la brusquer. Je ne connais que trop bien les conséquences qu’une erreur … d’inattention peut avoir.
-De quoi tu parles Maman ?
-Je te parle de crac-crac ma puce.
-MAMAN ! S’écrie-t-elle, choquée. Je ne veux pas parler de ça !
-C’est important ma chérie ! J’ai beau vouloir que tu restes mon bébé, j’ai bien conscience que tu es en train de devenir une femme et cela fait partie de la vie.
-Maman, arrête !! On a eu des cours d’éducation du crac-crac au lycée, c’est bon ! Réplique-t-elle, mal à l’aise, en se dépêchant d’avaler le contenu de son assiette.
-Très bien, très bien ! Mais si jamais tu as besoin de parler, entre femmes, sache que je suis là…
-Maman, j’ai envie de tout, sauf de parler de ça avec toi ! Assure-t-elle avant de s’enfuir à l’étage à toute vitesse.

Je soupire face à la réaction de Rosae. Je ne peux que comprendre. Je pense que j’aurais réagi de la même manière si ma mère avait tenté d’avoir la même conversation avec moi.
Enfin, il y avait moins de risque. A l’âge de Rosae, j’avais le visage d’une calculatrice et je ne sortais pas beaucoup.
Néanmoins, j’aurais aimé qu’elle me parle. Il n’y a rien de mal à parler de son petit-ami à sa mère quand même ! Si ?
-Tu auras essayé. Se retient de rire Nick, en train de cuisiner le repas de midi qui demande beaucoup de préparation.
-Très drôle. Mais cela a montré que j’avais raison. Rosie a un copain !
-C’est normal, c’est de son âge.
-Tu parles d’un père ! Tu ne devrais pas sortir le fusil pour courser ce garçon qui en veut à l’innocence de ta fille ? Bougonné-je, encore vexée de ne pas avoir convaincu ma fille de se confier.
-Promis, s’il lui fait du mal, j’irai le courser à coup de poêle ! Éclate-t-il de rire en réponse alors que je me retourne pour lui lancer un regard noir.

Rosae
Je ne sais pas quelle mouche lui a piqué, mais ma mère a bien été reloue ce matin ! Je ne sais pas de quoi elle se mêle, mais je n’ai aucune envie de lui parler de ma vie… Non pas que je n’aime pas ma mère, mais c’est ma vie privée. Et puis, je n’ai pas envie qu’elle me juge par rapport à ma relation avec Sven. J’ai trop peur qu’elle désapprouve, qu’elle me dise que je prends des risques stupides avec une relation sans avenir.
Bref, j’ai préféré fuir la maison avant qu’elle ne revienne à la charge. Du coup, avec Caroline, nous avons décidé d’aller tester le nouveau parc aquatique sur le thème des Caraïbes. Il est installé à Newcrest et au moins, je suis suffisamment loin de ma mère pour pouvoir passer une bonne journée !
-C’est trop dommage qu’il fasse un temps tout pourri ! Soupire ma meilleure amie, alors que le ciel est nuageux et que nous sommes sur une petite terrasse couverte.
-C’est clair ! On risque d’avoir un peu froid mais cela ne nous empêchera pas de passer une bonne journée ! La rassuré-je alors, ravie de passer une après midi entre filles. Cela fait bien trop longtemps à mon goût que nous nous sommes pas vues ! Et pour tout te dire, je préfère être ici qu’à la maison.
-Ah ? Pourquoi ? La carrière de ta sœur a foiré et elle est revenue vivre chez toi ?

-Parle pas de malheur ! Ne puis-je m’empêcher de rire, tout en me servant de la limonade. Ma mère a essayé de me parler garçon et du crac-crac !
-Oh l’angoisse ! Rit-elle à son tour. Si elle savait ! C’est un peu tard
-Mais c’est ça ! Confirmé-je alors. Caroline est ma meilleure amie et je ne peux m’empêcher de tout lui confier. C’est une amie formidable qui m’écoute sans jamais me juger. Et puis même, bonjour la honte quoi ! J’avais envie de me cacher dans un trou de souris ! Je ne sais pas ce qu’il lui a pris !
-Elle se doute peut-être de quelque chose ? Tu vois souvent Sven alors le « je sors voir des amis » ne passe peut-être plus.
-Peut-être… Mais je ne veux pas lui en parler. J’ai peur qu’elle soit déçue …
-De quoi ? Le fait que tu vives une histoire avec Sven ou que votre relation ne soit pas exclusive ?
-Les deux.
-Tu sais, ta mère a l’air cool. Je suis sûre qu’elle dirait rien.
-Sans doute. Mais c’est ma vie privée, elle n’a pas à tout savoir !

-Elle s’inquiète, c’est tout. Se montre compréhensive Caroline. Si tu savais comme je t’envie parfois ! La mienne, elle est trop obnubilée par les infidélités de mon père pour faire attention à nous. Paul déprime et elle s’en fiche ! Pour elle, tout va bien à la maison, elle est en plein déni !
-Qu’est-ce qui lui arrive à Paul ? La questionné-je, inquiète pour mon ami. Pierre m’a déjà dit qu’il n’allait pas bien mais il n’en sait pas plus.
-Ca, c’est parce qu’il est trop occupé à agrandir son tableau de chasse ! S’en amuse-t-elle à son tour avec un sourire en coin. Mais je t’avoue que Paul n’est pas du genre à se confier à nous tu sais. Je suppose que s’il voulait nous en parler, il l’aurait déjà fait.
-J’espère que ça va aller… Je suis tellement occupée avec Sven que j’en oublie mes amis, j’ai honte !
-Ne t’inquiète pas. On comprend. Tu profites qu’il soit encore là pour passer du temps avec lui, c’est normal. Me rassure-t-elle avec bienveillance. Puis, soudainement, son regard se perd au loin, comme elle pensait à quelque chose.
-Tout va bien Caro ? M’inquiété-je aussitôt, devinant que quelque chose ne va pas.

-Oh je… Je ne veux pas t’embêter avec ça. Grimace-t-elle en réponse, se mordant la lèvre comme si elle hésite à se confier à moi. Tu as l’esprit pas mal occupé avec Sven, je ne veux pas en rajouter une couche.
-Caro, tu peux tout me dire tu sais ? La rassuré-je en lui prenant la main. Ce n’est pas parce que mon histoire avec Sven est compliquée que tu ne peux pas me parler de tes problèmes. Je suis là pour ça, aussi.
-Je m’interroge pas mal… sur moi-même. M’avoue-t-elle, un peu gênée. Tu ne le diras à personne, hein ?
-Bien sûr ! C’est pas mon genre de révéler les secrets des autres !
-Oui excuse-moi, je voulais pas douter de toi… C’est juste que… C’est délicat…
-Tu t’interroges sur quoi ?
-Rosie… Je… Je crois que j’aime les filles. Me souffle-t-elle en regardant ses pieds.
-Ah ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Lui dis-je, surprise. Je ne m’attendais pas à une telle annonce. Mais après tout, si elle préfère les filles, c’est bien son droit.
-J’ai eu une sorte de déclic quand ma mère m’a demandé si j’allais lui ramener un garçon. C’est là que j’ai remarqué que j’ai jamais regardé les garçons, même dans les séries. Là où toutes les filles sont en admiration devant un acteur canon, moi, je m’en fiche. Par contre, les filles… J’ai l’impression que je regarde les filles comme je devrais regarder un garçon. Tu vois où je veux dire ?
-Oui je vois… Mais cela te pose un problème, de préférer les filles ?
-Sur le principe non… Mais je ne peux m’empêcher de me dire que c’est pas possible en fait. Que c’est juste une passade pour tenter de faire mon intéressante face à mes parents qui ne s’intéressent plus à nous depuis qu’on est suffisamment grand pour s’occuper de nous tous seuls.
-Au pire, ce n’est pas grave si c’est une passade, non ? Tu peux parfaitement préférer les filles aujourd’hui, et être attirée par un mec demain. Personne ne va venir chez toi pour te dire « tu as signé pour le club des lesbiennes, tu n’as plus le droit de changer d’avis !! » en te menaçant avec un scalpel ! Essayé-je de l’aider, tout en y associant une pointe d’humour. Cela a au moins eu l’avantage de la faire sourire.
-Je sais bien, mais que veux-tu… Je ne peux m’empêcher de me poser la question tu vois… Comme si j’avais besoin de m’identifier à quelque chose pour savoir qui je suis…
-Cela ne fait pas de toi qui tu es, à mon avis. Mais bon… Tu as déjà essayé de sortir avec une fille ?
-Non… J’ai pas envie de briser le cœur de quelqu’un avec mes incertitudes …
-Je vois… Dans ce cas… Je veux bien te servir de cobaye !

Devant l’incompréhension de Caroline, je l’invite à se lever. Elle n’arrête pas de me poser des questions, me demandant ce qu’il peut bien se passer dans ma tête. J’avoue que mon idée est complètement débile. Nous sommes amies et il est probable que cela ne donne rien. Mais bon, elle ne pourra jamais se permettre de faire ça avec une autre fille sans risquer de lui faire du mal. Alors, au nom de notre amitié, je suis prête à donner de moi-même pour lui donner un coup de main !
Alors, une fois toutes les deux debout, je m’approche d’elle… et je l’embrasse. Je sens qu’elle est surprise et qu’elle ne s’y attendait absolument pas. Néanmoins, elle se laisse faire et finit même par répondre à mon baiser, comme si elle a compris l’idée que j’ai derrière la tête.

-Alors ? T’as ressenti un truc ? Lui demandé-je une fois que j’ai libéré ses lèvres. J’affiche un grand sourire, fière de mon coup, et Caroline me sourit à son tour.
-T’es complètement tarée ! Éclate-t-elle justement de rire. Ce qui me rassure, quelque part. Au fond de moi, j’avais un peu peur qu’elle le prenne mal, même si, si je me suis permise de l’embrasser, je savais qu’elle allait bien le prendre. Et je ne sais pas si c’est fiable ! T’es ma meilleure amie, c’est trop bizarre !
-Ce qui pourrait compliquer les choses, c’est si ça m’avait fait quelque chose ! Mais rassure-toi, je suis toujours aussi hétéro qu’avant ! Tu ne risques pas de me briser le cœur en me mettant dans la friendzone !
-Et bien… Disons que ce n’était pas désagréable… Mais j’imagine que ce serait différent avec une fille avec qui je veux sortir.
-Oh ! Caro ! Tu ne veux pas sortir avec moi ? Tu me brises le cœur !! Fais-je semblant d’être anéantie, provoquant l’hilarité de ma meilleure amie.


Une fois remises de notre fou rire, nous décidons de profiter enfin des jeux d’eau du parc, ainsi que de la piscine. L’endroit doit être magnifique lorsqu’il y a un grand soleil mais malheureusement, le temps est gris. De ce fait, l’endroit parait triste, d’autant plus qu’il n’est pas forcément très bien situé. Il y a quand même un sacré décalage entre le centre de Newcrest et le décor des Caraïbes du parc aquatique.
Malgré tout, cela ne nous a pas empêché de bien profiter de l’endroit, même lorsque la nuit a commencé à tomber.

En rentrant, je suis crevée. Je n’ai qu’une hâte : me mettre au lit et dormir jusqu’à lundi. Oui, j’ai l’intention de passer mon dimanche sous la couette, mais je ne suis pas certaine que mes parents me laissent faire.
Monde cruel !
-Tu as passé une bonne journée ma puce ? Me demande ma mère, installée sur le canapé, tandis que Papa travaille son déhanché…. Je crois que j’aurais préféré ne pas voir ça.
-Oui mais je suis crevée ! Je fais un tour dans la salle de bain et dodo !
-Caroline va bien ?
-Oui Maman, mais je suis fatiguée. Soupiré-je, fatiguée par les questions de Maman.